Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... et D... A... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse, d'une part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012, d'autre part, de condamner l'État à leur verser une somme de 30 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait du contrôle fiscal dont ils ont fait l'objet.
Par un jugement n° 1924385 du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Nîmes, à qui le dossier avait été transféré par une ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'État, a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et trois mémoires complémentaires, enregistrés les 9 mai, 28 juin et 20 novembre 2023 et le 11 janvier 2024, M. et Mme A..., représentés par Me Gourbal, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 mars 2023 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il n'a pas fait droit à leurs conclusions en décharge ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 ;
3°) d'ordonner la mainlevée de l'inscription de l'hypothèque légale du Trésor sur l'immeuble cadastré section ... sur le territoire de la commune de Lauzerte (Tarn-et-Garonne) ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle s'est déroulé sur une période supérieure à un an, en méconnaissance des prescriptions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration a manqué à son devoir de loyauté en leur demandant des pièces juridiques et comptables des sociétés dont M. A... est mandataire social, sans avoir exercé de droit de communication auprès de ces dernières ou adressé un avis de vérification concernant un établissement stable ;
- ils n'ont pas reçu les pièces de la procédure de contrôle et de recouvrement, dès lors que l'administration les a envoyées à leur adresse à Touffailles (Tarn-et-Garonne), et non à Madagascar, et qu'elles ont été réceptionnées par un tiers non habilité ;
- l'administration, qui était tenue de répondre à chacune de leurs observations, n'a pas répondu de manière circonstanciée aux arguments qu'ils ont développés concernant leur domiciliation et le fondement des rectifications ;
- leur domiciliation fiscale se situait à Madagascar au cours des années en litige, en application des articles 4 A et 4 B du code général des impôts ;
- l'administration a méconnu la réponse ministérielle, publiée le 26 octobre 2016, à une question orale n° 1113 ;
- la convention fiscale franco-malgache ne leur est pas applicable et, à titre subsidiaire, fait échec à leur domiciliation fiscale en France ;
- en se prévalant de la convention fiscale franco-malgache, l'administration a pris une position, qui lui est opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, sur la résidence habituelle B... A... à Madagascar ;
- ils auraient dû faire l'objet d'impositions séparées en application du 4 de l'article 6 du code général des impôts ;
- la somme que M. A... a perçue le 24 juin 2011 ne correspondait pas à la cession de titres de la société Madarail Holdings Ltd, mais à la réparation du préjudice causé par sa démission de forcée de ses fonctions au sein du groupe ;
- il n'a pas cédé en 2012 les titres qu'il détenait dans la société de droit belge Vecturis SA, mais seulement reçu le versement d'un dépôt de garantie, qui lui a été ensuite remboursé ;
- le principe de libre circulation des capitaux interdisait à l'administration d'imposer en France une plus-value qui aurait été exonérée en Belgique ;
- la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors que le service a implicitement mis en œuvre la procédure de répression des abus de droit, sans les faire bénéficier des garanties attachées à la procédure prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;
- leurs revenus fonciers ne peuvent être soumis aux prélèvements sociaux en France.
Par trois mémoires en défense, enregistrés les 19 octobre et 21 décembre 2023 et le 9 février 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par les appelants n'est fondé.
Par une ordonnance du 26 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 août 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République démocratique de Madagascar en vue d'éviter les doubles impositions, de prévenir l'évasion et d'établir des règles d'assistance administrative en matière fiscale signée le 22 juillet 1983 ;
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport B... Lafon,
- et les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... font appel du jugement du 24 mars 2023 en tant que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012, à la suite d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle.
Sur les conclusions en décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes du troisième alinéa de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : " Sous peine de nullité de l'imposition, un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification ". Pour l'appréciation de la durée maximale prévue par ces dispositions, l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle à l'issue duquel l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification doit être regardé comme achevé à la date de l'envoi de la proposition.
