Vu la requête, enregistrée le 31 août 2006 au greffe de la Cour, présentée pour l'AGENCE FONCIERE ET TECHNIQUE DE LA REGION PARISIENNE, dont le siège est 195, rue de Bercy à Paris (75582), venant aux droits de l'Etablissement public d'aménagement de la ville nouvelle d'Evry, par Me Lamorlette ; l'AGENCE FONCIERE ET TECHNIQUE DE LA REGION PARISIENNE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0404880 en date du 4 juillet 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à verser à la société Stemar la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
2°) subsidiairement, de réformer ledit jugement en ramenant cette condamnation à une somme qui ne saurait excéder 10 000 euros, en principal et intérêts échus à la date de l'arrêt ;
3°) de condamner la société Stemar à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient, en premier lieu, que c'est à tort que les premiers juges ont retenu une faute de l'administration ; que, d'une part, le bail dont la société Stemar était titulaire expirait le 31 août 2003 et ne prévoyait aucune clause de reconduction ; que, dès lors, son non-renouvellement ne saurait constituer une faute ; que, d'autre part, la circonstance que l'Etablissement public d'aménagement de la ville nouvelle d'Evry ait antérieurement admis deux cessions du contrat de bail ne saurait révéler une faute de l'exposante à avoir refusé la cession de bail sollicitée par la société Stemar dès lors que l'occupant ne détenait aucun droit acquis à la cession de son contrat d'occupation du local ; qu'aucune indemnité d'éviction n'est prévue par le contrat, pas plus que le versement d'une indemnité en cas de refus d'agrément de la cession par le bailleur ; qu'enfin, la société, qui devait tenir compte du terme de son contrat, ne pouvait escompter un bénéfice substantiel de la cession de son fonds de commerce à l'issue du bail, lequel prenait fin en tout état de cause le 31 août 2003 ; qu'ainsi, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la requérante avait perdu, par la faute de l'Etablissement public de la ville nouvelle d'Evry, la propriété commerciale du local ; que la société est elle-même à l'origine des circonstances financières dramatiques qu'elle invoque ; en second lieu et à titre subsidiaire, que la somme de 15 000 euros allouée par le tribunal est excessive ; que les faits et la jurisprudence justifient une somme moindre ; que le tribunal n'a pas pris en considération le montant d'acquisition du fonds de commerce, qui est de l'ordre de 32 012 euros, et les circonstances que le chiffre d'affaires de l'année 2001 avait connu une baisse de 40 % par rapport à l'année précédente et que l'année 2002 s'était soldée par une perte avoisinant 50 000 euros, la situation financière étant ainsi fortement obérée à la veille de l'expiration du contrat ; que, compte tenu de la nature, de la taille et de la situation du commerce, la somme de 15 000 euros apparaît excessive ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du domaine de l'Etat ;
Vu le décret n° 456 560 du 30 septembre 1953 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 février 2008 :
- le rapport de Mme Agier-Cabanes, premier conseiller ;
- les observations de Me Estellon, substituant Me Lamorlette, pour l'AGENCE FONCIERE ET TECHNIQUE DE LA REGION PARISIENNE et celles de Me Lagrée, substituant Me Quinchon, pour la société Stemar ;
- et les conclusions de M. Pellissier, commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'Etablissement Public d'Aménagement de la Ville Nouvelle d'Evry (EPEVRY) a consenti le 17 mai 1995 à la société Métropole, pour une durée de neuf ans à compter du 1er septembre 1994, un bail commercial portant sur un local situé dans la gare d'Evry-Courcouronnes ; que le 7 septembre 1998, cette société a, avec l'accord de l'EPEVRY, cédé son fonds de commerce et transféré son bail à la société Stemar ; que par lettres en date des 28 novembre 2002 et 20 décembre 2002, l'AGENCE FONCIERE ET TECHNIQUE DE LA REGION PARISIENNE (AFTRP), venue aux droits de l'EPEVRY, a informé la société de ce que, d'une part, les locaux faisant partie du domaine public ferroviaire, ils ne pouvaient pas faire l'objet d'un bail commercial et, d'autre part, que la société devait quitter les lieux à la date du 31 août 2003 prévue par la convention ; que par jugement en date du 4 juillet 2006, le Tribunal administratif de Versailles faisant partiellement droit à la demande de la société Stemar, a condamné l'AFTRP à verser à cette société la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice résultant de la méprise commise durablement par l'administration sur la situation juridique du local litigieux ; que l'AFTRP fait appel de ce jugement et demande à la Cour de rejeter la demande de la société Stemar ou, à titre subsidiaire, de diminuer le montant de la condamnation ; que, par la voie de l'appel incident, la société Stemar demande à la Cour de condamner l'AFTRP à lui verser la somme de 48 000 euros au titre de la valeur du fonds de commerce, la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 34 610, 23 euros au titre du remboursement des loyers versés ;
