Vu la requête, enregistrée le 26 novembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SAS LRMD, dont le siège social est 14-16 rue Marc Bloch à Clichy (92110), représentée par la SA Monoprix, et venant aux droits de la société anonyme SMP, par Me Jean-Marie Fasquel, avocat à la Cour ; la SAS LRMD demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0811547 en date du 16 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution des droits de taxe sur les achats de viande auxquels elle a été assujettie du 1er au 31 décembre 2001, soit la somme de 9 457 euros, et du 1er janvier au 31 décembre 2002, soit la somme de 107 157 euros, et du 1er janvier au 31 décembre 2003, soit la somme de 105 752 euros ;
2°) de prononcer la restitution des droits en litige ;
Elle soutient que les dispositions du droit national sur la taxe sur les achats de viande méconnaissent l'article 88-3 du traité instituant la Communauté européenne, dès lors, d'une part, que la France n'a pas informé la Commission européenne de l'instauration de l'aide par la loi n° 96-1139 du 26 novembre 1996 et de sa modification par la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 et, d'autre part, qu'en dépit de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, cette taxe continue à financer le service public de l'équarrissage ; que ce lien est notamment révélé par l'intention du législateur, par la circonstance que la taxe est enregistrée en tant que telle dans les recettes de l'Etat et par l'absence d'écart significatif entre le produit de la taxe et les dépenses du service public d'équarrissage ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code rural ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 ;
Vu la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 ;
Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000, notamment son article 35 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 septembre 2011 :
- le rapport de Mme Signerin-Icre, président assesseur,
- et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne : Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité : 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ;
Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;
Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;
Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural a inséré dans le code général des impôts un article 302 bis ZD instituant, à compter du 1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viande, dont le produit était affecté à un fonds faisant l'objet d'une comptabilité distincte, ayant pour objet de financer la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, activités correspondant au service public de l'équarrissage défini à l'article 264 du code rural en vigueur au cours des années d'imposition en litige ; que le II de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 de finances rectificative pour 2000, entré en vigueur le 1er janvier 2001, a limité à la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000 l'affectation de la taxe sur les achats de viande au fonds mentionné ci-dessus ; qu'en conséquence, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de dispositions prévoyant l'affectation de cette taxe, celle-ci est devenue une recette du budget général de l'Etat ; qu'à compter de cette même date, le service public de l'équarrissage a été financé au moyen d'une dotation inscrite au budget général de l'Etat ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux parlementaires dont est issu l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage ; que la taxe sur les achats de viande n'entrant pas, ainsi, à compter du 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, la SAS LRMD ne peut invoquer, au soutien de sa demande en restitution de l'imposition en litige, une éventuelle méconnaissance par les autorités françaises, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, des obligations qu'imposent la première et la dernière phrase du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 302 bis ZD du code général des impôts, alors applicable : I. Il est institué, à compter du 1er janvier 1997, une taxe due par toute personne qui réalise des ventes au détail de viandes et de produits énumérés au II. / II. La taxe est assise sur la valeur hors taxe sur la valeur ajoutée des achats de toutes provenances : / a) de viandes et abats, frais ou cuits, réfrigérés ou congelés, de volaille, de lapin, de gibier ou d'animaux des espèces bovine, ovine, caprine, porcine et des espèces chevaline, asine et de leurs croisements ; / b) de salaisons, produits de charcuterie, saindoux, conserves de viandes et abats transformés, et autres produits à base de viande ; / c) d'aliments pour animaux à base de viandes et d'abats. / III. Les entreprises dont le chiffre d'affaires de l'année civile précédente est inférieur à 5 000 000 F hors taxe sur la valeur ajoutée sont exonérées de la taxe (...) ; qu'à compter du 1er janvier 2002, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, le seuil de l'exonération prévue au III de l'article 302 bis ZD du code général des impôts a été fixé à 763 000 euros hors taxe ;
Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que les redevables d'une taxe ne sauraient exciper de ce que l'exonération dont bénéficient d'autres entreprises constitue une aide d'Etat pour se soustraire au paiement de cette taxe ou pour en obtenir la restitution lorsque la taxe et l'exonération de ladite taxe en faveur de certains contribuables n'ont pas pour objet de modifier les conditions de concurrence entre les opérateurs assujettis et les opérateurs exonérés ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 302 bis ZD du code général des impôts que la taxe qu'elles instituent constitue une taxe générale sur les achats de viande et de produits à base de viande destinés à la consommation humaine et animale, due par toutes les personnes qui réalisent des ventes au détail de viande et de ces produits et ne constitue pas une taxe spécifique pesant sur une catégorie limitée d'opérateurs économiques ; que si ces mêmes dispositions prévoient une exonération au profit des assujettis dont le chiffre d'affaires est inférieur à un seuil, cette exonération n'a ni pour objet, ni pour effet de limiter le champ des assujettis à une catégorie d'opérateurs en concurrence directe avec les bénéficiaires de cette exonération ; que, dans ces conditions, la société requérante ne saurait, pour obtenir la restitution de la taxe dont elle s'est acquittée, exciper de ce que l'exonération dont bénéficient d'autres entreprises constituerait une aide d'Etat ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS LRMD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;
DECIDE
Article 1er : La requête de la SAS LRMD est rejetée.
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N° 10VE03744 2