Vu la requête enregistrée en télécopie le 27 juin 2008 et en original le 1er juillet suivant au greffe de la Cour, présentée pour M. Blaise A, demeurant ..., par Me Cosme ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0802166 en date du 30 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2008 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 février 2008 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. A soutient que l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique le 10 décembre 2007 est insuffisamment motivé et ne lui a pas été préalablement communiqué ; qu'il est atteint d'une hépatite B chronique et a besoin d'une surveillance régulière pour éviter une activation virale qui l'exposerait à de graves complications ; qu'il ne pourrait pas bénéficier de la surveillance médicale appropriée en République démocratique du Congo compte tenu de l'état du système de santé dans ce pays ; que le préfet de l'Essonne a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ; qu'il est entré en France en 2005 et vit en concubinage avec une réfugiée congolaise titulaire d'une carte de résident ; qu' un enfant est né de cette union le 18 novembre 2007 et qu'il subvient à ses besoins ; qu'il n'a plus d'attaches dans son pays d'origine ; qu'il est séparé de son épouse restée en République démocratique du Congo et n'a plus aucun contact avec leur enfant ; que le préfet de l'Essonne a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; que l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit nécessairement emporter celle fixant le pays de renvoi ; que les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi ont méconnu les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
.....................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention internationale des droits de l'enfant ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7-5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 2010 :
- le rapport de M. Bruand, président,
- et les conclusions de M. Dhers, rapporteur public ;
Considérant que M. A, ressortissant congolais né le 26 août 1977, relève appel du jugement du 30 mai 2008 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2008 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixé le pays de destination duquel il sera renvoyé ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne du 14 février 2008 :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrer un titre de séjour :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) ; qu'aux termes de l'article 7-5 du décret du 30 juin 1946 modifié, alors en vigueur : Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet délivre la carte de séjour temporaire, au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé. A Paris, l'avis est émis par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'intégration, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur (...) ; que l'arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l'application de ces dispositions impose au médecin-inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales d'émettre un avis, pris sur le fondement d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays ;
Considérant que l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique le 10 décembre 2007, qui indique distinctement que l'état de santé de M. A nécessite une prise en charge médicale, que le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressé peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, est suffisamment motivé ; que le secret médical interdit au médecin inspecteur de révéler des informations sur la pathologie de l'intéressé et la nature de ses traitements médicaux, fût-ce en portant une appréciation sur l'état du système de soins dans le pays d'origine ; que dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation dudit avis ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet, avant de se prononcer sur la demande présentée par un étranger sur le fondement des dispositions précitées, de lui communiquer l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique ;
Considérant que M. A fait valoir qu'il est atteint d'une hépatite B chronique et que, pour éviter une activation virale qui l'exposerait à de graves complications, il a besoin d'une surveillance régulière dont il ne pourra pas bénéficier en République démocratique du Congo compte tenu de l'état du système de santé dans ce pays ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux établis le 19 mars 2007 par un médecin exerçant au Comité médical pour les exilés de l'hôpital Bicêtre et le 29 mars 2007 par son médecin traitant, que l'hépatite B dépistée en 2005 dont souffre l'intéressé est non active et peu réplicante et ne permet de déceler aucune co-infection par le virus de l'hépatite C, de l'hépatite delta et par le virus HIV et ne nécessite qu'une surveillance régulière sans aucun traitement médicamenteux lourd ; que les certificats médicaux ainsi que les autres documents versés par le requérant, relatifs aux indicateurs généraux de l'Organisation mondiale de la santé et aux conditions générales sanitaires de la République démocratique du Congo, ne permettent pas d'établir que cette surveillance ne pourrait pas, en l'espèce, être assurée dans ce pays ; que par suite, le préfet de l'Essonne n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde et des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; que si M. A soutient qu'il est entré en France en 2005, qu'il vit en concubinage avec une ressortissante congolaise en situation régulière et qu'un enfant est né de cette union le 18 novembre 2007, il n'établit pas la réalité, la stabilité et l'ancienneté du concubinage dont il se prévaut, alors que les intéressés vivent à des adresses différentes, ni qu'il subvient aux besoins de son enfant ; qu'en outre, si le requérant soutient être séparé de son épouse et ne plus avoir de contacts avec son premier enfant qui résident toujours dans leur pays d'origine, il demeurait sur le territoire français depuis au plus trois ans à la date de la décision attaquée et n'établit pas ne plus avoir d'attaches en République démocratique du Congo où il a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans ; que le préfet de l'Essonne n'a, dès lors, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile : (...) L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. ( ...) ; qu'il résulte de ces dispositions que M. A ne peut utilement soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
Considérant qu'il résulte des motifs précédemment exposés que M. A n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité du refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français ;
Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs précédemment exposés, d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfants ainsi que de l'erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de M. A ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. 2. La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolument nécessaire: a. pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ; b. pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue ; c. pour réprimer, conformément à la Loi, une émeute ou une insurrection. ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ; que si M. A soutient qu'en raison de l'état du système de santé en République Démocratique du Congo, il ne pourrait y recevoir des soins appropriés, les éléments invoqués ne permettent pas, compte tenu de ce qui a été précédemment indiqué, d'établir que sa vie serait menacée en cas de retour dans son pays d'origine ; que l'intéressé ne saurait dès lors se prévaloir des stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales protégeant le droit à la vie ; que le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de ladite convention est inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de délivrance de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français, que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire n'est pas fondé ;
Considérant, enfin, que dès lors, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, qu'il n'est pas établi que son retour en République démocratique du Congo aurait pour effet de le priver des soins nécessaires, M. A ne saurait se prévaloir de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales protégeant le droit à la vie ; que si le requérant, dont la demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 25 novembre 2005, confirmée par la commission des recours des réfugiés le 14 février 2007, soutient qu'il craint pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine, il ne produit aucun élément probant de nature à établir la réalité des risques auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de M. A, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions présentées à ce titre par M. A ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. A la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
''
''
''
''
N° 08VE01964 2