Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 8 mars 2023, par lequel le préfet du Tarn a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
Par un jugement n° 2301934 du 19 octobre 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2023, M. A..., représenté par Me Masarotto, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 octobre 2023 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 mars 2023, par lequel le préfet du Tarn a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;
3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de le munir, dans l'attente de cette délivrance, d'une autorisation provisoire de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet n'a pas procédé à un examen circonstancié de sa situation personnelle dès lors qu'il n'a pas examiné sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il remplissait les conditions ;
- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est entachée d'erreur de droit en tant qu'elle oppose à sa demande en qualité de travailleur temporaire l'absence d'un visa de long séjour, dès lors qu'il justifie qu'il était mineur lorsqu'il est entré sur le territoire français et qu'il était dispensé de visa ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et porte atteinte au respect de sa vie privée et familiale ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi sont illégales car fondées sur un refus de titre lui-même illégal.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2024, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance en date du 29 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 18 mars 2024.
Par une décision du 19 juillet 2024, le président de section du bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention franco-malienne du 26 septembre 1994 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Fougères, rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien entré irrégulièrement en France dans le courant de l'année 2018, à l'âge de quinze ans selon ses déclarations, a présenté en 2022 une demande de titre de séjour à la suite de laquelle le préfet du Tarn, par arrêté du 8 mars 2023, a refusé de le lui délivrer, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 19 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française ".
3. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du formulaire de demande de titre de séjour versé au dossier par le préfet du Tarn, lequel comporte des cases portant sur l'ensemble des titres de séjour existant, y compris une case " prise en charge par l'ASE avant 16 ans ", que M. A... a seulement coché les cases " salarié / travailleur temporaire " et " admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale ". Il ne peut, dès lors, être regardé comme ayant sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. C'est donc sans procéder à un examen insuffisamment circonstancié de la situation de M. A... que le préfet du Tarn s'est abstenu d'examiner si ce dernier pouvait bénéficier d'un titre de séjour sur ce fondement. En outre, à défaut d'une telle demande, M. A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er de la convention du 26 septembre 1994 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mali sur la circulation et le séjour des personnes : " Les nationaux maliens désireux de se rendre sur le territoire français, et les nationaux français désireux de se rendre sur le territoire malien doivent être en possession d'un passeport en cours de validité revêtu du visa requis par la législation de l'Etat d'accueil (...) ". L'article 4 de cette convention stipule : " Pour un séjour de plus de trois mois, les nationaux maliens à l'entrée du territoire français et les nationaux français à l'entrée du territoire malien doivent être munis d'un visa de long séjour et des justificatifs prévus aux articles 5 à 9 ci-après, en fonction de la nature de leur installation ". Aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour dont la durée de validité ne peut être supérieure à un an (...) ". Aux termes de l'article L. 411-1 de ce code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France ou du livre II, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants : 1° Un visa de long séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 412-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ".
5. Si la minorité d'un étranger à son entrée en France fait obstacle à ce que l'autorité administrative puisse prendre à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français, ni les stipulations précitées de la convention franco-malienne, ni les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'exonèrent en revanche les mineurs de la détention d'un visa de long séjour pour un séjour en France supérieur à trois mois. Par suite, à supposer même que M. A... soit entré sur le territoire français alors qu'il était mineur, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que le préfet du Tarn, saisi ultérieurement d'une demande de titre de séjour en qualité de travailleur temporaire, puisse, sans commettre d'erreur de droit, lui refuser la délivrance de ce titre au motif de l'absence de détention d'un visa long séjour à son entrée en France.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
7. M. A... est entré en France au milieu de l'année 2018, soit moins de cinq ans avant la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, après avoir vécu au moins quinze ans dans son pays d'origine. À supposer même que, comme il le prétend, il serait dépourvu d'attaches familiales proches au Mali, il ne dispose pas davantage d'attache familiale sur le territoire français, où il est célibataire et sans charge de famille. L'intéressé a certes été scolarisé à compter de l'année 2019, d'abord en filière générale puis en filière professionnelle au vu de ses grandes difficultés d'apprentissage, qui trouvent leur origine dans une déficience intellectuelle diagnostiquée en 2021 et au titre de laquelle il a été reconnu travailleur handicapé. Toutefois, outre que l'intéressé ne dispose pas, à la date de la décision attaquée, d'une expérience professionnelle significative permettant de démontrer la réalité de ses perspectives d'insertion professionnelle, ces seules circonstances ne font pas obstacle à ce qu'il puisse poursuivre le métier de peintre en bâtiment auquel il aspire dans son pays d'origine. S'il ressort indéniablement des pièces du dossier que M. A... s'est bien intégré au sein de sa famille d'accueil, de son village et de son établissement, de nombreux professionnels et proches témoignant de ses qualités humaines et de son implication malgré ses difficultés d'apprentissage, ces seules circonstances ne suffisent pas, eu égard notamment au caractère encore récent de sa présence sur le territoire français, à caractériser des motifs exceptionnels ou des circonstances humanitaires justifiant le caractère manifeste de l'erreur qu'aurait commis le préfet du Tarn dans l'appréciation de sa situation.
8. En dernier lieu, l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour opposé à M. A... n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de ce refus, soulevée à l'appui des conclusions d'annulation dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, ne peut qu'être écartée.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Le présent jugement, qui rejette l'ensemble des conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A... doivent, dès lors, être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. A... la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Tarn.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Nicolas Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.
La rapporteure,
A. Fougères
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL02662