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12/06/2025 | FRANCE | N°23TL00925

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 12 juin 2025, 23TL00925


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 6 avril 2021 par laquelle le maire de Montauban a exercé le droit de préemption urbain sur un ensemble immobilier situé 13 rue Delcassé, parcelle cadastrée section ....



Par une ordonnance n° 462171 du 4 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué au tribunal administratif de Montpellier le dossier de la requête de M. A....



Par un jugement n° 2123348 du 23 février 2023, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 6 avril 2021 par laquelle le maire de Montauban a exercé le droit de préemption urbain sur un ensemble immobilier situé 13 rue Delcassé, parcelle cadastrée section ....

Par une ordonnance n° 462171 du 4 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué au tribunal administratif de Montpellier le dossier de la requête de M. A....

Par un jugement n° 2123348 du 23 février 2023, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 6 avril 2021 par laquelle le maire de Montauban a exercé le droit de préemption urbain sur les lots de l'ensemble immobilier situé 13 rue Delcassé et a mis à la charge de la commune de Montauban une somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 avril 2023 et 4 janvier 2024, la commune de Montauban, représentée par Me Courrech, demande à la cour :

1°) d'infirmer ce jugement ;

2°) de rejeter l'appel incident et la demande de première instance de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a engagé une action importante de revitalisation du quartier de Villenouvelle à la fois au niveau économique, de l'habitat et du patrimoine, en coordination avec d'autres acteurs institutionnels, fondée sur trois documents principaux à savoir la convention action cœur de ville, son avenant n°1 relatif à l'opération de revitalisation du territoire et l'étude urbaine Montauban 2030 ;

- le jugement contesté est mal fondé ; le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant qu'elle ne faisait apparaître ni la nature, ni la réalité du projet pour lequel le droit de préemption était exercé au titre des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme ; la décision attaquée vise plusieurs documents sur lesquels elle se fonde tels que la convention cadre action cœur de ville, l'avenant n°1 ainsi que l'avenant n°2 et l'étude urbaine pour le renouvellement du quartier de Villenouvelle du 10 décembre 2019 ; la revitalisation économique de ce quartier est un objectif qu'elle s'est donnée depuis plusieurs années ; l'avenant n°1 et l'étude urbaine ont permis d'identifier ce quartier comme un quartier prioritaire nécessitant des actions en matière de développement économique et commercial, d'habitat et de patrimoine ; elle justifie ainsi de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme et notamment celui d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques et de favoriser le développement des loisirs et du tourisme ; la décision attaquée décrit la nature de ce projet en rappelant que le bien préempté est situé dans le périmètre de l'opération de revitalisation du territoire et celui défini par l'étude urbaine Montauban 2030 qui identifie le quartier Villenouvelle comme un quartier prioritaire en matière de développement économique, d'habitat et de patrimoine ;

- il est inexact de prétendre qu'aucune pièce ne démontre que le quartier Villenouvelle, la place Guibert et l'immeuble préempté feraient l'objet d'un projet d'action ou d'une opération d'aménagement dans le cadre de la convention action cœur de ville ; il est faux de soutenir que la requalification de la place Guibert ne serait pas prévue dans les objectifs importants de cette convention ; la décision de préemption repose sur de nombreuses études, loin du stade de simple projet ;

- les moyens de première instance exposés et repris par l'intimé ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Dalbin, conclut à la confirmation du jugement et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Montauban au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la commune ne justifie de la réalité d'aucun projet d'action ou d'opération d'aménagement ; la décision contestée ne se fonde pas sur un projet suffisamment précis et identifié ; c'est à bon droit que le tribunal a considéré qu'elle ne fait apparaître ni la nature, ni la réalité du projet pour lequel le droit de préemption est exercé ;

- la décision de préemption est dépourvue de base légale en l'absence de preuve de ce que la délibération instaurant le droit de préemption urbain a été régulièrement affichée, publiée et rendue exécutoire ;

- il n'est pas établi que le maire aurait été régulièrement habilité par le conseil municipal pour exercer le droit de préemption urbain au nom de la commune ;

- la décision de préemption est insuffisamment motivée, contrairement aux exigences de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, dès lors qu'elle ne fait état d'aucun projet précis et identifié justifiant l'exercice du droit de préemption sur le bien mis en vente ;

- la consultation du service des domaines a été faite hors délai en méconnaissance des articles R. 213-21 et R. 213-6 du code de l'urbanisme ;

- le délai pour exercer le droit de préemption prévu par l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme n'a pas été respecté ; la commune ne justifie pas que la décision de préemption a été transmise au préfet.

