Vu la requête, enregistrée le 29 mai 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Bernard A, demeurant ..., par Me Blettery, avocat à la Cour ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0510895 en date du 31 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1999 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le principe du contradictoire et les droits de la défense n'ont pas été respectés dès lors que la notification de redressements du 19 octobre 2001 n'était pas suffisamment motivée en droit, les dispositions des articles L. 10, L. 55 et L. 57 du livre des procédures fiscales n'étant pas rappelées ; que la SA Daubignard a toujours contesté la méthode retenue par l'administration pour l'évaluation des terrains qu'elle a acquis ; qu'il n'a pas été informé par l'administration des conséquences induites par son acceptation finale de cette méthode sur les règles de dévolution de la charge de la preuve, et que cette omission constitue une faute lourde commise par l'administration ; qu'en outre, les dispositions du 2° de l'article 102-1 du code général des impôts n'étaient pas applicables dès lors qu'il n'a pas eu la disposition des sommes correspondant au prix de vente des terrains cédés ; qu'en effet, la SA Daubignard, dont il était associé, était en situation de cessation de paiement et ne pouvait, dès lors, assurer le paiement des sommes figurant sur son compte courant ; que les difficultés financières chroniques de cette société ont ainsi rendu les sommes en cause indisponibles ; qu'il a cédé à la SA Daubignard les terrains lui appartenant dans le seul but de sauvegarder cette société ainsi que les emplois ; que l'administration ne démontre pas la volonté délibérée de la société d'accorder à son président un avantage occulte ni l'intérêt pour elle de payer à un prix surévalué les terrains litigieux ; que la réalité et le sérieux de la promesse de vente n'ont pas été contestés par l'administration ; que celle-ci ne pouvait, dès lors, se fonder sur les dispositions du c) de l'article 111 du code général des impôts, l'opération dont s'agit ne revêtant pas un caractère occulte ; que l'administration ne peut invoquer la compensation légale ;
.............................................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 janvier 2011 :
- le rapport de Mme Riou, premier conseiller,
- les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public,
- et les observations de Me Blettery, pour M. A ;
Considérant que la SA Daubignard, dont M. A était le président directeur général et associé, a acquis en 1999 deux terrains appartenant respectivement au requérant et à la SCI Ro-ber-Jac, dont le requérant était également associé à hauteur de 98 % des parts sociales ; que dans le cadre de la vérification de la comptabilité de la SA Daubignard, l'administration a estimé que le prix de vente de ces terrains était surévalué pour des montants ramenés à 315 000 F et à 1 673 766 F, dans le cadre d'une procédure de conciliation avec ladite société ; qu'à l'issue de cette vérification et du contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. A, l'administration estimant que la différence entre la valeur vénale réelle des terrains cédés par le requérant et par la SCI et le montant acquitté par la SA Daubignard, constituait un avantage occulte au sens du c) de l'article 111 du code général des impôts, a, de ce fait, imposé cet avantage entre les mains du requérant au titre de l'année 1999 dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, à hauteur également de la quote-part détenue par l'intéressé dans le capital social de la SCI Ro-Ber-Jac ; que M. A relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a refusé de le décharger des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti à ce titre ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, que la citation des dispositions de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales ne s'imposait pas à l'administration dès lors que la notification de redressements en date du 19 octobre 2001, adressée au requérant, mentionne expressément l'application de la procédure de redressement contradictoire ; qu'il en va de même s'agissant des dispositions des articles L. 10 et L. 57 du livre des procédures fiscales dont la mention n'était pas nécessaire à la compréhension, par l'intéressé, des redressements litigieux ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que M. A a expressément accepté les redressements litigieux, par lettre du 19 novembre 2001 ; qu'ainsi que l'ont relevé, à juste titre, les premiers juges, aucun texte n'imposait à l'administration d'indiquer dans la notification de redressements adressée au requérant les règles de dévolution