Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée L'Inimitable a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2014 et 2015, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er mars 2014 au 31 décembre 2015, ainsi que des amendes qui lui ont été infligées au titre des exercices clos les 31 décembre 2014 et 2015 sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.
Par un jugement n° 2026388 du 13 février 2023, le tribunal administratif de Montpellier, à qui le dossier avait été transféré par une ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'État, a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, trois mémoires complémentaires et un mémoire récapitulatif, enregistrés les 17 avril et 30 novembre 2023 et les 16 janvier, le 19 février et 10 mai 2024, la société L'Inimitable, représentée par Me Mot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 janvier 2023 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2014 et 2015, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er mars 2014 au 31 décembre 2015, ainsi que des amendes qui lui ont été infligées au titre des exercices clos les 31 décembre 2014 et 2015 sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification du 19 septembre 2017 est insuffisamment motivée s'agissant des rehaussements portant sur l'exercice clos le 31 décembre 2014 ;
- il n'est pas démontré que la signataire de l'avis de mise en recouvrement du 15 novembre 2018 disposait d'une délégation de signature régulièrement publiée ;
- l'avis de mise en recouvrement du 15 novembre 2028 est irrégulier, dès lors qu'il comporte des mentions contradictoires et erronées s'agissant de la nature et de l'origine des créances n° 1829040 et n° 1829050 ;
- la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires est radicalement viciée, dès lors qu'elle repose sur un sondage non représentatif et sur une extrapolation à partir de données issues d'exercices postérieurs ;
- à titre subsidiaire, un nouveau coefficient multiplicateur doit être déterminé à partir de 32 325 kilogrammes de viande servie en 2015, de la prise en compte de 1 873 repas offerts par an au personnel et de l'application d'un tarif de 5 euros pour le " nan kebab " ;
- les sommes de 20 400 euros, 3 213,68 euros et 60 523 euros portées au crédit du compte courant d'associé au titre de l'exercice 2014 sont justifiées ;
- les amendes pour non désignation des bénéficiaires des distributions sont entachées d'un défaut de motivation ;
- elle doit en être déchargée en conséquence du caractère infondé des rectifications ;
- les majorations pour manquement délibéré ne sont pas justifiées.
Par cinq mémoires en défense, enregistrés les 29 septembre et 21 décembre 2023 et les 19 février, 29 avril et 22 mai 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 13 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rey-Bèthbéder,
- les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique,
Considérant ce qui suit :
1. La société L'Inimitable a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a reconstitué le chiffre d'affaires de son activité de restauration rapide de type " kebab ", exercée à Toulouse sous l'enseigne commerciale " O Chicken Cheese ". Elle a été, en conséquence, assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 décembre 2014 et 2015 et à un complément de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er mars 2014 au 31 décembre 2015, ainsi qu'à des amendes qui lui ont été infligées au titre des exercices clos les 31 décembre 2014 et 2015 sur lefondement de l'article 1759 du code général des impôts. Elle fait appel du jugement du 13 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et amendes.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". L'article R. 57-1 du même livre dispose que : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.
3. La proposition de rectification que le service a adressée le 19 septembre 2017 à la société L'Inimitable comportait les mentions exigées par les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Elle indiquait notamment que la reconstitution du chiffre d'affaires de l'exercice clos en 2014 reposait sur le coefficient net global des achats revendus déterminé pour l'exercice clos en 2015, qui était alors pondéré à 2,6, au motif que " les factures d'achats de viande se rapportant à l'exercice 2014 sont beaucoup plus diverses et n'apportent pas les mêmes précisions. En effet, il y a de nombreux achats effectués dans des boucheries de proximité, et les pièces justificatives n'indiquent pas la masse de viande achetée ou sont très souvent illisible (encre des tickets effacée) ". Ces mentions, qui étaient suffisamment précises, permettaient à la contribuable de présenter utilement ses observations. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification manque en fait et doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. / (...) / L'avis de mise en recouvrement est individuel. Il est émis et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret, selon les modalités prévues aux articles L. 212-1 et L. 212-2 du code des relations entre le public et l'administration. Les pouvoirs de l'autorité administrative susmentionnée sont également exercés par le comptable public compétent (...) ". L'article L. 257 A du même livre, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " Les avis de mises en recouvrement peuvent être émis et rendus exécutoires (...), sous l'autorité et la responsabilité du comptable public compétent, par les agents du service ayant reçu délégation ".