Par une ordonnance du 5 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience :

- le rapport de M. Teulière, président assesseur,

- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,

- et les observations de Me Marti, représentant la commune de Montauban.

Considérant ce qui suit :

1. Par une déclaration d'intention d'aliéner en date du 6 janvier 2021, Mme C..., en sa qualité de propriétaire, a fait connaître à la commune de Montauban son projet de cession de trois locaux d'activité correspondant aux lots 1, 2 et 3 d'un ensemble immobilier situé 13 rue Delcassé, parcelle cadastrée section ..., pour un prix de vente total de 170 000 euros. Par une décision du 6 avril 2021, le maire de Montauban a décidé d'exercer le droit de préemption urbain sur ce bien immobilier au prix proposé. La commune de Montauban relève appel du jugement du 23 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision de son maire en date du 6 avril 2021.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les moyens d'annulation retenus par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, à préserver la qualité de la ressource en eau, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) ". Aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels.(...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.

4. Pour annuler la décision en litige, les premiers juges ont estimé que la décision de préemption litigieuse ne répondait pas aux exigences de motivation résultant de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme et que la commune de Montauban ne justifiait pas non plus de la réalité, à la date de la décision de préemption attaquée, d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme.

5. Toutefois, d'une part, il ressort des termes mêmes de la décision attaquée qu'elle a été prise dans le cadre de la convention cadre " Action cœur de ville ", dont l'axe 2 porte sur un développement économique et commercial équilibré et l'axe 4 sur la mise en valeur des formes urbaines, de l'espace public et du patrimoine, mais aussi dans le cadre d'un avenant n°1 à cette convention qui a créé une opération de revitalisation du territoire, pour la réalisation de laquelle a été précisément étudiée la requalification du quartier de Villenouvelle auquel appartient l'immeuble en litige. La décision, qui vise l'étude urbaine Montauban 2030 et l'étude urbaine du 10 décembre 2019 pour le renouvellement de Villenouvelle, précise également que l'acquisition du bien en cause constitue une opportunité supplémentaire à la revitalisation de ce quartier et est nécessaire à son développement dès lors que la qualité du commerce est un enjeu fort pour recréer une dynamique commerciale. Elle fait ainsi apparaître que l'acquisition s'inscrit dans le cadre d'une opération de revitalisation du quartier et indique donc suffisamment la nature de l'opération d'aménagement tendant à la requalification et la revitalisation du quartier de Villenouvelle en vue desquelles le droit de préemption a été exercé et a donc satisfait aux exigences de motivation résultant de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme.

6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le quartier de Villenouvelle, au sein duquel se trouve l'immeuble litigieux, est un quartier prioritaire pour la mise en œuvre de l'opération de revitalisation du territoire créée par l'avenant n°1 précité à la convention cadre " Action cœur de ville ". La commune produit également en appel les volets d'une étude urbaine pour le renouvellement de Villenouvelle, dont le second identifie notamment un ensemble foncier à réinvestir par reconquête d'îlots dans ce quartier et prévoit un réaménagement de la place Guibert située à proximité de l'immeuble litigieux. Ces éléments montrent que la commune de Montauban a réellement engagé une action de revitalisation de ce quartier à la fois sur un plan économique, mais également de l'habitat et patrimonial. Il suit de là que, s'agissant d'une opération de revitalisation et de renouvellement urbain, la commune de Montauban justifie, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme et visant notamment au maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques à la date de la décision attaquée, quand bien même la parcelle d'assiette du bien immobilier acquis n'était pas spécifiquement identifiée dans les îlots à reconquérir ou directement impactés au stade de l'étude menée en décembre 2019 et les caractéristiques précises de ce projet n'étaient pas encore précisément définies à la date de la décision. Par suite, la commune de Montauban est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont regardé la décision en litige comme insuffisamment motivée et qu'ils ont estimé que la commune de Montauban ne justifiait pas, à la date à laquelle la décision a été prise, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement.

7. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Montpellier et en appel.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. A... en première instance et repris en appel :

8. Aux termes de l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme : " La délibération par laquelle le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent décide, en application de l'article L. 211-1, d'instituer ou de supprimer le droit de préemption urbain ou d'en modifier le champ d'application est affichée en mairie pendant un mois. Mention en est insérée dans deux journaux diffusés dans le département. / Les effets juridiques attachés à la délibération mentionnée au premier alinéa ont pour point de départ l'exécution de l'ensemble des formalités de publicité mentionnées audit alinéa. Pour l'application du présent alinéa, la date à prendre en considération pour l'affichage en mairie est celle du premier jour où il est effectué. ".

