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20/06/2025 | FRANCE | N°25TL00552

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, Juge des référés, 20 juin 2025, 25TL00552


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse suivante :



Mme C... G..., veuve de M. A... H..., M. F... H..., M. B... H... et M. I... H..., représentés par Me Piton, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de prescrire, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, une mesure d'expertise aux fins d'apprécier la possibilité de déplacer ou de remplacer le transformateur électrique installé sur leur propriété située ..., rue du Val à Lunel (Hérault) et d'

évaluer les préjudices qui résultent de la présence de ce transformateur sur leur parcell...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse suivante :

Mme C... G..., veuve de M. A... H..., M. F... H..., M. B... H... et M. I... H..., représentés par Me Piton, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de prescrire, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, une mesure d'expertise aux fins d'apprécier la possibilité de déplacer ou de remplacer le transformateur électrique installé sur leur propriété située ..., rue du Val à Lunel (Hérault) et d'évaluer les préjudices qui résultent de la présence de ce transformateur sur leur parcelle.

Par une ordonnance n° 2500445 du 3 mars 2025, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 mars 2025 et un mémoire enregistré le 29 avril 2025, Mme C... G..., M. F... H..., M. B... H... et M. I... H..., représentés par Me Piton, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance en date du 3 mars 2025 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de désigner un expert sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative chargé, au contradictoire de la société anonyme Enedis et du syndicat des copropriétaires " Le Val Fleuri " de :

- déterminer les conditions dans lesquelles le transformateur a été installé et sa localisation ;

- dire si le transformateur peut techniquement être déplacé ;

- le cas échéant, préciser les possibilités de déplacement et le coût des travaux ;

- à défaut, dire si le transformateur peut être remplacé pour limiter les conséquences de sa présence ;

- évaluer les préjudices subis et à subir en lien avec la présence du transformateur.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que le premier juge a estimé que leurs demandes conduiraient l'expert à se prononcer sur des considérations juridiques ou opérer une qualification juridique ;

- la mesure sollicitée est utile dès lors qu'ils entendent disposer d'une pièce technique et factuelle permettant de savoir si le transformateur peut être déplacé et quelle est l'étendue des préjudices subis ;

- l'expertise permettrait au juge de disposer d'une pièce technique et factuelle claire, établie de façon contradictoire, afin de pouvoir procéder à l'analyse et à la qualification juridique des faits ;

- il est possible de saisir le juge des référés afin de solliciter une expertise permettant d'apporter un éclairage technique et factuel sur la situation d'un immeuble et ses conséquences ;

- la mesure est également utile dès lors que la société Enedis conteste les conséquences de l'implantation du transformateur électrique sur leur situation ;

- la mission doit être complétée afin que l'expert détermine factuellement l'emplacement du transformateur et les conditions de son installation ;

- si le déplacement est impossible, l'expertise pourra servir à disposer de données immobilières précises et objectives permettant d'apprécier l'indemnisation à accorder ;

- leur requête est recevable dès lors qu'ils sollicitent que l'expertise soit rendue commune et opposable au syndicat des copropriétaires et que les discussions amiables menées avec la société Enedis ont amené celle-ci à reconnaître que le transformateur était implanté sur leur lot ;

- si l'emprise n'était pas irrégulière, la société Enedis aurait été en mesure de prouver la régularité de l'implantation ;

- la réponse du médiateur de l'énergie n'a aucune incidence sur la procédure ;

- la volonté des appelants de vendre le bien est sans incidence sur l'irrégularité de l'emprise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2025, la société anonyme Enedis représentée par Me Rubin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des appelants la somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande des appelants est irrecevable dès lors que le syndicat des copropriétaires " Val Fleuri " n'est pas présent à la procédure et qu'il n'est pas justifié que le transformateur litigieux soit implanté sur le lot des appelants ;

- les appelants postulent que l'emprise du transformateur est irrégulière dès lors qu'elle n'est pas en mesure de produire la convention de mise à disposition alors que cette question de droit ne peut être tranchée que par les juges du fond ;

- avant même d'ordonner une expertise tendant à déterminer si un ouvrage public de distribution d'électricité doit être déplacé, il appartient aux appelants de faire trancher la question de l'existence d'une emprise irrégulière ; ce n'est que si la situation d'emprise irrégulière est établie que la question du déplacement ou non de l'ouvrage public peut être envisagée au regard de la jurisprudence constante des juridictions administratives ; à ce stade, la mesure d'expertise sollicitée ne revêt pas un caractère d'utilité, la question de l'emprise irrégulière n'étant pas tranchée ;

- un expert n'est pas fondé à se prononcer sur l'existence ou non d'une emprise irrégulière ;

- en tout état de cause, les appelants sollicitent une expertise sur les conséquences d'une emprise irrégulière alors qu'elle n'est pas tranchée ; la mesure n'est donc pas utile ;

- les appelants ne peuvent pas se prévaloir d'une emprise irrégulière concernant le transformateur dans la mesure où l'acte de propriété fait état de l'existence d'une servitude à ce titre ;

- elle a exécuté l'accord amiable conclu avec les appelants par le biais du médiateur de l'énergie ;

- le déplacement du poste est demandé afin de faciliter la vente du lot et non en raison de la nécessité d'aménager le local.

