Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n° 2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. Alexander X, demeurant ..., par Me Bancel, avocat au barreau de Paris ;
Vu la requête, enregistrée le 14 janvier 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle M. Alexander X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 996205 du Tribunal administratif de Versailles en date du 7 novembre 2003 en tant que, par ce jugement, le tribunal, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu afférentes aux années 1992 et 1993, a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions en litige ;
3°) de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que la SARL La Karaya, dont les époux X sont les associés, a acquis un bien immobilier situé à la Croix Valmer le 15 janvier 1991 et l'a revendu en décembre 1998 ; qu'elle a, par la suite, acquis un nouveau bien immobilier en décembre 2000 et en octobre 2002 ; que c'est à tort que l'administration a remis en cause son statut de marchand de biens alors que le bien situé à la Croix Valmer a été acquis en vue d'être revendu et a été comptabilisé en stock ; que, selon ses statuts, la société a pour objet une activité de marchand de biens ; que le délai écoulé entre la première et la dernière acquisition ne démontre pas l'absence d'intention spéculative ; que, dès lors que l'administration a reconnu que la SARL La Karaya relevait des dispositions de l'article 8 du code général des impôts, elle a nécessairement admis que l'activité de cette société relevait des bénéfices industriels et commerciaux ; qu'eu égard en outre à la présence de biens immobiliers en stock, la qualité de marchand de biens ne peut être remise en cause ; que l'administration a « déqualifié » un déficit sans le requalifier ; que la réponse ministérielle Baudoin-Bugnet répute marchand de biens une société possédant un seul immeuble qu'elle a revendu, dès lors que les opérations de marchand de biens sont prévues dans l'objet social ; que cette réponse ministérielle a été reprise dans la documentation administrative 8-D-1111 § 8 ; que cette doctrine est opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
…………………………………………………………………………………………………
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 septembre 2006 :
- le rapport de Mme Barnaba, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Colrat, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SARL La Karaya, soumise au régime fiscal des sociétés de personnes, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration, qui a refusé d'admettre en déduction le montant des déficits qu'elle avait déclarés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, lui a notifié les redressements correspondants, au titre des exercices 1992 à 1994 ; que le service a également notifié à M. et Mme X, seuls associés de cette société, les conséquences de ces redressements sur leur imposition à l'impôt sur le revenu, au titre des années susmentionnées ; qu'à la suite d'un dégrèvement partiel des impositions supplémentaires afférentes aux années 1992 et 1993, consenti par l'administration alors que la demande en décharge introduite par les requérants était pendante devant le Tribunal administratif de Versailles, ce dernier a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence des cotisations dégrevées et rejeté le surplus de la demande ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : « Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses (…) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus (…) L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. (…) » ;
Considérant que le vérificateur a constaté, lors de la vérification de comptabilité de la SARL La Karaya, qu'à la suite de l'acquisition d'un bien immobilier situé à La Croix Valmer le 15 janvier 1991, cette société n'avait pas engagé de démarches en vue de revendre ce bien ; qu'il a également relevé que la villa avait été utilisée à des fins privatives par les époux X et que le prêt souscrit initialement pour permettre l'acquisition, qui portait sur une durée de dix ans, révélait davantage une opération à caractère personnel qu'une intention spéculative, qui caractérise l'activité du marchand de biens ; qu'au vu de ces divers éléments de faits qu'il a énoncés dans la notification de redressement du 2 mai 1997, adressée à la gérante de la SARL La Karaya, il a estimé que l'opération d'acquisition du bien immobilier susmentionné ne pouvait se rattacher à l'exercice d'une activité de marchand de biens ; que si, comme le relève M. X, une première notification de redressement adressée à la gérante de la SARL La Karaya le 22 décembre 1995 se référait aux dispositions précitées de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, la notification du 2 mai 1997, mentionne expressément l'abandon de cette procédure ; que M. X ne saurait utilement invoquer une prise de position formelle de l'administration en se prévalant des mentions de la notification du 22 décembre 1995 ; que l'administration n'a pas écarté, comme ne lui étant pas opposable, l'acte de constitution de la société, ni invoqué le caractère fictif de la société, ni soutenu que ladite société aurait été créée à seule fin d'éluder l'impôt, ni, enfin, remis en cause la réalité de la vente ; que l'administration ne s'est dès lors pas placée, même implicitement, sur le terrain de l'abus de droit et n'a par suite pas privé la SARL La Karaya des garanties prévues aux articles L.64 et R.64-1du livre des procédures fiscales ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la date de la notification de redressement : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (…) ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre, alors en vigueur : « La notification de redressement prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la notification. » ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une notification de redressement doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon utile ;