9. En l'espèce, il résulte de l'extrait du registre des délibérations du conseil municipal de Montauban, qui fait foi jusqu'à preuve contraire, que la délibération du 19 juin 1987 instituant le droit de préemption urbain a été affichée en mairie à compter du 23 juin 1987 et reçue en préfecture le 25 juin 1987. La commune justifie également de la mention de cette délibération dans le journal la Dépêche le 27 juin 1987 et dans le journal du Palais le 24 juin 1987. Par suite, en se bornant à alléguer de ce que la preuve du respect des formalités de publicité n'est pas apportée, M. A... n'apporte aucun élément de nature à établir que la délibération du 19 juin 1987 ne serait pas devenue exécutoire. Il en résulte que le moyen tiré du défaut de base légale de la décision en litige ne peut qu'être écarté.

10. Il ressort des pièces du dossier que, par délibération du 25 février 2021, le conseil municipal de Montauban a délégué à son maire le droit d'exercer au nom de la commune les droits de préemption définis par le code de l'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de ce que l'auteur de la décision attaquée n'aurait pas été compétent pour l'édicter doit être écarté.

11. Aux termes de l'article R. 213-21 du code de l'urbanisme : " Le titulaire du droit de préemption doit recueillir l'avis du service des domaines sur le prix de l'immeuble dont il envisage de faire l'acquisition dès lors que le prix ou l'estimation figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner ou que le prix que le titulaire envisage de proposer excède le montant fixé par l'arrêté du ministre chargé du domaine prévu à l'article R. 1211-2 du code général de la propriété des personnes publiques. (...) / L'avis du directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques doit être formulé dans le délai d'un mois à compter de la date de réception de la demande d'avis. Passé ce délai, il peut être procédé librement à l'acquisition. (...) ". La consultation du service des domaines préalablement à l'exercice du droit de préemption par le titulaire de ce droit constitue une garantie tant pour ce dernier que pour l'auteur de la déclaration d'intention d'aliéner.

12. Il est constant que le pôle d'évaluation domaniale de la direction départementale des finances publiques du Tarn, compétent pour se prononcer sur la préemption envisagée, a été consulté le 9 février 2021 et a rendu son avis le 18 mars 2021. La circonstance que cet avis n'ait pas été rendu dans le délai d'un mois prévu par les dispositions citées au point précédent, s'il a eu pour effet de permettre au titulaire du droit de préemption de procéder librement à l'acquisition, est, en revanche sans incidence sur la légalité de la décision en litige. Il ressort, par ailleurs, des termes de l'avis du 18 mars 2021 que le pôle d'évaluation était saisi d'une consultation valant demande d'avis au sens de l'article R. 213-6 du code de l'urbanisme.

13. Aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Cette déclaration comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée ou, en cas d'adjudication, l'estimation du bien ou sa mise à prix, ainsi que les informations dues au titre de l'article L. 514-20 du code de l'environnement. Le titulaire du droit de préemption peut, dans le délai de deux mois prévu au troisième alinéa du présent article, adresser au propriétaire une demande unique de communication des documents permettant d'apprécier la consistance et l'état de l'immeuble, ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière. (...) / Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / Le délai est suspendu à compter de la réception de la demande mentionnée au premier alinéa ou de la demande de visite du bien. Il reprend à compter de la réception des documents par le titulaire du droit de préemption, du refus par le propriétaire de la visite du bien ou de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / Lorsqu'il envisage d'acquérir le bien, le titulaire du droit de préemption transmet sans délai copie de la déclaration d'intention d'aliéner au responsable départemental des services fiscaux. La décision du titulaire fait l'objet d'une publication. Elle est notifiée au vendeur, au notaire et, le cas échéant, à la personne mentionnée dans la déclaration d'intention d'aliéner qui avait l'intention d'acquérir le bien. Le notaire la transmet aux titulaires de droits d'emphytéose, d'habitation ou d'usage, aux personnes bénéficiaires de servitudes, aux fermiers et aux locataires mentionnés dans la déclaration d'intention d'aliéner. / Le titulaire du droit de préemption peut demander à visiter le bien dans des conditions fixées par décret. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article D. 213-13-1 du même code : " La demande de la visite du bien prévue à l'article L. 213-2 est faite par écrit. / Elle est notifiée par le titulaire du droit de préemption au propriétaire ou à son mandataire ainsi qu'au notaire mentionnés dans la déclaration prévue au même article, dans les conditions fixées à l'article R. 213-25. / Le délai mentionné au troisième alinéa de l'article L. 213-2 reprend à compter de la visite du bien ou à compter du refus exprès ou tacite de la visite du bien par le propriétaire. ". Aux termes des dispositions de l'article D. 213-13-2 du même code : " L'acceptation de la visite par le propriétaire est écrite. / Elle est notifiée au titulaire du droit de préemption dans les conditions prévues à l'article R. 213-25 et dans le délai de huit jours à compter de la date de réception de la demande de visite. / La visite du bien se déroule dans le délai de quinze jours calendaires à compter de la date de la réception de l'acceptation de la visite, en dehors des samedis, dimanches et jours fériés. / Le propriétaire, son mandataire ou le notaire est tenu d'informer de l'acceptation de la visite les occupants de l'immeuble mentionnés dans la déclaration d'intention d'aliéner. / Un constat contradictoire précisant la date de visite et les noms et qualité des personnes présentes est établi le jour de la visite et signé par le propriétaire ou son représentant et par le titulaire du droit de préemption ou une personne mandatée par ce dernier. / L'absence de visite dans le délai prévu au troisième alinéa vaut soit refus de visite, soit renonciation à la demande de visite. Dans ce cas, le délai suspendu en application du quatrième alinéa de l'article L. 213-2 reprend son cours. ". Enfin, l'article D. 213-13-3 du même code dispose que : " Le propriétaire peut refuser la visite du bien. / Le refus est notifié au titulaire du droit de préemption dans les conditions prévues à l'article R. 213-25 et dans le délai de huit jours à compter de la date de réception de la demande de visite. En l'absence de réponse dans ce délai, le refus est tacite. ".