3. Il résulte de l'instruction que M. A... a accusé réception, le 22 juillet 2014, d'un avis de vérification et que l'administration fiscale lui a adressé, ainsi qu'à son épouse, deux propositions de rectification, le 17 décembre 2014, concernant les impositions de l'année 2011, et le 20 juillet 2015, concernant les impositions des années 2012 et 2013. Cette dernière date, qui est confirmée par la réception, le lendemain, du pli correspondant, doit être regardée, indépendamment de l'adresse à laquelle les deux propositions de rectification ont été envoyées, comme marquant l'achèvement du contrôle, qui n'est pas remis en cause par l'abandon, dans la réponse aux observations du contribuable du 16 novembre 2015, d'une partie des rectifications projetées. Cet examen ayant ainsi duré moins d'un an, les dispositions précitées de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales n'ont pas été méconnues.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / Elle contrôle, également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements, ou d'acquitter tout ou partie d'une imposition au moyen d'une créance sur l'État. / À cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés (...) ".
5. L'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne présente pour le contribuable aucun caractère contraignant. La circonstance que le vérificateur aurait multiplié les demandes auprès du contribuable pour obtenir des renseignements dont il aurait pu avoir connaissance auprès de tiers par l'exercice du droit de communication est sans influence sur la régularité de la procédure. Par ailleurs, si l'administration fiscale, qui est tenue à un devoir de loyauté, ne saurait induire en erreur les contribuables auxquels elle adresse des demandes en application de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, elle n'est pas pour autant tenue de les informer expressément de leur caractère non contraignant. Par suite, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que l'administration aurait outrepassé ses pouvoirs et manqué à son devoir de loyauté en leur adressant plusieurs demandes de renseignements relatives à des comptes bancaires professionnels, des prestations effectuées par Mme A..., un compte courant d'actionnaire et des cessions de parts sociales, d'autant qu'ils portaient sur des éléments les concernant.
6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a envoyé l'ensemble des pièces de la procédure de contrôle, notamment les propositions de rectification du 17 décembre 2014 et du 20 juillet 2015, ainsi que la réponse aux observations du contribuable du 16 novembre 2015, à l'adresse du logement dont M. et Mme A... étaient propriétaires à Touffailles (Tarn-et-Garonne). Lors d'un entretien tenu avec la vérificatrice le 19 août 2014, ces derniers ont indiqué avoir mentionné à tort sur la déclaration des revenus de l'année 2013, souscrite en 2014, une adresse à Madagascar et désigné leur logement à Touffailles comme correspondant à leur résidence effective. Au surplus, il résulte de l'instruction que l'ensemble des pièces en cause ont été effectivement reçues en temps utile par M. et Mme A.... Enfin, la circonstance que ces derniers n'auraient pas reçu les avis d'imposition, qui sont postérieurs à l'établissement de l'impôt, est sans incidence sur la régularité des impositions en cause. Dans l'ensemble de ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la notification de ces pièces doit être écarté. Enfin, la circonstance que les pièces de la procédure de recouvrement auraient été notifiées à une adresse erronée est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification (...) ".
8. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue des opérations de vérification, le service vérificateur a estimé que les virements des sommes de 895 826 euros et de 1 100 000 euros, opérés le 24 juin 2011 et le 15 juin 2012 sur un compte bancaire détenu par M. A..., correspondaient, respectivement, à des cessions de titres qu'il détenait dans les sociétés Madarail Holdings Ltd et Vecturis SA, en application de contrats conclus en juin 2011 et 2012. Ce faisant, l'administration n'a pas entendu, même de manière implicite, écarter un quelconque acte constitutif d'un abus de droit, y compris le second contrat, même s'il porte littéralement sur une option d'achat. Elle n'invoque d'ailleurs ni le caractère fictif d'un acte, ni la circonstance qu'il aurait eu pour seul motif d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que M. et Mme A... auraient normalement supportées. Il en résulte que l'administration n'a pas établi les rectifications litigieuses sur l'existence d'un acte constitutif d'un abus de droit. Par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que la procédure d'imposition serait irrégulière, faute pour l'administration d'avoir mis en œuvre les garanties prévues par les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.
9. En dernier lieu, à supposer que le moyen, tiré de ce que l'administration n'a pas répondu de manière circonstanciée aux arguments développés par M. et Mme A... concernant leur domiciliation et le fondement des rectifications, ait été soulevé, il n'est en tout état de cause pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
S'agissant de l'imposition conjointe :
10. Aux termes de l'article 6 du code général des impôts : " (...) 4. Les époux font l'objet d'impositions distinctes : / a. Lorsqu'ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit (...) ". Il résulte de ces dispositions que, dans le cas d'époux séparés de biens, le simple fait que les intéressés résident sous des toits séparés entraîne leur imposition distincte, dès lors que cette résidence n'a pas un caractère temporaire.