de la charge de la preuve prévues par les dispositions de l'article R. *194-1 du livre des procédures fiscales ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe des droits de la défense doit, dès lors, être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressements en date du 19 octobre 2001 mentionne les motifs qui ont justifié les rehaussements des bénéfices de la SA Daubignard, les conséquences financières de ces rehaussements sur les associés de celle-ci, ainsi que le montant des redressements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus concernée ainsi que l'année d'imposition ; que, par suite, elle était suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : Sont notamment considérés comme revenus distribués (...) c) les rémunérations et avantages occultes ;
Considérant qu'en cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées du c) de l'article 111 du code général des impôts, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du co-contractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause ; que la preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le co-contractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession ;
Considérant que l'administration a relevé que la SA Daubignard avait acquis en août 1999 les parcelles cadastrées C 3403 et C 3368 situées sur le territoire de la commune de Neuilly-Plaisance appartenant respectivement au requérant et à la SCI Ro-Ber-Jac, pour des prix au mètre carré de 3 112 F hors taxes et 2 550 F hors taxes, alors que les prix pratiqués, pour des terrains comparables, sur le territoire de cette commune, étaient de l'ordre de 1 400 F hors taxes et 1 989 F hors taxes ; que la majoration du prix de cession de ces terrains par rapport à la valeur vénale de ces derniers a été évaluée à 29 % et 28,5 % ; que, d'une part, le requérant n'apporte aucun élément probant de nature à remettre en cause les termes de comparaison et l'évaluation ainsi opérée par l'administration ; que, d'autre part, s'il soutient que la cession de ces terrains était justifiée notamment par la sauvegarde des emplois de la SA Daubignard, qui était en cessation de paiement, cette allégation n'est pas corroborée par les pièces du dossier ; qu'il est constant qu'existait une communauté d'intérêt entre le requérant et la société, dont il était le président directeur général et l'associé et, qu'en tout état de cause, à supposer que cette société aurait été en difficulté, le requérant ne justifie pas l'avantage qu'aurait retiré celle-ci à acquérir des terrains à un prix excessif ; que la nature et la valeur de l'avantage ainsi constitué par l'écart de prix constaté par l'administration, dont la contrepartie n'était pas justifiée, n'a pas davantage été inscrite explicitement en comptabilité ; qu'enfin, l'administration soutient sans être sérieusement contredite que la promesse de vente des terrains initialement établie en 1998 avec un tiers mentionnait des prix toutes taxes comprises et non hors taxes comme l'allègue le requérant ; qu'il suit de là que dès lors que le prix de cession des terrains dont s'agit était nettement inférieur à leur valeur vénale, que le vendeur de ces terrains avait délibérément consenti à l'acheteur une libéralité et que la comptabilité de la société n'individualise pas cette libéralité, l'administration établit l'existence d'un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfice au sens des dispositions précitées du c) de l'article 111 du code général des impôts ;
Considérant, en second lieu, que, d'une part, l'inscription de sommes à un compte courant d'associé vaut, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, distribution à son profit ; que, d'autre part, il résulte des dispositions combinées des articles 12 et 156 du code général des impôts que les sommes a retenir, au titre d'une année déterminée, pour l'assiette de l'imposition à l'impôt sur le revenu, sont celles qui, au cours de ladite année, ont été mises à la disposition du contribuable soit par voie de paiement, soit par voie d'inscription à un compte courant sur lequel l'intéressé a opéré, ou aurait pu, en droit ou en fait, opérer un prélèvement au plus tard le 31 décembre ; que la présomption de distribution susmentionnée ne peut être écartée que si le contribuable établit qu'il était dans l'impossibilité juridique de prélever cette somme ou que la situation de trésorerie de la société rendait tout prélèvement financièrement impossible ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la somme de 315 000 F a été inscrite au crédit du compte courant n° 451 000 dont M. A était titulaire sans les écritures de la SA Daubignard et qu'une somme de 1 673 766 F a été inscrite au crédit du compte