Vu la requête, enregistrée le 19 avril 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SARL STEALTH, dont le siège est 7 avenue Pierre Métairie à Rambouillet (78120), par Me Guilloux, avocat à la Cour ;
La SARL STEALTH demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0708935 du 16 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1999 et 2000 et des pénalités correspondantes et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er octobre 1998 au 30 septembre 2001 et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que l'administration fiscale a engagé la vérification de sa comptabilité le 6 août 2001, avant de lui avoir envoyé un avis de vérification, ce qui n'a été fait que le 16 juillet 2002 ; qu'en effet, suite à la lettre du 24 juillet 2001 de M. Philippe Courroye, juge d'instruction, informant l'administration fiscale que la procédure n° 40/00/P0019292016 avait révélé des versements d'espèces au profit de M. Sylvain A, celle-ci a consulté le dossier d'instruction le 6 août 2001 et a opéré un rapprochement entre les informations recueillies auprès du juge d'instruction et les déclarations fiscales ; que l'imposition des sommes litigieuses ne la concerne pas mais M. A, comme l'a reconnu le Tribunal administratif pour la période allant du mois de décembre 1999 au mois de juin 2000 ; que M. A n'a pas appréhendé la totalité des 25 000 F mensuels reçus en espèces de la société Brenco, mais n'en a conservé qu'une moyenne mensuelle de 12 500 F, le surplus étant utilisé à régler les différents frais inhérents aux missions qui lui étaient confiées ; que les pièces justificatives de ces frais seront produits ultérieurement ; qu'en tout état de cause, si ces sommes devaient être réintégrées dans ses recettes, ces frais devraient être déduits des bénéfices imposables ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 septembre 2011 :
- le rapport de M. Tar, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public ;
Considérant, d'une part, que la SARL STEALTH, qui exerce une activité de protection de personnes physiques, relève régulièrement appel du jugement en date du 16 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles n'a que partiellement fait droit à sa demande de décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos au cours des années 1999 et 2000 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée prononcés au titre de la période allant du 1er octobre 1998 au 30 septembre 2001 ; que, d'autre part, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat demande à la Cour, par la voie du recours incident, la réformation du jugement en tant que celui-ci à réduit les bases d'imposition de la SARL STEALTH à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos au cours de l'année 1999 ;
Sur les conclusions de la SARL STEALTH :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'il résulte de la notification de redressements, en date du 20 novembre 2002 adressée à la SARL STEALTH et consécutive à la vérification de comptabilité opérée pour la période allant du 1er octobre 1998 au 30 septembre 2001, que l'administration fiscale a été destinataire de renseignements émis par l'autorité judiciaire le 24 juillet 2001 qui révélaient des versements d'espèces au profit de M. Sylvain A, gérant et unique salarié de la SARL STEALTH et que ses consultations du dossier établi par l'autorité judiciaire les 6 août 2001, 17 janvier 2002 et 19 septembre 2002 ont confirmé ces renseignements ; que si elle a déduit de ces renseignements l'existence de recettes non déclarées de la SARL STEALTH, elle est arrivée à cette conclusion sans procéder à un examen critique de la comptabilité de cette société ni la confronter avec ses déclarations fiscales, dès lors qu'il ressort des déclarations de M. A, consignées dans le procès-verbal d'interrogatoire du 17 décembre 2001, que les sommes en cause n'avaient pas été déclarées ; qu'ainsi, l'exercice par l'administration fiscale de son droit de communication ne traduit pas l'engagement d'une vérification de comptabilité opérée avant l'envoi de l'avis de vérification de comptabilité, lequel a été notifié le 17 juillet 2002 ; que dès lors, la SARL STEALTH n'est pas fondée à soutenir que les garanties attachées à la procédure de vérification de comptabilité n'auraient pas été respectées ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
Considérant que les impositions litigieuses résultent de la réintégration par l'administration fiscale de recettes, non comptabilisées par la SARL STEALTH, pour un montant de 1 110 000 F (169 218,41 euros) au titre de l'exercice allant du 1er octobre 1998 au 30 septembre 1999 et pour un montant de 355 000 F (54 119,40 euros) au titre de l'exercice allant du 1er octobre 1999 au 30 septembre 2000 ; qu'il résulte de l'instruction que ces sommes correspondent, d'une part, à des versements en liquide que M. Sylvain A, associé, gérant et unique salarié de la SARL STEALTH reconnaît avoir reçu des mains de M. Pierre-Joseph Falcone, dirigeant de la société Brenco France et de Mme Delubac, employée de cette même société et, d'autre part, à un dépôt d'espèces effectué le 25 août 1999 sur un compte personnel de M. A, pour un montant de 30 000 F (4 573,47 euros) et qui proviendrait selon ce dernier de clients étrangers ;
Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'il ressort des énonciations d'un jugement du 27 octobre 2009 du Tribunal de grande instance de Paris, qu'a été signé le 15 octobre 1996 un accord entre la société Brenco France et la SARL STEALTH ayant pour objet la protection des personnes physiques, la mise à disposition de véhicules avec chauffeurs et l'audit en matière de sécurité ; que la SARL STEALTH n'a mis un terme aux prestations au profit de Brenco France découlant de ce contrat qu'à la fin de l'année 2000 ; que M. A a reconnu, dans un procès-verbal d'interrogatoire, avoir assuré des prestations de garde du corps et de chauffeur au bénéfice de M. Falcone entre l'année 1996 et l'année 2000 ; que ces prestations ont été réglées au moyen de remises d'espèces de M. Falcone ou de Mme Delubac à M. A, lequel a précisé que ces sommes correspondaient à des compléments de rémunération ou à des missions de protection rapprochée de M. Falcone qui ne devaient pas apparaître en comptabilité et s'ajoutaient aux virements bancaires effectués par la société Brenco Trading Ltd en règlement de factures émises par la SARL STEALTH ;
Considérant, d'autre part, que la SARL STEALTH n'établit ni même n'allègue que M. A aurait accompli la moindre démarche administrative en vue d'exercer une activité de garde du corps ou de chauffeur à titre personnel, hors du cadre de la société ; qu'en admettant que la décision par laquelle M. A est devenu le chauffeur de M. Falcone résulte d'un accord verbal entre les intéressés, il ne résulte pas de l'instruction que cet accord aurait été entendu comme se plaçant hors du cadre du contrat liant la société Brenco France et la SARL STEALTH ; qu'ainsi, nonobstant la circonstance que les sommes versées par des représentants de la société Brenco France à M. A n'ont jamais transité par les comptes de la SARL STEALTH, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que ces sommes n'ont pas le caractère de recettes relevant d'elle, mais correspondraient à la rémunération de M. A pour des activités exercées à son propre compte ;
Considérant, en revanche, qu'il ne résulte de l'instruction aucun élément de fait permettant de donner à la somme de 30 000 F (4 573,47 euros), qui n'apparaît que sur un compte personnel de M. A, le caractère d'une recette de la SARL STEALTH ; qu'ainsi, cette société est fondée à soutenir que cette somme doit être regardée comme relevant d'activités exercées par M. A pour son propre compte et ne peut être imposée comme une recette qu'elle aurait dû comptabiliser ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ; qu'il appartient au contribuable, pour l'application de ces dispositions, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts, que du principe même de leur déductibilité ; qu'en faisant état des aveux de M. A, recueillis dans le cadre d'une instance pénale, selon lesquels il a reçu, du mois de décembre 1999 au mois de juin 2000, des versements en liquide de 25 000 francs (3 811,23 euros) par mois, en contrepartie de ses prestations de service de chauffeur de M. Falcone, l'administration fiscale établit qu'elle pouvait réintégrer les sommes correspondantes dans le bénéfice de la SARL STEALTH ; qu'en se bornant à affirmer que M. A aurait reversé une partie de ces sommes à un autre chauffeur et employé une autre partie pour régler en espèces la location de véhicules et à annoncer, mais sans les produire, des pièces justificatives de ces dépenses, la SARL STEALTH n'apporte aucun élément précis portant sur la nature des charges qu'elle aurait supportées ou sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'elle en aurait retirée ; que, toutefois, eu égard aux conditions dans lesquelles la SARL STEALTH exerçait l'activité litigieuse et notamment à la circonstance, non contestée par l'administration fiscale, d'une part, que les véhicules mis à disposition de M. Falcone étaient loués à des sociétés tierces et, d'autre part, que M. A n'était pas seul à assurer la conduite de ces véhicules, en refusant de retenir un taux de charges pour cette activité, l'administration fiscale a exagérément imposé la société requérante ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de ce taux de charges en le fixant à 30 % des recettes supplémentaires ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL STEALTH est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande, en tant qu'elle tendait à la réduction, à hauteur de 30 000 F (4 573,47 euros), taxe sur la valeur ajoutée comprise, de ses recettes imposables, d'une part à l'impôt sur les sociétés au titre de son exercice clos le 30 septembre 1999 et d'autre part à la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de la période allant du 1er octobre 1998 au 30 septembre 1999, et en tant qu'il n'a pas réduit son bénéfice net imposable à l'impôt sur les sociétés pour son exercice clos le 30 septembre 2000 en retenant un taux de charges de 30 % sur ses recettes imposables de 25 000 F (3 811,23 euros) par mois entre le mois de décembre 1999 et juin 2000 ;
Sur le recours incident :
Considérant, en premier lieu, qu'en constatant que l'intégralité des 90 000 F (13 720,41 euros) par mois qui avaient été versés en espèces à M. A entre le mois de novembre 1996 et le mois de novembre 2000, ne lui avait pas directement profité, mais servait en majeure partie à payer la location de véhicules, à rémunérer les agents de sécurité qui travaillaient avec lui et à régler les frais de mission, tels que les repas, l'essence ou le stationnement, le Tribunal de grande instance de Paris n'a pas énoncé un motif qui serait le soutien nécessaire de la décision par laquelle il a déclaré M. A coupable du délit de recel de la somme de 4 320 000 F (658 579,75 euros), correspondant à la totalité de la somme de 90 000 F (13 720,41 euros) par mois sur cette période de quatre ans ; qu'ainsi, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés, en invoquant l'autorité absolue