11. Il résulte de l'instruction que M. et Mme A..., qui produisent la copie de leur contrat de mariage du 13 mai 2004, sont séparés de biens et ne vivaient pas sous le même toit au cours des années 2011 et 2012. Toutefois, cette situation, qui doit être regardée comme étant inhérente à l'obligation dans laquelle M. A... se trouvait de devoir résider à Madagascar pour les besoins de son activité professionnelle, présentait un caractère temporaire. Elle ne permet donc pas d'établir l'existence d'une résidence séparée. Par suite, c'est à bon droit que les intéressés ont été soumis, conformément d'ailleurs aux déclarations communes qu'ils ont souscrites au titre des années en litige, à une imposition commune sur leurs revenus imposables en France sur le fondement des dispositions de l'article 6 du code général des impôts.
S'agissant de la domiciliation fiscale :
12. Une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition et, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie avant de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.
Quant à l'application de la loi française :
13. Aux termes, d'une part, de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus (...) ". L'article 4 B du même code dispose que : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal (...) ". Pour l'application de ces dispositions, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles, et le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer.
14. Il résulte de l'instruction que le fils B... et Mme A... a été scolarisé en France, sans interruption, à partir du mois d'avril 2009 et jusqu'à la fin de l'année scolaire 2013-2014. Mme A... a acquis, le 16 mai 2008, un appartement situé à Toulouse (Haute-Garonne) et y a résidé durant la scolarisation de son enfant, dans la même commune, au cours des années scolaires 2010-2011 et 2011-2012. Ce dernier a ensuite été scolarisé dans un établissement de la commune de Touffailles (Tarn-et-Garonne), où M. et Mme A... possèdent une maison et s'y sont déclarés domiciliés dans plusieurs actes juridiques. Par ailleurs, les appelants n'apportent aucun élément permettant de considérer que la résidence en France de Mme A... et de son fils aurait été motivée par des circonstances de caractère exceptionnel résultant de violences politiques à Madagascar, où M. A... a conservé leur ancienne résidence et poursuivi l'exercice de son activité professionnelle. Dans ces conditions, les appelants doivent être regardés comme ayant en France, au cours des années en litige, le centre de leurs intérêts familiaux. Par suite, quelle qu'ait été la durée des séjours B... A... à Madagascar, les intéressés disposaient en France, au cours des années en litige, de leur foyer et, par suite, de leur domicile fiscal en application du a du 1 de l'article 4 B du code général des impôts. Ils étaient dès lors passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus en application de l'article 4 A du même code.
15. M. et Mme A... ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle, publiée le 26 octobre 2016, à la question orale n° 1113, qui admet que les contribuables ayant dû rapatrier leur famille en France entre 2003 et 2005 en raison des événements survenus en Côte d'Ivoire ne perdent pas, au titre de ces trois années, leur statut de résident fiscal de cet État, dans le champ de laquelle ils n'entrent pas et qui ne comporte aucune interprétation différente de celle qui résulte de la loi fiscale dont il a été fait application.
Quant à l'application de la convention fiscale franco-malgache :
16. Aux termes de l'article 4 de la convention signée le 22 juillet 1983 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République démocratique de Madagascar : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un État " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet État, est assujettie à l'impôt dans cet État, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège social statutaire ou de tout autre critère de nature analogue. Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans cet État que pour les revenus de sources situées dans cet État. / 2. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est un résident des deux États, sa situation est réglée de la manière suivante : / a) Cette personne est considérée comme résident de l'État où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent ; si elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux États, elle est considérée comme un résident de l'État avec lequel ses intérêts personnels et économiques sont les plus importants (centre des intérêts vitaux) (...) ". Il résulte de ces stipulations que, lorsqu'une personne qui entre dans leur champ d'application a un foyer d'habitation permanent à la fois en France et à Madagascar, elle est imposable dans celui de ces deux États où elle a, en outre, le centre de ses intérêts vitaux, ou bien, si ce centre n'est situé dans aucun d'eux, dans celui où elle séjourne habituellement. Il résulte aussi de ces stipulations que toute résidence dont une personne dispose de manière durable est pour elle, au sens de la convention, un foyer d'habitation permanent.