courant ouvert au nom de la SCI Ro-Ber-Jac, dont le requérant était le principal associé, dans les écritures de la SA Daubignard soit au total une somme de 1 988 766 F ; qu'alors même que les résultats de la SA Daubignard étaient déficitaires, la trésorerie globale de cette société s'élevait à la somme de 1 488 685 F correspondant à l'addition, d'une part, du solde débiteur des comptes de la classe 5, soit 405 941 F pour le compte 50600 obligations et 1 274 509 F pour les disponibilités bancaires - sous déduction d'un montant de 325 436 F correspondant aux seules dettes bancaires, à l'exclusion des dettes fiscales et sociales - et d'autre part, du solde du compte 275 dépôt et cautionnement pour un montant de 133 671 F ;
Considérant, toutefois, que M. A fait cependant valoir que les sommes inscrites au compte Bred promotion correspondaient aux dépôts de garantie et aux versements opérés par les acquéreurs de lots dans le cadre d'un immeuble d'habitation vendu en vente en l'état futur d'achèvement (VEFA), dont la SA Daubignard avait assuré la construction, et qu'il ne pouvait disposer librement de ces fonds ; qu'il fournit en appel les contrats de réservation correspondants à ces lots, les attestations notariales concernant la vente effective des lots concernés, intervenue partiellement au cours de l'année d'imposition ainsi que le contrat de garantie d'achèvement VEFA conclu le 13 août 1999 entre la Bred Banque populaire et la SA Daubignard, constructeur, dont l'article VII concernant la centralisation financière stipule que Le constructeur s'oblige à centraliser tous les mouvements de fonds relatifs à l'opération de construction dont il s'agit, à la BRED Banque populaire, et à verser au compte ouvert à cet effet, tous les fonds lui parvenant au titre des versements des acquéreurs, prêts ou avances quelconques (...) Les fonds déposés à ce compte devront être exclusivement utilisés pour la réalisation de l'immeuble (...). La BRED Banque populaire se reconnaissant le droit d'exiger du constructeur les justificatifs des règlements effectués. De même, les fonds susceptibles d'être mis à la disposition du constructeur par la BRED Banque populaire, au titre du présent engagement, ne pourront être utilisés que pour la réalisation du programme en conformité avec l'avancement des travaux, à la demande du constructeur et au vu de situations de travaux visées par l'architecte ; qu'en outre, M. A produit la copie de relevés du compte Bred promotion correspondant à la période du 1er juillet au 31 décembre 1999 mentionnant les prélèvements de fonds opérés du compte Bred promotion au profit du compte Bred exploitation pour la réalisation du chantier, la copie de reçus de chèques notariés et du compte faisant apparaître les encaissements enregistrés par le notaire émanant des acquéreurs ainsi que les versements opérés par le notaire sur le compte spécial Bred promotion ; que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, M. A justifie avoir été dans l'impossibilité juridique et matérielle de prélever les sommes inscrites au crédit des comptes courants d'associé susmentionnés, à hauteur du solde du compte Bred promotion au 31 décembre 1999, soit 1 260 570 F (192 172,66 euros) ; que cette somme doit être déduite du montant de 1 488 685 F (226948,57 euros) susmentionné correspondant à la trésorerie de l'entreprise ; qu'il y a lieu également de déduire de ce montant la somme de 133 671 F correspondant au compte 275 dépôts et cautionnements qui n'était pas davantage disponible ; qu'ainsi, la trésorerie réellement disponible de la société s'élevait au 31 décembre 1999 à 94 436 F soit 14 396 euros ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est seulement fondé à demander la réformation, dans cette mesure, du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise qu'il attaque ; qu'en revanche, il demeure imposable à raison de la somme de 14 396 euros, au titre de l'année 1999, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers du c) de l'article 111 du code général des impôts ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La base imposable assignée à M. A au titre de l'année 1999, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers du c) de l'article 111 du code général des impôts est ramenée à 14 396 euros (94 436 F).
Article 2 : M. A est déchargé de la différence entre le montant d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auquel il a été assujetti au titre de l'année 1999 et celui qui résulte de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement en date du 31 mars 2009 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. A une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.
''
''
''
''
N° 09VE01781 2