Vu la requête, enregistrée le 26 septembre 2005 par télécopie et le 29 septembre 2005 en original, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°0502018 du 18 août 2005 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 23 février 2005 décidant la reconduite à la frontière de M. Samba X et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
Le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS soutient que c'est à tort que le premier juge a annulé l'arrêté de reconduite à la frontière contesté pour méconnaissance du 5° de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dès lors que si l'intéressé souffre d'une hépatite, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié en Mauritanie ; qu'aucun des autres moyens soulevés en première instance par M. X n'est fondé ; qu'ainsi, le signataire de l'arrêté contesté bénéficiait d'une délégation de signature régulière ; qu'un refus de titre de séjour ayant été opposé à M. X le 3 novembre 2004, une mesure de reconduite à la frontière pouvait légalement être prise le 23 février 2005, alors même que l'intéressé aurait présenté une nouvelle demande de titre de séjour le 30 novembre 2004 ; que M. X n'est pas fondé à contester l'absence de délivrance d'un accusé de réception de sa demande de titre de séjour, compte tenu de l'article 3 du décret 2001-492 du 6 juin 2001 ; que M. X ne saurait utilement se prévaloir du 5° de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile, qui concerne les mesure d'expulsion ; que si M. X soutient qu'il n'a pas été mis à même de présenter des observations écrites avant que ne soit prise la décision fixant le pays de destination, de sorte que le principe du contradictoire aurait été méconnu, l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 pose pour seule obligation de ne pas renvoyer un étranger dans un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacés ou qu'il y serait exposé à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience :
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 juin 2006 :
- le rapport de M. Davesne, magistrat délégué ;
- et les conclusions de M. Bresse, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : « (…) ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion : (…) 5° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. (…). Ces mêmes étrangers ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application de l'article 22. » ;
Considérant qu'il est constant que l'état de santé de M. X, qui souffre d'une hépatite B, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux établis par le même médecin les 2 septembre 2004, 15 avril 2005 et 14 octobre 2005, qui se bornent à se référer à des indicateurs généraux de l'organisation mondiale de la santé pour l'année 2004 relatifs au nombre de médecins par habitant, au montant des dépenses de santé, à l'accès aux médicaments, à la mortalité infantile, à l'indicateur de développement humain et à l'espérance de vie, que l'intéressé ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Mauritanie ; que c'est par suite à tort que le magistrat délégué du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur les dispositions précitées de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. X le 23 février 2005 ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et devant la Cour ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant que, par un arrêté du 13 décembre 2004, publié au recueil des actes administratifs du département du 14 décembre 1994, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a donné à Mme Bacle, délégation pour signer les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : « Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 3 novembre 2004, de la décision du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS, en date du 29 octobre 2004, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le cas visé par les dispositions précitées où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ; que la circonstance que, le 1er décembre 2004, M. X se serait présenté à la préfecture pour présenter une demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et que les services préfectoraux auraient refusé d'enregistrer cette demande est, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière dès lors qu'aucun élément nouveau n'était intervenu dans la situation de l'intéressé depuis le refus de titre de séjour du 29 octobre 2004 ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. (…) » ;
Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus exposés, M. X n'est pas fondé à soutenir qu'il a droit à la délivrance d'une carte de séjour temporaire au titre du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et qu'en conséquence, l'arrêté de reconduite à la frontière serait illégal ;
Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté du 13 décembre 2004, publié au recueil des actes administratifs du département le 14 décembre 2004, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a donné à Mme Bacle, délégation pour signer les décisions fixant le pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement ; que, dès lors, le moyen tiré l'incompétence du signataire de la décision manque en fait ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, relatives à la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, et notamment des articles 22 et 22 bis qui ouvrent un recours suspensif devant le juge administratif, organisent les garanties dont bénéficie l'étranger pour pouvoir exercer utilement ledit recours, et fixent les délais dans lesquels ces recours doivent être présentés et jugés, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des arrêtés de reconduite à la frontière ; que, par suite, l'obligation faite à l'administration, avant de prendre une décision qui doit être motivée en application de la loi du 11 juillet 1979 visée ci-dessus, de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations, obligation résultant de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée, ne s'applique pas préalablement à la désignation du pays de renvoi dès lors que celle-ci a lieu, comme en l'espèce, à une date permettant à l'intéressé de la contester dans le cadre du recours suspensif exercé à l'encontre de l'arrêté de reconduite à la frontière ainsi que la possibilité en est ouverte par l'article 27 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure doit être écarté ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant que si M. X soutient qu'il serait exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Mauritanie, il n'apporte ni précision, ni justification à l'appui de cette allégation ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à demander l'annulation du jugement du 18 août 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 23 février 2005 décidant la reconduite à la frontière de M. X ; que la présente décision n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions de M. X tendant à ce qu'il soit enjoint au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS de réexaminer sa situation ne peuvent qu'être rejetées ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E
Article 1er : Le jugement n°0502018 du 18 août 2005 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise par M. X, ainsi que les conclusions présentées en appel par M. X tendant, d'une part, à ce qu'il soit enjoint au préfet de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, d'autre part, à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
N°05VE01826
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