17. Il résulte de ce qui a été dit au point 14 que M. et Mme A... étaient, en vertu de la législation française, assujettis à l'impôt en France en raison d'un lien personnel avec cet État. En outre, il résulte de l'instruction que M. A... exerçait, au cours des années en litige, les fonctions de président de la société de droit belge Vecturis, de directeur de la société de droit mauricien Rail Africa Management Services Ltd et de président et directeur opérationnel de la société de droit malgache Madarail. Il a acquitté, en application de l'article 01.03.10 du code général des impôts malgache, une retenue à la source sur les salaires versés par cette dernière. Par ailleurs, il bénéficiait à Madagascar d'un logement mis à sa disposition par la société Madarail, qui prenait également à sa charge ses frais d'électricité, de téléphone et de carburant. Il doit ainsi être regardé comme ayant eu, au cours des années 2011 et 2012, un foyer d'habitation permanent à Madagascar. Toutefois, il résulte des constatations de fait relevées au point 14 que M. A... disposait également d'un foyer d'habitation permanent en France. Enfin, M. et Mme A... étaient, par ailleurs, propriétaires de plusieurs biens immobiliers, situés à Toulouse, Lauzerte (Tarn-et-Garonne) et Touffailles, et ont perçu des loyers provenant de France, en particulier du bien détenu en commun, avant de s'y déclarer domiciliés. Ils disposaient également de plusieurs comptes bancaires comportant une adresse française. L'ensemble de ces éléments, y compris le lieu de résidence de Mme A... et du fils du couple, laissent d'ailleurs supposer que M. A..., qui n'a jamais présenté l'intégralité de son passeport, effectuait des séjours réguliers sur le territoire national. Dans ces conditions, alors même que M. A... exerçait son activité professionnelle à Madagascar, où il a obtenu une carte de résident depuis 2005, les appelants doivent être regardés comme ayant eu en France, au cours des années en litige, le centre de leurs intérêts vitaux au sens du a du 2 de l'article 4 de la convention fiscale franco-malgache, de sorte qu'ils avaient la qualité de résident en France pour l'application de cette convention. Celle-ci ne fait dès lors pas échec à leur imposition en France.
18. L'application, par l'administration fiscale, de la convention fiscale franco-malgache à la situation B... et Mme A..., s'agissant notamment de la résidence professionnelle B... A..., ne revêt pas le caractère d'une prise de position formelle sur l'appréciation de leur situation de fait au cours des années en litige au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.
S'agissant des autres moyens relatifs au bien-fondé de l'imposition :
19. En premier lieu, aux termes de l'article 120 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus au sens du présent article : / (...) / 3° Les répartitions faites aux associés, aux actionnaires et aux porteurs de parts de fondateur des mêmes sociétés, à un titre autre que celui de remboursement d'apports ou de primes d'émission. Une répartition n'est réputée présenter le caractère d'un remboursement d'apport ou de prime que si tous les bénéfices ou réserves ont été auparavant répartis (...) ". L'article 150-0 A du même code dispose que : " I.- 1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu (...) ". Aux termes enfin de l'article 1583 du code civil : " Elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ". La plus-value dégagée par la cession de titres d'une société est imposable au titre de l'année au cours de laquelle s'opère le transfert de propriété de ces titres.
20. D'une part, il résulte de l'instruction que, par une convention du 21 juin 2011, les sociétés Vecturis SA et Madagascar Utilities Ltd, qui détenaient l'ensemble des actions de la société de droit mauricien Madarail Holdings Ltd, ont vendu, pour un montant total de 7 599 840 dollars, l'intégralité de leurs participations dans cette société. Cette convention précisait qu'il s'agissait d'une cession de titres concernant différentes parties, dont M. A..., qui était co-associé de la société Vecturis SA et qui détenait des parts de fondateur dans la société Madarail Holdings Ltd. Elle mentionnait que la quote-part B... A... dans la transaction s'élevait à 1 287 750 dollars, tandis que la société Vecturis SA, pourtant actionnaire à hauteur de 51 % de la société Madarail Holdings Ltd, a perçu une somme de 1 300 418 dollars. Une somme de 895 826 euros a été virée, le 24 juin 2011, sur le compte ouvert au nom B... A... à la banque Mauritius Commercial Bank sous le libellé " transfer of shares Madarail Holding Ltd ". En se bornant à produire un document, daté du 10 juin 2011, faisant état de la démission B... A... de ses fonctions de directeur général de la société Madarail Holdings Ltd contre une somme comprise entre 1 000 000 et 1 500 000 dollars et à se prévaloir de ce que les parts de fondateur qu'il détenait ne figuraient pas au capital social de cette dernière, les appelants n'apportent aucun élément permettant de considérer que le virement de 895 826 euros correspondrait, au-delà des stipulations de la convention du 21 juin 2011, à l'indemnisation de cette démission. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a imposé cette somme sur le fondement de l'article 150-0 A du code général des impôts.