5. Il résulte de l'instruction que Mme B... C..., contrôleuse des finances publiques, a signé l'avis de mise en recouvrement adressé le 15 novembre 2018 à la société L'Inimitable, en vertu d'une délégation de signature qui lui a été donnée par un arrêté n° 31-2018-08-03-003 du chef du service comptable du service des impôts des entreprises de Toulouse-Centre du 3 août 2018, dont l'article 6 précisait qu'il ferait l'objet d'une publication au recueil des actes administratifs du département de la Haute-Garonne. Cette disposition permet de présumer de ce que la publication que l'arrêté prescrivait avait été effectivement mise en œuvre. Cet arrêté a d'ailleurs été publié le 9 août 2018 dans le recueil des actes administratifs spécial n° 31-2018-170 de la Haute-Garonne mis en ligne sur le site internet de la préfecture dans des conditions garantissant la fiabilité et la date de la mise en ligne de tout nouvel acte. Par suite, alors d'ailleurs que la société appelante se borne à se prévaloir de l'absence de justification de cette publication à la date de l'avis de mise en recouvrement en litige, sans assortir ses allégations d'aucun élément permettant de douter de sa réalité, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de cet avis doit être écarté.
6. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / (...) / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications (...) ".
7. Il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement du 15 novembre 2018 mentionne, notamment, deux amendes correspondant, pour chacun des exercices en cause, aux créances n° 1829040 et n° 1829050. Il fait référence, à ce titre, à la proposition de rectification du 19 septembre 2017, qui comporte la demande de désignation des bénéficiaires des distributions, à la réponse aux observations du contribuable du 19 décembre 2017, qui précise les motifs de droit et de fait pour lesquels ces amendes ont été mises à la charge de la société L'Inimitable, ainsi qu'au courrier de l'interlocuteur départemental du 8 octobre 2018, précisant les dernières conséquences financières du contrôle. Il retient des montants de 109 141 euros et de 190 170 euros, qui sont identiques à ceux qui figurent dans ces mêmes conséquences financières s'agissant des amendes de l'article 1759 du code général des impôts. L'ensemble de ces éléments sont, ainsi, dépourvus d'ambiguïté s'agissant de l'identification des sommes qui lui étaient réclamées. Dans ces conditions, l'ajout de la mention " pénalités : cf lettre de motivation du 19-09-2017 " et l'absence de référence à leur base légale n'ont pu induire en erreur la contribuable sur la nature de ces sommes. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement, en raison de l'existence de mentions contradictoires et erronées s'agissant de la nature et de l'origine des créances n° 1829040 et n° 1829050, manque en fait et doit être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " (...) la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge (...) ".
9. Il n'est pas contesté que la société L'Inimitable n'a pas été en mesure de produire les justificatifs des recettes encaissées au cours des exercices vérifiés, ainsi que le confirme un procès-verbal établi le 12 juin 2017. Elle enregistrait globalement ses recettes journalières et les recettes en espèces de l'exercice clos en 2014 ont été globalisées au 31 décembre 2014. À la même date, la caisse a été soldée par une écriture enregistrée dans le journal des opérations diverses, dont la contrepartie était constituée par de nombreux comptes fournisseurs et salariés. Une telle comptabilité comportait de graves irrégularités au sens des dispositions précitées. Les impositions supplémentaires procédant de la reconstitution de recettes contestée ont été établies conformément à l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires de la Haute-Garonne au cours de sa séance du 5 juin 2018. Dans ces conditions, la charge de prouver le caractère exagéré des bases d'imposition arrêtées par l'administration incombe à la société L'Inimitable en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales.
10. Pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'activité exercée par la société L'Inimitable au cours des exercices clos les 31 décembre 2014 et 2015, le service vérificateur a, dans un premier temps, pris en compte, à partir des informations obtenues pour la période du 13 au 22 juin 2017, la proportion de chiffre d'affaires réalisée à partir de la viande " kebab " et la répartition de l'utilisation de cette viande en fonction des produits préparés, " nan kebab ", " assiettes kebab " et " tacos ". Il a, dans un deuxième temps, reconstitué le chiffre d'affaires réalisé en 2015 sur les ventes de ces produits, après avoir déterminé la masse totale de viande " kebab " crue servie à partir de l'examen des factures d'achats, appliqué la répartition de son utilisation en fonction des produits préparés et la masse de viande servie dans chaque préparation et s'être fondé sur un relevé de prix réalisé le 12 juin 2017. Il a, dans un troisième temps, reconstitué le chiffre d'affaires total de ce même exercice en appliquant la proportion représentée par la vente de viande " kebab ". Enfin, il en a déduit un coefficient net global à partir des achats revendus, à hauteur de 2,51, qu'il a appliqué aux achats constatés en 2014 et 2015 pour déterminer les chiffres d'affaires reconstitués au titre des exercices correspondants.
