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03/06/2025 | FRANCE | N°23TL02069

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 03 juin 2025, 23TL02069


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 24 octobre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité nouvelle " gonarthrose droite avec gonalgies d'effort " et de réviser ses droits à pension en fixant pour cette infirmité nouvelle un taux d'invalidité de 10 % à compter du 31 juillet 2016, date de sa demande.



Par un jugement

n° 1906883 du 13 juin 2023, le tribunal administratif de Toulouse, après avoir ordonné, avant dir...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 24 octobre 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité nouvelle " gonarthrose droite avec gonalgies d'effort " et de réviser ses droits à pension en fixant pour cette infirmité nouvelle un taux d'invalidité de 10 % à compter du 31 juillet 2016, date de sa demande.

Par un jugement n° 1906883 du 13 juin 2023, le tribunal administratif de Toulouse, après avoir ordonné, avant dire droit, par un jugement rendu le 20 juillet 2021, une expertise médicale, a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés, le 10 août 2023 et les 31 octobre et 12 décembre 2024, M. B... A..., représenté par Me Petitgirard, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement rendu le 13 juin 2023 par le tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rejeter l'appel incident du ministre des armées ;

3°) de faire injonction au ministre des armées, dans un délai de deux mois, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de deux cents euros par jour de retard, de lui concéder une pension militaire pour l'infirmité dont il est atteint au taux de 10 %, assortie des intérêts et des intérêts capitalisés à valoir sur les arrérages de sa pension militaire à compter de la réception de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 2 000 euros à verser à son conseil sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que son infirmité relative à une gonalgie droite est en lien direct avec sa chute, le 10 mai 2016, alors qu'il se trouvait en service sur le territoire de la République de Djibouti.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 octobre et 26 novembre 2024, et un mémoire, non communiqué, enregistré le 7 janvier 2025, le ministre des armées conclut au rejet de la requête, demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que la gonarthrose droite avec gonalgie à l'effort, évaluée à un taux de 10%, résulte d'une affection sans lien avec la chute survenue le 10 mai 2016 et, par la voie de l'appel incident, d'infirmer le jugement en tant qu'il a déclaré la maladie imputable au service.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;

- le droit à pension ne peut qu'être dénié dès lors que si M. A... a fait une chute le 10 mai 2016, la gonarthrose du genou droit, dont il souffrait déjà en 2012, n'est pas en lien direct avec cet accident.

Par une ordonnance du 12 décembre 2024, la date de clôture d'instruction a été reportée au 7 janvier 2025.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, par un avis du 6 mai 2025, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par le ministre des armées, par la voie de l'appel incident, tendant à ce que la cour infirme le jugement en ce qu'il a retenu l'imputabilité au service de l'affection contractée par M. A..., le ministre n'ayant pas intérêt à critiquer les motifs du jugement qui, par son dispositif, fait intégralement droit à ses conclusions tendant au rejet de la demande présentée par le militaire.

Des observations, en réponse à cette lettre d'information, enregistrées le 13 mai 2025, ont été produites par le ministre des armées et communiquées à M. A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Petitgirard représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., militaire engagé dans l'armée de terre depuis le 1er septembre 1983, s'est vu ouvrir par un arrêté ministériel du 2 novembre 2015, en exécution d'un jugement rendu le 9 octobre 2014 par le tribunal des pensions militaires d'invalidités de Pau, ses droits à pension militaire d'invalidité, concédée à titre définitif au taux d'invalidité de 10 %, au titre de l'infirmité " séquelles de rupture du ligament croisé du genou gauche ", à la suite de sa blessure subie au Gabon, le 13 octobre 2006. Par une demande du 31 juillet 2016, il a sollicité la révision de sa pension militaire d'invalidité pour une infirmité nouvelle résultant d'un traumatisme du genou droit qu'il impute à une blessure survenue, le 10 mai 2016, à Djibouti. Par une décision du 24 octobre 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande au motif que l'infirmité " gonarthrose droite avec gonalgies d'effort " était inférieure aux taux d'invalidité de 10 % qui constitue le minimum indemnisable. M. A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler cette décision et de réviser, en conséquence, ses droits à pension à compter de la date de sa demande. Par un jugement avant dire droit, rendu le 20 juillet 2021, le tribunal a ordonné une expertise médicale, qui a été déposée le 24 août 2022. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse, rendu le 13 juin 2023, rejetant sa demande d'annulation de la décision du 24 octobre 2018, ainsi que celle tendant à la révision de son droit à pension.