Par un courrier en date du 11 juin 2025 les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité de leurs conclusions tendant à étendre leur demande d'expertise au syndicat des copropriétaires " Le Val Fleuri ", qui constituent une demande nouvelle en appel dès lors que les intéressés n'ont pas saisi le tribunal d'une demande d'expertise étendue à cette personne morale.

Par un mémoire enregistré le 17 juin 2025 les requérants ont présenté des observations en réponse à ce courrier.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte de liquidation et attribution cessions en date du 7 février 1973, Mme G... et son époux ont acquis la propriété du lot n° 109 consistant en un bâtiment situé sur la parcelle cadastrée (Ano)AK 206, sise ...(/ANO) rue du Val Fleuri à Lunel. Par un acte notarié en date du 23 décembre 2014, la nue-propriété du bien a été transférée aux fils de Mme G..., laquelle a conservé l'usufruit de l'immeuble. Faisant suite à l'échec d'une tentative de résolution amiable du litige opposant la société Enedis aux intéressés et relatif à l'implantation du poste de transformation électrique sur leur parcelle, Mme G... et ses fils ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de prescrire, sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, une mesure d'expertise aux fins d'apprécier la possibilité de déplacer ou de remplacer le transformateur installé sur leur propriété et d'évaluer les préjudices qui résultent de cette présence. Ils font appel de l'ordonnance du 3 mars 2025 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Sur la recevabilité de la demande :

2. La société Enedis oppose en défense deux fins de non-recevoir tirés, d'une part, de la circonstance selon laquelle l'implantation du transformateur litigieux sur la parcelle des appelants ne serait pas démontrée et, d'autre part, du fait que le syndicat des copropriétaires " Le Val Fleuri " n'est pas présent à la procédure.

3. Il résulte des pièces du dossier, et notamment du courrier rédigé par la société défenderesse et adressé à M. F... H... le 22 novembre 2022, que la propriété de la parcelle cadastrée ... sur laquelle le transformateur est implanté n'avait jamais été contestée par la société défenderesse avant l'instance en référé. A cet égard, les photographies ainsi que le plan du réseau de poste produits par la société Enedis sont insuffisantes pour la remettre en cause, alors qu'il résulte des pièces produites par les appelants et des écritures mêmes de la partie en défense que les requérants sont usufruitiers ou nus propriétaires du lot ..., lequel comprend un rez-de-chaussée, un garage attenant et le local abritant le transformateur. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir tirée de la circonstance selon laquelle les appelants ne seraient pas propriétaires de la parcelle sur laquelle est implanté l'ouvrage litigieux doit être écartée. Pour les mêmes motifs, et dès lors qu'il n'est pas établi que le syndicat de copropriétaires " Le Val Fleuri " serait propriétaire de la parcelle litigieuse, la fin de non-recevoir tirée de ce que les intéressés n'ont pas étendu leur demande d'expertise au contradictoire de ce syndicat de copropriétaires doit également être rejetée.

4. Toutefois, il résulte de l'instruction que Mme G... et ses fils ont saisi le tribunal d'une demande d'expertise au contradictoire de la société Enedis uniquement. Par suite, les conclusions par lesquelles les appelants demandent que l'expertise soit étendue au contradictoire du syndicat des copropriétaires " Le Val Fleuri " constituent une demande nouvelle en appel et sont dès lors irrecevables. Elles doivent donc être rejetées. Il appartiendra à l'expert ou aux parties si elles l'estiment utile de présenter une demande d'extension de l'expertise sur ce point.

Sur l'utilité de la mesure sollicitée :

5. Aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. Il peut notamment charger un expert de procéder, lors de l'exécution de travaux publics, à toutes constatations relatives à l'état des immeubles susceptibles d'être affectés par des dommages ainsi qu'aux causes et à l'étendue des dommages qui surviendraient effectivement pendant la durée de sa mission (...) ".

6. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher. Le juge ne peut faire droit à une demande d'expertise lorsque, en particulier, elle est formulée à l'appui de prétentions qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative, qui sont irrecevables ou qui se heurtent à la prescription. A ce dernier titre, il ne peut faire droit à une demande d'expertise permettant d'évaluer un préjudice, en vue d'engager la responsabilité d'une personne publique, en l'absence manifeste, en l'état de l'instruction, de fait générateur, de préjudice ou de lien de causalité entre celui-ci et le fait générateur.

7. Il résulte de l'instruction qu'il existe entre les intéressés et la société Enedis un litige relatif au déplacement d'un transformateur électrique attenant à l'immeuble situé au ... rue du Val fleuri à Lunel. Les divers courriers produits par Mme G... et ses fils relatifs à la procédure amiable suivie devant le médiateur national de l'énergie démontrent qu'il existe un point de désaccord entre les intéressés et la société Enedis s'agissant des conséquences dommageables que peut comporter, pour les premiers, l'implantation de l'ouvrage sur leur parcelle. En outre, cette situation est susceptible de donner lieu à des actions contentieuses devant la juridiction administrative recevables et il n'est pas établi que les appelants sont à même d'évaluer toutes les conséquences que comporte la présence de ce transformateur électrique sur leur lot. La circonstance que le juge du fond ne se soit pas encore prononcé sur une éventuelle emprise est sans incidence sur l'utilité de la mesure pouvant être ordonnée en référé. Ainsi, l'expertise demandée par les intéressés, qui, contrairement à ce que soutient la société en défense, ne tend pas à ce que l'expert se prononce sur la régularité de l'implantation de l'ouvrage et ainsi à lui faire trancher des questions de droit mais à déterminer son emplacement exact, les possibilités de son déplacement ainsi que les préjudices qui en résultent, revêt le caractère d'une mesure utile.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme C... G..., M. F... H..., M. B... H... et M. I... H... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande et à ce que soit ordonnée l'expertise sollicitée dans les conditions précisées au dispositif de la présente ordonnance.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les appelants, qui n'ont pas dans la présente instance la qualité de parties perdantes, versent à la société Enedis quelque somme que ce soit au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion du litige.

ORDONNE :

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 3 mars 2025 est annulée.

Article 2 : M. E... D... - Ingénieur - domicilié à Montferrier-sur-Lez 34980 est désigné comme expert avec pour mission de :

- se faire communiquer tous documents qu'il estimera utiles à sa mission ;

- se rendre sur la parcelle cadastrée ... rue du Val Fleuri à Lunel ;

- déterminer les conditions dans lesquelles le transformateur a été installé et sa localisation ;

- dire si le transformateur peut techniquement être déplacé ;

- le cas échéant, préciser les possibilités de déplacement et le coût des travaux ;

- à défaut, dire si le transformateur peut être remplacé pour limiter les conséquences de sa présence ;

- évaluer les préjudices subis et à subir en lien avec la présence du transformateur ;

- d'une façon générale, recueillir tous éléments et faire toutes autres constatations utiles à l'examen des questions précédemment définies.

L'expert disposera des pouvoirs d'investigations les plus étendus. Il pourra entendre tous sachants, se faire communiquer tous documents et renseignements, faire toutes constatations ou vérifications propres à faciliter l'accomplissement de sa mission et éclairer le tribunal.

Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues aux articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président de la cour administrative d'appel.

Article 4 : Préalablement à toute opération, l'expert souscrira à la déclaration sur l'honneur prévue à l'article R. 621-3 du code de justice administrative.

Article 5 : Les opérations d'expertise auront lieu contradictoirement entre la société anonyme Enedis et Mme C... G..., M. F... H..., M. B... H... et M. I... H....

Article 6 : L'expert avertira les parties conformément aux dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative.

Article 7 : L'expert déposera son rapport par voie électronique au greffe dans un délai de 4 mois à compter de la notification de la présente ordonnance. Des copies seront notifiées par l'expert aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. L'expert justifiera auprès de la cour de la date de réception de son rapport par les parties.

Article 8 : Les frais et honoraires de l'expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l'ordonnance par laquelle le président de la cour liquidera et taxera les frais et honoraires.

Article 9 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 10 : Les conclusions de la société anonyme Enedis tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 11 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C... G..., à M. F... H..., à M. B... H..., à M. I... H..., à la société anonyme Enedis et à M. E... D..., expert.

Fait à Toulouse, le 20 juin 2025

Le président,

signé

J-F. MOUTTE

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

N°25TL00552 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 25TL00552
Date de la décision : 20/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : RUBIN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-20;25tl00552 ?
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