11. Cette méthode a été retenue par le service en l'absence, notamment, de présentation de pièces justificatives de recettes se rapportant aux exercices 2014 et 2015. Il a relevé, par ailleurs, que les factures relatives à l'exercice 2014 n'étaient pas exploitables car elles portaient sur des achats réalisés dans des boucheries de proximité et étaient illisibles ou n'indiquaient pas la masse de viande achetée. En se bornant à se prévaloir de la durée limitée de la période de référence, de ce qu'elle correspondait à une période de ramadan, de ce que la clientèle de l'entreprise s'est constituée progressivement depuis le début de son activité en 2014 et de la possibilité qu'avait l'administration d'exercer un droit de communication auprès des boucheries de proximité, la société L'Inimitable n'établit pas, alors qu'elle a elle-même choisi cette période, à l'invitation du vérificateur qui lui demandait de produire des données " sur une période la plus large possible ", et alors que la méthode retenue se fonde sur les achats revendus de chacun des exercices en litige, que les ventilations constatées ne seraient pas représentatives de ces exercices. Par ailleurs, la seule production de la photographie d'un panneau des menus proposés, qui comporte la mention " frites à volonté " et un tarif de 4,50 euros pour le " nan kebab ", et non de 5 euros comme pris en compte dans la reconstitution, mais dont rien n'indique qu'il correspondrait aux pratiques réalisées au cours des exercices en cause, ne permet pas d'établir que les données retenues par le service seraient erronées. Dans ces conditions, la méthode de reconstitution des recettes, qui repose sur les seuls éléments mis à la disposition du service, n'est pas radicalement viciée dans son principe.
12. La société L'Inimitable propose, à titre subsidiaire, une reconstitution reprenant la méthode retenue par l'administration, à partir d'un coefficient net global ramené de 2,51 à 2,19, compte tenu de la prise en compte de 32 325 kilogrammes de viande " kebab " crue servie en 2015, de 1 873 repas offerts au personnel au cours de cette même année et d'un tarif de 4,50 euros pour le " nan kebab ". Toutefois, d'une part, la masse de 3 615 kilogrammes de viande perdue à la cuisson, revendiquée par la société, ne peut être retenue dès lors qu'elle résulte de l'application, à la masse admise à ce titre par le service, d'un taux de perte à la cuisson de 35 %, déjà retenu dans la détermination de la masse de viande servie dans chaque préparation. Par ailleurs, la société n'établit pas la nécessité d'appliquer un taux de réfaction supplémentaire de 2,5 %, correspondant à la perte d'une partie des lamelles de viande tranchée, alors que le taux global de 35 % a été établi à partir des constatations du service et des informations transmises par la société. D'autre part, la production du livre de paie pour la période de janvier à décembre 2015, qui a été produit pour la première fois le 30 novembre 2023, ne suffit pas à démontrer que la société aurait offert 1 873 repas à l'ensemble de ses salariés, ainsi que cette pièce le mentionne, alors que cette pratique n'était pas mentionnée dans le compte-rendu du 7 juillet 2017 relatif aux conditions d'exploitation du restaurant. Enfin, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que l'application, en 2015, d'un tarif de 4,50 euros pour le " nan kebab " n'est pas établie. La " méthode " proposée par la société L'Inimitable, qui repose ainsi sur des données non justifiées, ne peut donc être retenue pour être substituée à celle qui a été appliquée.
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 10 à 12 ci-dessus que la société L'Inimitable n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère exagéré des bases d'impositions arrêtées par le service, qui a suffisamment pris en considération les conditions réelles d'exploitation.