21. D'autre part, il résulte de l'instruction que M. A... a conclu, en juin 2012, un accord avec la société DT Holdings Singapore PTE Ltd portant sur une option d'achat, pour un montant total de 1 100 000 dollars, des actions et parts de fondateur qu'il détenait dans la société Vecturis SA. Ce montant a été viré le 15 juin 2012 sur le compte détenu par M. A... à la banque Mauritius Commercial Bank. Les appelants, qui se prévalent des mentions confirmatives du registre des titres de la société Vecturis SA à la date du 14 juin 2012, affirment que cette somme n'était qu'un dépôt de garantie, qui a été remboursé, sous déduction d'une somme de 100 000 euros, lorsque le bénéficiaire de l'option d'achat a décidé de ne pas l'exercer. Toutefois, le contrat produit, qui ne comporte aucune clause de reversement ou de révision du prix, fait état du versement de la somme de 1 100 000 euros, correspondant au prix total de la cession de titres, sans faire référence à une indemnité d'immobilisation, qui constitue généralement le seul versement destiné à garantir la levée d'une option, ou à un délai d'exercice de l'option. Il prévoit, par ailleurs, le transfert de l'ensemble des droits et obligations qui avaient été conférés à M. A... en vertu de l'accord de souscription et de l'accord des actionnaires après souscription, ainsi que la conclusion d'un accord de nantissement de ces actions et parts au bénéfice de la société DT Holdings Singapore PTE Ltd, lequel est confirmé par le registre des titres de la société Vecturis SA qui mentionne qu'ils ont été " donnés en gage " en vertu d'une option. Dans ces conditions, la production de conventions conclues les 25 février et 15 mars 2016 et le 15 février 2018, faisant référence à la cession, par M. A..., de son " option de rachat de l'option " relative aux titres en cause, au profit, en dernier lieu, de la société Nesos, et de documents tendant à attester le versement par cette dernière, en 2016, de la somme de 1 000 000 d'euros ne permet pas de remettre en cause l'existence d'une cession de titres en 2012, qui est d'ailleurs confirmée par l'état récapitulatif remis par M. A... lors de l'entretien du 19 août 2014. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la vente, qui constitue le fait générateur de l'imposition de la plus-value, était intervenue en 2012 et imposé la somme de 1 100 000 euros sur le fondement de l'article 150-0 A du code général des impôts.
22. En deuxième lieu, l'imposition de la plus-value de cession de droits sociaux réalisée en 2012 par M. A... est dépourvue de lien avec tout transfert de capitaux et n'a pas pour objet de défavoriser les situations transfrontalières. Les appelants ne peuvent donc utilement se prévaloir de ce que l'imposition en France d'une plus-value qui aurait été exonérée en Belgique aurait méconnu le principe de libre circulation des capitaux garanti par l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
23. En dernier lieu, M. et Mme A... ne peuvent utilement contester la soumission de leurs revenus fonciers aux prélèvements sociaux, dès lors qu'ils n'ont été assujettis à aucune cotisation supplémentaire à ce titre dans le cadre des impositions qu'ils contestent.
24. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence et en tout état de cause, leurs conclusions tendant à ce que soit ordonnée la mainlevée de l'hypothèque légale inscrite le 25 février 2019 en faveur du Trésor sur un immeuble leur appartenant, qui ne sont d'ailleurs assorties d'aucun moyen spécifique.
Sur les frais liés au litige :
25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La requête B... et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... et D... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Occitanie.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, où siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.
Le rapporteur,
N. Lafon
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23TL01068 2