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28/05/2025 | FRANCE | N°23TL02679

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 28 mai 2025, 23TL02679


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 20 avril 2023 par lequel la préfète du Gard a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français en fixant le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.



Par un jugement n° 2302041 du 17 octobre 2023, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'

arrêté de la préfète du Gard du 20 avril 2023, enjoint au préfet du Gard de délivrer à M. B... un titre d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 20 avril 2023 par lequel la préfète du Gard a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français en fixant le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2302041 du 17 octobre 2023, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté de la préfète du Gard du 20 avril 2023, enjoint au préfet du Gard de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 novembre 2023, le préfet du Gard, demande à la cour d'annuler ce jugement.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que son arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a été procédé à un examen attentif et particulier de la demande de M. B... au regard de ses liens personnels et familiaux ;

- le refus de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est justifié dès lors que M. B... entre dans les catégories d'étrangers susceptibles de bénéficier du regroupement familial ;

- M. B... ne peut se prévaloir de l'ancienneté, de la continuité et de la régularité de son séjour en France, ne justifie pas de liens familiaux et privés ni d'aucune intégration particulière dans la société française, en l'absence notamment d'intégration professionnelle et en s'étant maintenu de manière irrégulière sur le territoire français nonobstant un refus de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juillet 2024, M. B..., représenté par Me Chabbert Masson, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

Sur la décision de refus de séjour :

- en raison de la durée de son séjour en France, de l'importance de ses attaches et de son intégration sur le territoire français, cette décision a été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en refusant de l'admettre au séjour, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la mesure d'éloignement est illégale en raison de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la mesure d'éloignement a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

- la décision est privée de base légale ;

- en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire au motif qu'il a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement, le préfet du Gard a commis une erreur de fait ainsi qu'une erreur de droit ;

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est privée de base légale ;

- elle est disproportionnée et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, dès lors qu'il ne peut plus se rendre sur le territoire où résident ses enfants.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord conclu le 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Chabert, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né le 7 mars 1985, est entré en France en 2008 selon ses déclarations. Le 24 septembre 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 20 avril 2023, le préfet du Gard a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Le préfet du Gard fait appel du jugement n° 2302041 du 17 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté, enjoint au préfet du Gard de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui soutient sans toutefois l'établir séjourner habituellement en France depuis 2008, a fait l'objet en dernier lieu d'un refus de séjour en date du 3 mai 2018 opposé par le préfet du Gard dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Nîmes du 15 mai 2020 et une ordonnance du président de la cour administrative d'appel de Marseille du 18 janvier 2021. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intimé s'est marié le 5 mars 2016 en France avec une compatriote en situation régulière, titulaire en dernier lieu d'un titre de séjour pluriannuel valable jusqu'au 4 octobre 2023, et qui exerce une activité professionnelle en qualité de salariée. De sa relation avec cette personne sont nés deux enfants sur le territoire français les 6 mars 2014 et 7 juin 2016. S'il est vrai que l'intimé relève de la catégorie des étrangers susceptibles de bénéficier d'une mesure de regroupement familial, l'ancienneté et la stabilité de la cellule familiale de M. B... avec son épouse et leurs deux enfants sont de nature à établir que le centre de leur vie privée et familiale se situe en France. Dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté portant refus de séjour et obligeant M. B... à quitter le territoire français doit être regardé comme ayant porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale en France une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Gard n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 20 avril 2023 par lequel il a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. B... et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Sur les frais liés au litige :

5. E application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet du Gard est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, où siégeaient :

- M. Chabert, président de chambre,

- M. Teulière, président assesseur,

- M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2025.

Le président-rapporteur,

D. Chabert

Le président-assesseur,

T. Teulière La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL02679


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02679
Date de la décision : 28/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Denis Chabert
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : CHABBERT MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-28;23tl02679 ?
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