14. En second lieu, aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) ".
15. Il résulte de l'instruction que le service a constaté que, au cours de l'exercice clos le 31 décembre 2014, la société L'Inimitable avait comptabilisé des dettes fournisseurs et salariés au crédit du compte courant d'associé 45511 ouvert au nom de son ancien dirigeant, M. D... A..., pour un montant total non justifié de 89 119 euros. Ces écritures caractérisent l'inscription délibérée au passif de la société de dettes non justifiées à l'égard de M. A..., corrélatives d'une omission, également délibérée, d'inscrire au passif l'existence de dettes identiques à l'égard de ses créanciers, à hauteur des sommes inscrites au crédit du compte 45511. En se bornant à se prévaloir de ce que la dette de 20 400 euros, correspondant à un chèque de garantie remis à son bailleur, devait être comptabilisée alors même qu'elle n'a pas donné lieu à un décaissement effectif, de ce qu'elle est à la recherche des pièces justificatives du crédit de 3 213,68 euros et de ce que " les autres dettes inscrites au passif du bilan correspondent au paiement en espèces de salariés et de fournisseurs à hauteur de 60 523 euros ", la société appelante ne remet pas en cause l'existence de cette inscription délibérée. Il en résulte que c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que la somme de 89 119 euros, correspondant au solde créditeur du compte courant d'associé, constituait un passif injustifié et qu'elle a réintégré cette somme dans les résultats imposables de la société L'Inimitable.
En ce qui concerne les pénalités :
16. En premier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
17. D'une part, le vérificateur a constaté que les déclarations de taxe sur le chiffre d'affaires de la société appelante étaient minorées, de 10 909 euros et de 17 157 euros, au titre de chacun des exercices vérifiés par rapport aux chiffres d'affaires mentionnés sur les déclarations de résultats des mêmes exercices. Le service a également relevé que l'insuffisance de l'exercice 2014 avait été régularisée sur la déclaration déposée au titre du mois de juin 2015. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant, eu égard d'ailleurs à la répétition des manquements, la volonté délibérée d'éluder l'impôt dû à ce titre.
18. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit au point 15 du présent arrêt que l'administration établit que la société L'Inimitable ne pouvait ignorer la provenance réelle des sommes comptabilisées, au cours de l'exercice 2014, au crédit du compte courant d'associé de M. A.... Par ailleurs, l'inscription au passif du bilan de dettes non justifiées d'un montant total de 89 119 euros ne peut être regardé comme une simple erreur commise de bonne foi. Le service a donc pu, à bon droit, assortir les rehaussements correspondants d'impôt sur les sociétés de la majoration pour manquement délibéré.
19. Enfin, en relevant l'importance et la répétition des minorations du chiffre d'affaires de la société L'Inimitable des exercices 2014 et 2015, qui se sont élevées respectivement à 99 482 euros et 210 803 euros, soit 28,5 % et 34 % des chiffres d'affaires déclarés, et qui ont impliqué des rappels de taxe sur la valeur ajoutée représentant 40,2 % et 45,8 % de la taxe sur la valeur ajoutée déclarée, l'administration doit être regardée comme établissant, eu égard d'ailleurs à l'absence de pièces justificatives des recettes et à leur globalisation, la volonté délibérée d'éluder l'impôt dû.
20. Il résulte de ce qui a été dit aux points 17 à 19 que le moyen tiré de ce que l'application de la majoration prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas justifiée doit être écarté.
21. En second lieu, aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". Ce dernier article dispose que : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées (...) ". Aux termes enfin de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable (...) ".
22. D'une part, il résulte de l'instruction que le vérificateur a avisé la société L'Inimitable, dans sa réponse aux observations du contribuable, adressée le 19 décembre 2017, que faute d'avoir répondu à la demande de désignation des bénéficiaires des revenus distribués, effectuée dans le cadre de la proposition de rectification du 19 septembre 2017, sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts, elle était passible de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts dont le montant était indiqué. Elle n'avait pas à indiquer les raisons pour lesquelles l'administration n'aurait pas été en mesure d'identifier ces bénéficiaires. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la pénalité doit être écarté.
23. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 15 du présent arrêt que le moyen tiré de ce que la société L'Inimitable doit être déchargée des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts en conséquence du caractère infondé des impositions contestées doit être en tout état de cause écarté.
24. Il résulte de tout ce qui précède que la société L'Inimitable n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société L'Inimitable est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée L'Inimitable et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Occitanie.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, où siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
Mme Fougères, première conseillère,
Mme Chalbos, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.
Le président-rapporteur,
É. Rey-BèthbéderL'assesseure la plus ancienne
dans l'ordre du tableau,
A. Fougères
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23TL00889 2