Considérant que, dans la notification de redressement du 2 mai 1997 adressée à la SARL La Karaya, le vérificateur a exposé les motifs de fait et de droit pour lesquels il estimait que l'opération d'acquisition du bien immobilier situé à La Croix Valmer ne relevait pas de l'activité de marchand de biens ; qu'il a, en conséquence, refusé de tenir compte des déficits que cette société avait déclarés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; que, dans la notification de redressement du 20 novembre 1997 adressée à M. et Mme X, à laquelle était annexée la notification susmentionnée du 2 mai 1997, le vérificateur faisait connaître aux contribuables qu'eu égard à l'absence d'activité professionnelle de la société, les déficits que celle-ci avait déclarés à tort ne pouvaient être imputés sur leur revenu global ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la motivation du redressement litigieux était conforme aux exigences des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'application de la loi :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 35 du code général des impôts : « Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci ;après : 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières (...) » ; qu'en vertu de l'article 8 du même code, ces dispositions sont applicables en l'espèce dès lors que, comme il été dit ci-dessus, la SARL La Karaya avait exercé l'option prévue par l'article 239 bis AA du même code en faveur du régime fiscal des sociétés de personnes ;
Considérant, d'une part, que la maison située à La Croix Valmer a été acquise le 15 janvier 1991 alors que la SARL La Karaya était en cours de constitution ; que M. X fait valoir que cette société avait pour objet, selon ses statuts, « toutes opérations de marchand de biens », que l'acte de vente de la maison stipulait que l'acquéreur agissait en cette qualité et que le bien était comptabilisé en stock ; que toutefois, ces circonstances ne dispensaient pas l'administration de vérifier que cette opération présentait un caractère habituel et procédait d'une intention spéculative ;
Considérant toutefois que si, comme le soutient M. X, la maison achetée en janvier 1991 a été revendue en décembre 1998, il n'est pas contesté que, dans cet intervalle de près de huit années, la SARL n'a acheté aucun autre bien immobilier dans le cadre de son activité, le requérant indiquant lui-même qu'aucune acquisition n'est intervenue avant décembre 2000 ; qu'ainsi, s'agissant d'une opération isolée, la condition d'habitude édictée par les dispositions précitées de l'article 35 du code général des impôts ne se trouvait pas satisfaite ; qu'en outre, le vérificateur a relevé, sans être contredit, que la maison avait été occupée de façon privative par la famille de M. et Mme X pendant cette période ; que si M. X soutient que le bien a pu être vendu grâce à « un réseau de relations internationales très étendu », il ne conteste pas les constatations du vérificateur selon lesquelles la SARL La Karaya n'a entrepris aucune démarche, soit de nature publicitaire, soit en ayant recours aux agences immobilières ou aux annonces dans la presse spécialisée, en vue de rechercher des candidats acquéreurs ; que ce comportement révèle que la SARL La Karaya n'était animée d'aucune intention spéculative lors de l'acquisition du bien, nonobstant les mentions figurant sur l'acte de vente et la circonstance que le bien a été comptabilisé en stock ; qu'ainsi, c'est à bon droit que l'administration a considéré que la SARL La Karaya ne s'était pas livrée à une opération commerciale de marchand de biens lors de l'acquisition du bien immobilier le 15 janvier 1991 ;
Considérant, d'autre part, que si l'administration a refusé de tenir compte du déficit déclaré par M. X dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, elle n'a opéré aucun redressement dans cette catégorie, contrairement à ce que soutient le requérant ;
En ce qui concerne la doctrine de l'administration :
Considérant que M. X invoque, sur le fondement des dispositions de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, la réponse ministérielle du 31 mars 1931 adressée à M. Baudoin ;Bugnet selon laquelle une société possédant un seul immeuble est réputée marchand de biens pour le profit réalisé à l'occasion de la vente de cet immeuble, dès lors que cette vente entre dans les opérations qu'elle s'est donnée statutairement pour objet ; que toutefois, il résulte des termes mêmes de cette réponse qu'elle ne s'applique qu'aux profits réalisés par la vente de l'immeuble, ce qui n'était nullement le cas en l'espèce dès lors qu'à la date à laquelle les redressements ont été notifiés, le bien n'avait pas été vendu et qu'aucune promesse de vente n'avait même été signée ; que, par suite, M. X ne peut utilement se prévaloir de la réponse susmentionnée ; que, pour le même motif, il ne peut davantage se prévaloir des dispositions contenues dans la documentation administrative référencée 8 D 1111, qui est relative aux profits réalisés par les marchands de biens et qui ne peut donc s'appliquer en l'espèce ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. Alexander X est rejetée.
04VE00136 2