Vu la requête, enregistrée le 24 avril 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, par laquelle la SOCIETE THERABEL LUCIEN PHARMA, demeurant 123 rue Jules Guesde à Levallois Perret Cedex (92309), par Me Rochedy, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0407371 en date du 2 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution annuelle de 10 %, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1997 et 1998 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la nature patrimoniale des autorisations de mise sur le marché des médicaments (dont statistiquement la durée de vie est comprise entre huit et quatorze ans) et des dossiers scientifiques justifie leur amortissement ; que bien que la société Helsinn lui ait concédé une licence d'exploitation valable dix ans (tacitement renouvelable) du médicament Nexen, elle était en droit d'amortir ce médicament sur cinq ans, durée prévisible de sa commercialisation ; que la provision pour risque de redressement fiscal était justifiée ; que le chiffrage de la provision sur titres est exact ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2007 :
- le rapport de Mme Boret, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Colrat, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SOCIETE THERABEL LUCIEN PHARMA conteste les redressements, confirmés par le Tribunal administratif de Versailles, qui procèdent de la réintégration à ses résultats de dotations aux amortissements et de provisions rejetées par l'administration ;
Sur les dotations aux amortissements :
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (…) notamment : (…) 2°) (…) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation ; qu'un élément d'actif incorporel peut, en vertu des dispositions précitées, donner lieu à une dotation annuelle à un compte d'amortissements s'il est normalement prévisible, lors de sa création ou de son acquisition par l'entreprise, que ses effets bénéfiques sur l'exploitation prendront fin à une date déterminée ; que tel est le cas des droits incorporels permettant la commercialisation d'une spécialité pharmaceutique et notamment des droits détenus sur l'autorisation de mise sur le marché de cette spécialité prévue à l'article L. 5121- 25 du code de la santé publique, dès lors qu'il est possible de déterminer la durée prévisible durant laquelle cette commercialisation produira des effets bénéfiques sur l'exploitation, en tenant compte notamment de l'évolution des conditions scientifiques, techniques et économiques du marché de cette spécialité ;
Considérant que, dans le dernier état de ses écritures, la société requérante établit que la durée prévisible d'utilisation de la spécialité pharmaceutique qu'elle commercialise sous l'appellation Euridoz s'est achevée en 2001, année d'expiration de la protection assurée par le brevet qu'elle détient ; qu'elle justifie ainsi suffisamment l'amortissement effectué pour cette spécialité ; que l'administration n'était dès lors pas fondée à réintégrer dans les résultats des années 1997 et 1998 de la société les sommes affectées par celle-ci à l'amortissement de l'Euridoz ;
Considérant, s'agissant du taux d'amortissement de 20% appliqué indistinctement à tous les autres médicaments en litige, qu'en invoquant les travaux du syndicat national des industries pharmaceutiques qui recommande la pratique d'un amortissement compris entre cinq et dix ans, la SOCIETE THERABEL LUCIEN PHARMA n'établit pas l'existence d'un usage de la profession au cours des années en litige ; qu'elle n'établit pas davantage que le taux qu'elle a retenu serait justifié en durée d'exploitation bénéfique pour la société des médicaments faisant l'objet des avis de mise sur le marché ;
Sur les provisions :
Considérant d'une part que la SOCIETE THERABEL LUCIEN PHARMA conteste la réintégration à son résultat imposable de l'année 1997 d'une provision constituée en raison d'un litige l'opposant à l'administration fiscale, soumis au Tribunal administratif de Paris ;
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code générale des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment ... 5) les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées que des événements en cours rendent probables ... ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut régulièrement porter en provisions et déduire des bénéfices imposables des sommes correspondant à des pertes ou des charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances de faits constatées à la clôture de l'exercice et qu'enfin elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le litige soumis au tribunal concernait le montant du prélèvement libératoire effectué par la société requérante pour le compte de l'Etat, qui sera en tout état de cause mis à la charge définitive des associés souscripteurs d'un emprunt obligataire le 23 octobre 1991; qu' ainsi, une telle retenue à la source, ne constituant pas une charge déductible des résultats de la société, ne saurait donner lieu à constitution de provision ;
Considérant d'autre part que l'administration ayant admis la constitution d'une provision pour dépréciation de la valeur des titres de la société Synlab calculée selon la méthode dite de la valeur mathématique, la SOCIETE THERABEL LUCIEN PHARMA n'établit pas que cette méthode devrait être corrigée en intégrant la perspective d'une dépréciation des résultats futurs de la société Synlab ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE THERABEL LUCIEN PHARMA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a entièrement rejeté sa demande en décharge ; qu'il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à la SOCIETE THERABEL LUCIEN PHARMA de la somme de 1 500 euros au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Il est accordé à la SOCIETE THERABEL LUCIEN PHARMA la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et à la contribution temporaire à l'impôt sur les sociétés ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1997 et 1998, à concurrence des impositions résultant de la réintégration des dotations aux amortissements de l'Euridoz au titre de ces deux années.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 2 février 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE THERABEL LUCIEN PHARMA une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE THERABEL LUCIEN PHARMA est rejeté.
06VE00871 2