Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... A... et la société civile immobilière SPQR ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 3 février 2021 par laquelle le maire de Bollène a décidé de préempter un immeuble situé sur le territoire de cette commune et cadastré section BZ, parcelles n° 87 et 89.
Par un jugement n° 2100664 du 14 février 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 13 avril 2023, 15 février et 6 mars 2024, M. B... A... et la société civile immobilière SPQR, représentés par Me Geoffret, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 3 février 2021 du maire de Bollène ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Bollène une somme de 2 000 euros à verser à chacun d'eux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur requête est recevable ;
- le jugement contesté est mal fondé dès lors que la décision attaquée est illégale ;
- la décision de préemption est entachée d'une insuffisance de motivation et en estimant le contraire, le tribunal a entaché son jugement d'erreur de fait ;
- elle n'est fondée sur aucun projet réel d'action ou d'opération d'aménagement et le tribunal s'est mépris en estimant que cette décision concourait à la réalisation d'une orientation du projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme de la commune de Bollène et qu'elle s'inscrivait dans une action d'aménagement plus large caractérisée par des décisions de préemption antérieures ;
- les premiers juges ont commis une erreur de fait dès lors que la parcelle préemptée par décision du 17 septembre 2020 n'est pas, comme le retiennent les motifs du jugement, cadastrée section BZ n° 85 mais section CA n° 85 ;
- la décision de préemption attaquée est entachée d'incompétence et d'erreur de droit dès lors que la communauté de communes Rhône-Lez-Provence, qui détient la compétence obligatoire " aménagement de l'espace ", doit être regardée comme la seule titulaire du droit de préemption, en l'absence de preuve de l'existence d'une délibération prise par cet établissement public dans le délai de deux ans posé par l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales et définissant les contours de l'intérêt communautaire ;
- elle est entachée d'un détournement de pouvoir, l'acte attaqué ayant été pris en raison de considérations d'opportunité ;
- elle n'est pas justifiée par un intérêt général suffisant.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 24 novembre 2023 et 29 février 2024, la commune de Bollène, représentée par Me Cazin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge solidaire des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 15 février 2024, la clôture de l'instruction a été reportée au 7 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience :
- le rapport de M. Teulière, président assesseur,
- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,
- les observations de Me Geoffret, représentant les requérants,
- et les observations de Me Cazin, représentant la commune de Bollène.
Considérant ce qui suit :
1. Par une déclaration d'intention d'aliéner en date du 7 décembre 2020, la société civile immobilière du Querrelle, en sa qualité de propriétaire, a fait connaître à la commune de Bollène (Vaucluse) son projet de cession d'immeubles situés 6 rue Plan de Grignan, parcelle cadastrée section BZ n° 87 et 11 rue Anatole France, parcelle cadastrée section BZ n° 89, à la société civile immobilière SPQR pour un prix de vente total de 108 000 euros. Par une décision du 3 février 2021, le maire de Bollène a décidé d'exercer le droit de préemption urbain sur ces biens au prix proposé. La société civile immobilière SPQR et M. B... A..., son gérant, relèvent appel, en qualité d'acquéreurs évincés, du jugement du 14 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du maire de Bollène du 3 février 2021.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, à préserver la qualité de la ressource en eau, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) ". Aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels.(...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.
4. D'une part, la décision attaquée indique que l'ensemble immobilier dont s'agit se situe en centre ancien de la ville et qu'il jouxte également un bien, cadastré section BZ n°88, qui est déjà la propriété de la commune. Elle fait mention de la volonté municipale de requalification de l'ensemble du site intra-muros de Bollène, notamment par l'implantation d'associations, d'activités économiques ou de services municipaux ainsi que de son objectif de redynamisation du cœur de ville. Elle précise, enfin, que l'acquisition en cause permettra à terme la réalisation, sur les trois parcelles concernées, d'un projet d'aménagement d'ensemble destiné à l'accueil de services de proximité. Cependant, le projet ainsi décrit reste insuffisamment défini à ce stade. Une telle motivation n'indique ainsi pas suffisamment la nature du projet en vue duquel le droit de préemption a été exercé et ne répond donc pas aux exigences de motivation résultant de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme.
5. D'autre part, si la décision attaquée est fondée sur une volonté municipale de requalification du centre ancien, qui souffre de déqualification immobilière et faisait l'objet d'une opération programmée d'amélioration de l'habitat privé, et s'il est exact que le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme de la commune de Bollène, approuvé en septembre 2017, comporte une orientation relative au renforcement de la qualité de vie et de la qualité urbaine, dont un axe vise à la redynamisation de son centre ancien, cet axe ne fait cependant état d'aucune politique d'acquisition foncière pour satisfaire l'objectif poursuivi. La circonstance que la commune ait exercé son droit de préemption à cinq reprises depuis 2018, dans ce périmètre du centre ancien, pour réaliser différents projets consistant notamment à implanter un centre d'examen du permis de conduire sur la parcelle cadastrée section BZ n°147, une salle d'exposition permanente pour les artistes locaux sur la parcelle cadastrée section CA n°27 et un office du commerce sur la parcelle cadastrée section CA n°85, ne permet pas de caractériser la nature du projet à la réalisation duquel participe l'acquisition du bien immobilier en litige, dès lors qu'il n'apparaît pas que ces opérations diverses s'inscrivaient dans un cadre précis. Par ailleurs, la commune ne peut utilement se prévaloir d'éléments postérieurs à la date de la préemption en litige. Dans ces conditions, la commune de Bollène ne justifie pas, à la date de la préemption contestée, d'un projet réel d'action relatif à l'immeuble en cause répondant aux exigences des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme.
6. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués par les appelants n'est, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation de la décision attaquée.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... A... et la société civile immobilière SPQR sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande d'annulation de la décision du 3 février 2021 du maire de Bollène.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B... A... et de la société civile immobilière SPQR, qui n'ont pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, la somme que la commune de Bollène demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bollène une somme globale de 1 500 euros à verser à M. B... A... et à la société civile immobilière SPQR au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens sur ce même fondement.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 14 février 2023 du tribunal administratif de Nîmes, ensemble la décision du 3 février 2021 du maire de Bollène, sont annulés.
Article 2 : La commune de Bollène versera à M. B... A... et à la société civile immobilière SPQR une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Bollène tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et la société civile immobilière SPQR et à la commune de Bollène.
Délibéré après l'audience du 27 mai 2025, où siégeaient :
- M. Chabert, président de chambre,
- M. Teulière, président assesseur,
- M. Lasserre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2025.
Le président assesseur,
T. Teulière
Le président,
D. ChabertLe greffier,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet de Vaucluse en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23TL00846