La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/06/2006 | FRANCE | N°05VE01505

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites a la frontiere, 14 juin 2006, 05VE01505


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 8 août 2005 par télécopie et le 11 août 2005 en original, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le préfet demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0506008 du 18 juillet 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 13 juillet 2005 décidant la reconduite à la frontière de M. Ahmed X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Le préfet soutient que l'arrêté at

taqué ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant puisque rien ne s'oppose à ce q...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 8 août 2005 par télécopie et le 11 août 2005 en original, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le préfet demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0506008 du 18 juillet 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 13 juillet 2005 décidant la reconduite à la frontière de M. Ahmed X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Le préfet soutient que l'arrêté attaqué ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant puisque rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se recompose hors de France ; que M. X ne rapporte pas la preuve ni qu'il ait reconnu les enfants ni de l'effectivité et l'ancienneté de la vie maritale avec sa concubine ; que par ailleurs l'arrêté est justement motivé ; qu'il a été signé par une autorité compétente ; que l'intéressé ne démontre pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine ; qu'aucun élément ne permet d'examiner sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco algérien ;

…………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 2006 :

- le rapport de M. Bonhomme, magistrat délégué ;

- et les conclusions de M. Bresse, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, n'a pu justifier être entré régulièrement en France ; qu'il ne justifiait pas être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE fait valoir que l'exécution de l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ne fait pas obstacle à ce que l'intéressé et sa compagne ainsi que leurs deux enfants nés respectivement en 2003 et 2005 poursuivent leur vie familiale dans leur pays d'origine ; qu'il ressort effectivement des pièces du dossier que si M. X a reconnu ses deux enfants, nés respectivement le 8 juillet 2003 et le 5 janvier 2005, et que leur mère est titulaire d'une carte de résident, rien ne s'oppose à ce que l'intéressée, également de nationalité algérienne, rejoigne son compagnon dans son pays d'origine pour y reconstituer la cellule familiale ; que, par suite, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE est fondé à soutenir que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du 13 juillet 2005 n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur des enfants et qu'ainsi, c'est à tort que le magistrat délégué s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté précitée comme contraire à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen invoqué par M. X à l'encontre de l'arrêté attaqué ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ; et qu'aux termes de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien susvisé : « Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. » ;

Considérant que M. X, qui a déclaré être entré en France le 2 novembre 2001, fait valoir qu'il vit maritalement avec une compatriote titulaire d'une carte de résident et que de cette union sont nés deux enfants respectivement en juillet 2003 et janvier 2005, à l'entretien desquels il participe et qu'il n'a plus d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que par suite compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment du caractère stable et ancien de l'union contractée, l'arrêté du PREFET DES HAUTS-DE-SEINE doit être regardé comme ayant porté au droit de l'intéressé, au respect de sa vie privé et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et ayant ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de M. X, que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement du 18 juillet 2005 le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 13 juillet 2005 décidant la reconduite à la frontière de M. X ;

Sur les conclusions portant sur la mesure d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. » et qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. » ;

Considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe à l'autorité administrative, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au PREFET DES HAUTS-DE-SEINE de se prononcer sur la situation de M. X dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du PREFET DES HAUTS-DE-SEINE est rejetée.

Article 2 : Le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE statuera sur la situation de M. X dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de M. X est rejeté.

N°05VE01505

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05VE01505
Date de la décision : 14/06/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bernard BONHOMME
Rapporteur public ?: M. BRESSE
Avocat(s) : BIERLING

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2006-06-14;05ve01505 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award