de la chose jugée, sur ces constatations pour établir l'existence de charges, engagées dans le but d'assurer des prestations fournies par la SARL STEALTH et déductibles de son résultat imposable ; que la SARL STEALTH n'a invoqué, ni en première instance ni en appel, d'autre moyen pour contester le chef de redressement dont il s'agit que celui tiré de l'existence de telles charges et les moyens déjà écartés lors de l'examen des conclusions de l'appel principal ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts : Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ; qu'il appartient au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que du principe même de leur déductibilité ; qu'il est constant que la SARL STEALTH ne produit, hormis les déclarations de M. A, aucun élément précis portant sur la nature des charges qu'elle aurait supportée ou sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'elle en a retirée ; que, toutefois, pour les mêmes raisons que précédemment, il convient de retenir un taux de charges de 30 % sur les recettes supplémentaires de la SARL STEALTH, perçues à hauteur de 90 000 F (13 720,41 euros) par mois entre le mois d'octobre 1998 et le mois de novembre 1999 ; qu'ainsi, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 16 février 2010, le Tribunal administratif de Versailles a décidé une réduction des bases d'imposition de la SARL STEALTH qui excède celle résultant de ce taux de charges ;
Considérant, d'une part, que comme le fait valoir le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée dus par la SARL STEALTH au titre de la période allant du 1er octobre 1999 au 30 septembre 2000 doivent être calculés sur une base de recettes supplémentaires soumises à la taxe sur la valeur ajoutée de 355 000 F, soit 54 119 euros, taxe sur la valeur ajoutée comprise, ce qui correspond à des bases hors taxe de 35 394 euros au titre de la période allant du 1er octobre 1999 au 31 mars 2000 (taux à 20,6%) et de 9 560 euros au titre de la période allant du 1er avril 2000 au 30 septembre 2000 (taux à 19,6%) ; que, d'autre part, il résulte de tout ce qui précède que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée dus par la SARL STEALTH au titre de la période allant du 1er octobre 1998 au 30 septembre 1999 doivent être calculés sur une base de recettes supplémentaires soumises à la taxe sur la valeur ajoutée de 1 080 000 F, soit 164 645 euros, taxe sur la valeur ajoutée comprise, ce qui correspond à un montant de 136 522 euros hors taxe ; que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés dues par la SARL STEALTH au titre de son exercice clos le 30 septembre 1999 doivent être calculés sur une base résultant de produits supplémentaires pour un montant de 1 080 000 F, soit 164 645 euros, taxe sur la valeur ajoutée comprise, dont il convient de déduire des charges à proportion de 30% ; que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés dues par la SARL STEALTH au titre de son exercice clos le 30 septembre 2000 doivent être calculés sur une base résultant de produits supplémentaires pour un montant de 355 000 F, soit 54 119 euros, taxe sur la valeur ajoutée comprise, dont il convient de déduire des charges à proportion de 30 % ;
Sur l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application de ces dispositions, une somme au titre des frais exposés par la SARL STEALTH et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Les bases d'imposition des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dus par la SARL STEALTH sont fixées à 136 522 euros au titre de la période allant du 1er octobre 1998 au 30 septembre 1999.
Article 2 : Les bases d'imposition des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dus par la SARL STEALTH sont fixées à 35 394 euros au titre de la période allant du 1er octobre 1999 au 31 mars 2000 (taux à 20,6 %) et à 9 560 euros au titre de la période allant du 1er avril 2000 au 30 septembre 2000 (taux à 19,6 %).
Article 3 : La SARL STEALTH est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée prononcés au titre de la période allant du 1er octobre 1998 au 30 septembre 1999 à hauteur de la réduction de bases résultant de l'article 1 ci-dessus.
Article 4 : La somme de 116 821 euros est réintégrée dans les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés du par la SARL STEALTH au titre de son exercice clos le 30 septembre 1999.
Article 5 : La cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés due par la SARL STEALTH au titre de son exercice clos le 30 septembre 1999 est rétablie, à hauteur de la différence entre les bases, telles qu'elles résultaient du dispositif du jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 16 février 2010 et telles qu'elles résultent de l'article 4 ci-dessus.
Article 6 : La somme de 34 669 euros est réintégrée dans les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés du par la SARL STEALTH au titre de son exercice clos le 30 septembre 2000.
Article 7 : La SARL STEALTH est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés due au titre de son exercice clos le 30 septembre 2000 à hauteur de la différence de bases entre celles résultant du dispositif du jugement du Tribunal administratif de Versailles et date du 16 février 2010 et celles résultant de l'article 6 ci-dessus.
Article 8 : Le surplus des conclusions de la SARL STEALTH et du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat est rejeté.
Article 9 : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 16 février 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
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N° 10VE01180