Sur la responsabilité de l'AGENCE FONCIERE ET TECHNIQUE DE LA REGION PARISIENNE :
Considérant que si l'AFTRP soutient que l'EPEVRY et elle-même n'auraient commis aucune faute dans l'application de la convention les liant à la société Stemar, il résulte de l'instruction que les locaux occupés par la société dans l'enceinte de la gare d'Evry-Courcouronnes faisaient partie du domaine public ferroviaire et ne pouvaient, dès lors, faire l'objet que d'une convention d'occupation à titre précaire et révocable en vertu des règles de la domanialité publique ; que l'EPEVRY, en signant le 17 mai 1995 avec la société Métropole un contrat expressément qualifié de bail commercial, puis en autorisant cette société a céder son fonds de commerce et à transférer son contrat d'occupation à la société Stemar, et l'AFTRP, en laissant aller ce contrat jusqu'à son terme, se sont mépris de façon durable sur la situation juridique du local en cause et ont laissé croire à tort à la société Stemar que l'occupation des locaux se faisait dans les conditions prévues par la législation des baux commerciaux, laquelle ouvre doit au renouvellement du contrat ou au versement d'une indemnité d'éviction ; que, dans ces conditions, et peu important que le contrat n'ait pas comporté de clause de renouvellement, l'AFTRP a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de la société Stemar ;
Sur le préjudice de la société Stemar :
Considérant, en premier lieu, que la société Stemar fait valoir que le refus de renouvellement du titre d'occupation entraînait la disparition de l'exploitation commerciale et, qu'ainsi, le retrait du titre d'occupation constitue la cause directe de son préjudice matériel consistant, selon elle, en 80% de la valeur du fonds de commerce acquis pour un montant de 32.012 euros ; que, toutefois, la société Stemar, qui, comme il a été dit ci-dessus, n'a jamais été titulaire d'un bail commercial à cet emplacement, n'est pas fondée à demander une indemnité correspondant à la valeur de son fonds de commerce ; que, pour le même motif, elle ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions du décret du 30 septembre 1953 précité relatives à l'indemnité d'éviction ;
Considérant, en revanche, que la circonstance que la société Stemar n'a connu que tardivement la situation juridique réelle dans laquelle elle se trouvait a provoqué dans les conditions de gestion de son établissement des perturbations ; qu'en outre, cette société est fondée à soutenir que, du fait de la faute commise par l'AFTRP, elle a subi un préjudice financier en croyant acquérir en 1998 un droit à un bail commercial et a perdu la garantie d'une plus grande stabilité dans ce local ; que la perte financière occasionnée et la moindre sécurité quant à son maintien dans les lieux, constituent des préjudices actuels présentant un lien de causalité direct et certain avec la faute commise par l'AFTRP ; que toutefois, la société Stemar n'est pas fondée à évaluer le préjudice subi à ce titre à la somme de 100 000 euros, laquelle correspondrait à « une année et demie d'inactivité de la société » ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de la nature et de la taille du commerce et de la durée et des conditions d'exploitation, il sera fait une juste évaluation du préjudice subi par la société Stemar en le fixant à la somme de 10 000 euros ; qu'il suit de là, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise, d'une part, que l'AFTRP est fondée à soutenir qu'en fixant à la somme de 15 000 euros le préjudice subi, le tribunal a fait une évaluation exagérée de l'indemnité due à la société Stemar et, d'autre part, que cette société n'est pas fondée à demander que cette indemnité soit fixée à une somme supérieure ;
Considérant, enfin, que si la société Stemar allègue avoir subi un préjudice de 95 326,40 euros correspondant au paiement de loyers commerciaux versés depuis le mois de septembre 1998, il y a lieu d'écarter ce chef de préjudice par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'AFTRP n'est fondée à demander la réformation du jugement attaqué qu'en tant qu'il l'a condamnée à verser à la société Stemar une somme supérieure à 10 000 euros et que l'appel incident de cette société n'est pas fondé ; que, par voie de conséquence, les conclusions de la société Stemar tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner cette société à verser à l'AFTRP la somme que celle-ci demande au titre de ces mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La somme que l'AGENCE FONCIERE ET TECHNIQUE DE LA REGION PARISIENNE a été condamnée à verser à la société Stemar par l'article 1er du jugement n° 0404880 en date du 4 juillet 2006 du Tribunal administratif de Versailles est ramenée à 10 000 euros.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 4 juillet 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus de conclusions de la requête et l'appel incident de la société Stemar sont rejetés.
N° 06VE01986 2