Sur la recevabilité de l'appel incident du ministre des armées :

2. Les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs ne peuvent tendre qu'à l'annulation ou à la réformation du dispositif du jugement attaqué. Par suite, n'est pas recevable, quels que soient les motifs retenus par les premiers juges, l'appel incident dirigé contre un jugement qui, par son dispositif, fait intégralement droit aux conclusions présentées en première instance par l'intimé.

3. Les conclusions incidentes présentées par le ministre des armées ne sont pas dirigées contre le dispositif du jugement, qui lui a donné entière satisfaction en rejetant la demande présentée par M. A... à l'encontre du refus de révision de son droit à pension, mais contre les motifs de ce jugement, qui a retenu qu'il ne s'agit pas d'une blessure subie par le militaire mais d'une affection du genou droit contractée pendant le service. Les parties en ayant été informées, il y a lieu de relever d'office cette irrecevabilité et de rejeter ces conclusions pour ce motif.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière de pensions militaires d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige.

5. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande de révision : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Selon l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité bénéficie à l'intéressé (...). / La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". Selon l'article L. 4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10%. / Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10% ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ;40 % en cas d'infirmités multiples. (...). "

6. Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service, constatée dans les conditions qu'elles prévoient. En l'absence de tout fait précis de service ayant causé un traumatisme qui serait à l'origine de l'infirmité litigieuse, celle-ci doit être qualifiée de maladie. En outre, lorsque le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il incombe à ce dernier d'apporter la preuve de cette imputabilité par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle, ni des conditions générales de service partagées par l'ensemble des militaires servant dans la même unité et soumis, de ce fait, à des contraintes et des sujétions identiques.

7. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Toulouse, que le 31 juillet 2016, date de sa demande, M. A... présentait une atteinte dégénérative du genou droit, précoce et inhabituelle pour son âge. Cette atteinte dégénérative est la conséquence, selon l'expert, d'une hyper-sollicitation mécanique des genoux du fait de la comptabilisation, en 2012, de plus de 3 000 sauts en parachute réalisés avec charges. Le rapport d'expertise relève que la lésion méniscale aiguë survenue lors d'un footing en service, le 10 mai 2016, n'est qu'une manifestation de cette atteinte dégénérative globale du genou droit et que l'existence d'un genu varum, à savoir une déviation des genoux vers l'extérieur, est un élément qui a exposé le sujet à une sollicitation majorée du compartiment interne des genoux et a donc favorisé l'arthrose dont il est atteint, même si cette l'incidence de cette déformation congénitale n'était pas inéluctable. Au regard de ce diagnostic de lésion interne, sans intervention d'une cause extérieure précise, l'expert conclut, en outre, à l'imputation au service de la " gonarthrose droite avec gonalgies d'effort " avec un taux d'invalidité de 10 % au 31 juillet 2016. Ainsi, cette infirmité n'est pas liée à un accident de service et ne trouve pas son origine dans une lésion soudaine consécutive à un fait précis de service, les phénomènes dégénératifs ayant déjà été notés, lors de la première constatation médicale du 13 mars 2012, et procédant d'une maladie imputable au service. Dans ces conditions, compte tenu de l'affection dont il est atteint, l'appelant ne peut, pour démontrer l'imputabilité au service, utilement invoquer les attestations, rédigées le 26 juin 2023, par deux militaires, confirmant le fait qu'il aurait fait une chute, le 10 mai 2016, lors d'une séance de footing. Eu égard au caractère modéré de la symptomatologie de M. A... et en accord avec les mentions indicatives du guide-barème des pensions militaires d'invalidité, il convient de retenir, à la date du 31 juillet 2016, ainsi qu'y a procédé l'administration, un taux d'invalidité de 10 % pour cette maladie. Ce taux, au demeurant non contesté par l'appelant, étant inférieur au taux indemnisable minimum de 30 % requis par les dispositions précitées de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre citées au point 5, M. A... ne peut, en tout état de cause, prétendre à la révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de cette infirmité.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par le requérant et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par le ministre des armées sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2025.

La rapporteure,

D. Teuly-Desportes

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°23TL02069 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02069
Date de la décision : 03/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

48-01-01 Pensions. - Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. - Questions générales.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Delphine Teuly-Desportes
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : PETITGIRARD

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-03;23tl02069 ?
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