14. Il résulte de ces dispositions que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption doivent savoir de façon certaine, au terme du délai de deux mois, éventuellement prorogé dans les conditions mentionnées ci-dessus, imparti au titulaire du droit de préemption pour en faire éventuellement usage, s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation entreprise. Dans le cas où le titulaire du droit de préemption décide de l'exercer, les mêmes dispositions, combinées avec celles des articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales, imposent que la décision de préemption soit exécutoire au terme du délai de deux mois, c'est-à-dire non seulement prise mais également notifiée au propriétaire intéressé et transmise au représentant de l'Etat. La réception de la décision par le propriétaire intéressé et le représentant de l'Etat dans le délai de deux mois, à la suite respectivement de sa notification et de sa transmission, constitue, par suite, une condition de la légalité de la décision de préemption.

15. Il ressort des pièces du dossier que le notaire de Mme C... a adressé une déclaration d'intention d'aliéner qui a été reçue en mairie de Montauban le 13 janvier 2021. Par des courriers signés par le premier adjoint le 22 février 2021 et adressés au notaire et au propriétaire du bien préempté, qui les ont reçus, chacun pour ce qui le concerne, le 24 février suivant, soit dans le délai de deux mois fixé par les dispositions précitées de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, la commune de Montauban a demandé à visiter le bien afin de pouvoir procéder à son évaluation. Le délai, qui a été suspendu à compter de la réception de la demande de visite du bien, a repris à compter de la visite de celui-ci qui a eu lieu, en l'espèce, le 10 mars 2021. La commune disposait, dans ces conditions, d'un délai d'un mois, à compter de cette dernière date, pour notifier sa décision, soit jusqu'au 10 avril 2021. La décision a effectivement été notifiée le 9 avril 2021 au notaire et au propriétaire du bien préempté. Elle est devenue exécutoire du fait de sa transmission au préfet le 8 avril 2021, ainsi qu'il ressort du cachet porté sur elle, faisant foi jusqu'à preuve contraire. Par suite, le moyen tiré de la tardiveté de la décision attaquée doit être écarté.

16. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la commune de Montauban est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision de son maire du 6 avril 2021 et mis à sa charge une somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et d'autre part, que la demande d'annulation présentée par M. A... devant le tribunal administratif ne peut qu'être rejetée de même que ses conclusions relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Montauban, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Montauban au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens sur ce même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2123348 du 23 février 2023 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif est rejetée de même que ses conclusions d'appel.

Article 3 : M. A... versera une somme de 1 500 euros à la commune de Montauban au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Montauban, à M. B... A..., et à Mme D... C....

Délibéré après l'audience du 27 mai 2025, où siégeaient :

- M. Chabert, président de chambre,

- M. Teulière, président assesseur,

- M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2025.

Le président assesseur,

T. Teulière

Le président,

D. ChabertLe greffier,

N. Baali

La République mande et ordonne au préfet de Tarn-et-Garonne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23TL00925


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00925
Date de la décision : 12/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Thierry Teulière
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : SCP COURRECH & ASSOCIES - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-12;23tl00925 ?
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