Vu la requête, enregistrée le 26 janvier 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société GCE ASSURANCES, venant aux droits de la société Union Européenne d'assurance, dont le siège social est situé 5, rue Masseran, à Paris (75007), par Me Gravé ; la société GCE ASSURANCES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0700443 du 25 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser, en sa qualité d'assureur subrogé dans les droits de la société HLM SCIC Habitat Ile-de-France, la somme de 37 927,48 euros, somme majorée des intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2006, en réparation du préjudice résultant des dommages causés par l'incendie d'un immeuble situé dans la commune d'Epinay-sur-Seine, dans la nuit du 4 au 5 novembre 2005 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 37 927,48 euros à titre de dommages et intérêts ;
3°) de dire que les indemnités seront majorées des intérêts légaux à compter de la demande préalable du 14 septembre 2006 ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que les conditions de mise en oeuvre de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales pour l'engagement de la responsabilité de l'Etat sont réunies ; que la responsabilité pour faute de l'Etat doit être engagée, les services de police ayant failli à leur mission ; qu'en toute hypothèse, la responsabilité sans faute de droit commun de l'Etat est engagée, les dommages subis étant la conséquence directe et certaine de faits imputables à l'administration et les préjudices qu'elle a subis présentant manifestement un caractère anormal et spécial ; qu'elle doit donc être remboursée de la somme de 37 927,48 euros, en sa qualité d'assureur subrogé dans les droits de son assurée, la société HLM SCIC Habitat Ile-de-France ;
...........................................................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales, notamment son article L. 2216-3 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juillet 2010 :
- le rapport de Mme Tandonnet-Turot, président,
- les conclusions de Mme Kermorgant, rapporteur public,
- et les observations de Me Gravé, avocat de la société GCE ASSURANCES ;
Considérant que la société GCE ASSURANCES fait appel du jugement du 25 novembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 37 927,48 euros, somme majorée des intérêts au taux légal à compter de la demande préalable du 14 septembre 2006, en réparation des préjudices résultant pour elle, en sa qualité d'assureur subrogé dans les droits de la société HLM SCIC Habitat Ile-de-France, des dommages causés par l'incendie d'un immeuble à Epinay-sur-Seine, dans la nuit du 4 au 5 novembre 2005 ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales : L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens. Il peut exercer une action récursoire contre la commune lorsque la responsabilité de celle-ci se trouve engagée. ; que l'application de ces dispositions est subordonnée à la condition que les dommages dont l'indemnisation est demandée résultent de manière directe et certaine de crimes ou délits commis par des rassemblements ou attroupements précisément identifiés ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans la nuit du 4 au 5 novembre 2005, des dommages ont été causés par l'incendie d'un immeuble appartenant à la société HLM SCIC Habitat Ile-de-France, dans la commune d'Epinay-sur-Seine ; que la circonstance que ces faits se sont déroulés au cours du mois de novembre 2005, durant lequel des violences urbaines ont pu être commises en attroupement dans certaines communes, ne suffit pas à établir que les agissements à l'origine des dommages en cause ont été spontanés et commis par un attroupement au sens de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales, dès lors que ces actes de vandalisme, qui ont été commis par des individus isolés, ont eu lieu plusieurs jours après le rassemblement de population du 27 octobre 2005 organisé en réaction immédiate au décès de deux adolescents ; qu'en outre, il n'est pas démontré que l'action à l'origine de ces dommages soit en relation directe et certaine avec un attroupement ou un rassemblement identifié ayant eu lieu dans la commune ou à proximité ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a estimé que les dommages allégués ne pouvaient donner lieu à réparation sur le fondement des dispositions de l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales ;
Considérant, en deuxième lieu, que, si la requérante soutient que l'Etat, notamment en attendant treize jours pour décréter l'état d'urgence, a commis une faute lourde dans la gestion des évènements du dernier trimestre de 2005, elle n'établit pas en quoi ce délai pourrait constituer une faute, alors que des mesures avaient été prises antérieurement pour essayer d'enrayer ces violences et que, compte tenu de leur ampleur croissante malgré ces mesures, l'Etat a décrété l'état d'urgence, le 8 novembre 2005 ; qu'en outre, si elle fait valoir que l'Etat a commis des erreurs dans la gestion de ces évènements, ces erreurs ne sont pas, compte tenu des circonstances de l'espèce, constitutives d'une faute de nature à engager la responsabilité de
l'Etat ; qu'enfin, elle n'établit pas que, dans la commune d'Epinay-sur-Seine, le préfet aurait manqué à ses obligations en matière de police ; que, dès lors, la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée sur le fondement de la responsabilité pour faute ;
Considérant, en troisième lieu, qu'en se bornant à soutenir que l'Etat a manqué à ses obligations en matière de police en laissant se développer une situation insurrectionnelle depuis le mois d'octobre 2005, la société GCE ASSURANCES ne saurait démontrer l'existence d'une faute des autorités de police commise dans l'exercice de leur mission pour assurer la sécurité des biens ; que, par suite, l'Etat n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité en ne prenant pas de mesures adéquates pour prévenir cet incendie ;
Considérant, enfin, que la mise en oeuvre de la responsabilité sans faute de l'Etat est subordonnée à la condition que le dommage résulte d'une décision administrative régulière ou d'une inaction justifiée des autorités chargées d'assurer le maintien de l'ordre ; qu'il résulte de l'instruction que les autorités investies du pouvoir de police ne se sont pas abstenues d'agir mais ont été placées dans l'impossibilité matérielle d'intervenir efficacement ; qu'ainsi, l'existence d'un lien de causalité entre les dommages dont la société requérante demande réparation et le fait de l'administration n'étant pas établie, la responsabilité sans faute de l'Etat pour rupture d'égalité devant les charges publiques ne saurait se trouver engagée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société GCE ASSURANCES n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D E C I D E
Article 1er : La requête de la société GCE ASSURANCES, venant aux droits de la société Union Européenne d'assurance, est rejetée.
''
''
''
''
N° 09VE001982