Vu la requête, enregistrée le 19 avril 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Sylvain A, demeurant ..., par Me Guilloux, avocat à la Cour ;
M. A demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0709179 du 16 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles son épouse et lui ont été assujettis au titre des années 1999, 2000 et 2001 et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires mises à leur charge au titre des années 1999 et 2000 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que l'administration fiscale a engagé l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle le 6 août 2001, avant de lui avoir envoyé un avis de vérification, ce qui n'a été fait que le 14 janvier 2002 ; qu'en effet, suite à la lettre du 24 juillet 2001 de M. Philippe Courroye, juge d'instruction, informant l'administration fiscale que la procédure n° 40/00/P0019292016 avait révélé des versements d'espèces à son profit, l'administration fiscale a consulté le dossier d'instruction le 6 août 2001 et a opéré un rapprochement entre les informations recueillies auprès du juge d'instruction et ses déclarations fiscales ; que l'imposition des sommes litigieuses ne concerne pas la SARL Stealth mais lui seul, comme l'a reconnu le Tribunal administratif pour la période allant du mois de décembre 1999 au mois de juin 2000 et qu'en conséquence, elle ne relève pas de la catégorie des revenus de capitaux mobiliers mais de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; que les éléments recueillis dans le cadre de la procédure d'instruction ne sont pas suffisamment précis pour permettre l'imposition dans ses mains, dès lors que le juge pénal n'en a pas fait état dans son jugement ; qu'il n'a pas appréhendé les 25 000 F mensuels reçus en espèces de la société Brenco, mais n'en a conservé qu'une moyenne mensuelle de 12 500 F, le surplus étant utilisé à régler les différents frais inhérents aux missions qui lui étaient confiées ; que les pièces justificatives de ces frais seront produits ultérieurement ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 septembre 2011 :
- le rapport de M. Tar, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public ;
Considérant que M. A relève régulièrement appel du jugement en date du 16 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles n'a que partiellement fait droit à sa demande de décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles son épouse et lui ont été assujettis au titre des années 1999, 2000 et 2001 ; que le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat demande à la Cour, par la voie du recours incident, la réformation du jugement en tant que celui-ci réduit les bases d'imposition de M. et Mme A à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1999 ;
Sur les conclusions de M. A :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, (...) A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal (...) ; qu'aux termes de l'article L. 47 de ce livre : Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix ;
Considérant qu'il résulte de la notification de redressement en date du 5 décembre 2002 adressée à M. ou Mme A, consécutive à l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle pour les années 1999 et 2000 dont ils avaient fait l'objet, que l'administration fiscale a été destinataire de renseignements émis par l'autorité judiciaire le 24 juillet 2001 qui révélaient des versements d'espèces au profit de M. A et que ses consultations du dossier établi par l'autorité judiciaire les 6 août 2001, 17 janvier 2002 et 19 septembre 2002 ont confirmé ces renseignements ; que si elle a constaté suite à l'analyse de ce dossier l'existence de revenus non déclarés de M. A, elle l'a fait sans rapprocher les informations recueillies auprès de l'autorité judiciaire des déclarations fiscales de celui-ci, dès lors qu'il ressort des déclarations de M. A, consignées dans le procès-verbal d'interrogatoire de première comparution du 21 juin 2001, que les sommes en cause n'avaient pas été déclarées ; qu'ainsi, l'exercice par l'administration fiscale de son droit de communication n'a pas donné lieu au contrôle de la cohérence entre les revenus et le patrimoine, la trésorerie et le train de vie de M. et Mme A ; que par suite, il ne traduit pas l'engagement de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle dès le 6 août 2001, avant l'envoi de l'avis de vérification prévu par les dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, lequel a été notifié le 14 janvier 2002 ; que dans ses conditions, M. A n'est pas fondé à soutenir que les garanties attachées à la procédure d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle n'auraient pas été respectées ;
En ce qui concerne le bien-fondé des redressements prononcés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers :
Considérant que ces redressement résultent de la taxation, entre les mains de M. A, de sommes, pour des montants de 1 045 000 F au titre de l'année 1999 et de 150 000 F au titre de l'année 2000, que l'administration fiscale a réintégré aux recettes non déclarées de la SARL Stealth et considérées comme revenus distribués par cette société à celui-ci sur le fondement du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts et du c) de l'article 111 de ce code ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la notification de redressements du 5 décembre 2002, que ces sommes correspondent, d'une part, à des versements en liquide que M. A, associé, gérant et unique salarié de la SARL Stealth reconnaît avoir reçu des mains de M. Pierre Joseph Falcone, dirigeant de la société Brenco France et de Mme Delubac, employée de cette même société, et, d'autre part, à un dépôt d'espèces effectué le 25 août 1999 sur un compte personnel de M. A, pour un montant de 30 000 F (4 573,47 euros) et qui proviendrait selon ce dernier de clients étrangers ;
Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'il ressort des énonciations d'un jugement du 27 octobre 2009 du Tribunal de grande instance de Paris, qu'a été signé le 15 octobre1996 un accord entre la société Brenco France et la SARL Stealth ayant pour objet la protection des personnes physiques, la mise à disposition de véhicules avec chauffeurs et l'audit en matière de sécurité ; que la SARL Stealth n'a mis un terme aux prestations au profit de Brenco France découlant de ce contrat qu'à la fin de l'année 2000 ; que M. A a reconnu, dans un procès-verbal d'interrogatoire, avoir assuré des prestations de garde du corps et de chauffeur au bénéfice de M. Falcone entre l'année 1996 et l'année 2000 ; que ces prestations ont été réglées au moyen de remises d'espèces de M. Falcone ou de Mme Delubac à M. A, lequel a précisé que ces sommes correspondaient à des compléments de rémunération ou à des missions de protection rapprochée de M. Falcone qui ne devaient pas apparaître en comptabilité et s'ajoutaient aux virements bancaires effectués par la société Brenco Trading Ltd en règlement de factures émises par la SARL Stealth ;
Considérant, d'autre part, que M. A n'établit ni même n'allègue qu'il aurait accompli la moindre démarche administrative en vue d'exercer une activité de garde du corps ou de chauffeur à titre personnel, hors du cadre de la SARL Stealth ; qu'en admettant que la décision par laquelle M. A est devenu le chauffeur de M. Falcone résulte d'un accord verbal entre les intéressés, il ne résulte pas de l'instruction que cet accord aurait été entendu comme se plaçant hors du cadre du contrat liant la société Brenco France et la SARL Stealth ; qu'ainsi, nonobstant la circonstance que les sommes versées par des représentants de la société Brenco France à M. A n'ont jamais transité par les comptes de la SARL Stealth, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que ces sommes n'ont pas le caractère de recettes relevant de la SARL Stealth, mais correspondraient à sa rémunération pour des activités exercées à son propre compte ;
Considérant, en revanche, qu'il ne résulte de l'instruction aucun élément de fait permettant de donner à la somme de 30 000 F (4 573,47 euros), qui n'apparaît que sur un compte personnel de M. A, le caractère d'une recette de la SARL Stealth ; qu'ainsi, celui-ci est fondé à soutenir que cette somme doit être regardée comme relevant d'activités exercées par M. A pour son propre compte qui ne pouvaient être réintégrées aux recettes de cette société ;
Considérant qu'ainsi, M. A est seulement fondé à soutenir que cette somme de 30 000 F (4 573,47 euros) n'a ni le caractère de bénéfice ou produit de la SARL Stealth au sens des dispositions du 1° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, ni le caractère de rémunération ou avantage occulte qui lui aurait été accordé par cette société au sens des dispositions du c) de l'article 111 de ce code et qu'elle ne pouvait par suite être imposée dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement de ces dispositions ;
Considérant que, s'agissant du montant des revenus distribués par la SARL Stealth à M. et Mme A, l'administration fiscale établit que les sommes que M. A reconnaît avoir reçu en espèces des mains de représentants de la société Brenco France avaient le caractère de recettes dissimulées de la SARL Stealth, société soumise à l'impôt sur les sociétés, et pouvait ainsi à bon droit, sous déduction d'un taux de charges de 30 %, réintégrer ces sommes au résultat imposable de cette société ; qu'ainsi, l'administration fiscale pouvait regarder les sommes que M. A a reconnu avoir reçu comme des revenus distribués entre ses mains et les réintégrer dans ses bases soumises à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
Sur le recours incident :
Considérant, en premier lieu, qu'en constatant que l'intégralité des 90 000 F (13 720,41 euros) par mois qui avaient été versés en espèces à M. A entre le mois de novembre 1996 et le mois de novembre 2000, ne lui avait pas directement profité, mais servait en majeure partie à payer la location de véhicules, à rémunérer les agents de sécurité qui travaillaient avec lui et à régler les frais de mission, tels que les repas, l'essence ou le stationnement, le Tribunal de grande instance de Paris n'a pas énoncé un motif qui serait le soutien nécessaire de la décision par laquelle il a déclaré M. A coupable du délit de recel de la somme de 4 320 000 F (658 579,75 euros), correspondant à la totalité de la somme de 90 000 F (13 720,41 euros) par mois sur cette période de quatre ans ; qu'ainsi, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés, en invoquant l'autorité absolue de la chose jugée, sur ces constatations pour établir l'existence de charges, engagées dans le but d'assurer des prestations fournies par la SARL Stealth et déductibles des sommes réputées distribuées à M. A ; que M. A n'a invoqué, ni en première instance ni en appel, d'autre moyen pour contester le chef de redressement dont il s'agit que celui tiré de l'existence de telles charges et les moyens déjà écartés lors de l'examen des conclusions de l'appel principal ;
Considérant toutefois, s'agissant du montant des revenus distribués par la SARL Stealth à M. et Mme A, que, eu égard aux conditions dans lesquelles la SARL Stealth exerçait l'activité de protection de personnes physiques et de chauffeur ayant donné lieu aux versements litigieux et notamment à la circonstance que, d'une part, les véhicules utilisés étaient loués à des sociétés tierces et, d'autre part, que M. A n'était pas seul à assurer la conduite de ces véhicules, ce n'est que sous déduction d'un taux de charges de 30 % que l'administration pouvait à bon droit regarder les sommes que M. A a reconnu avoir reçu comme des revenus distribués entre ses mains et les réintégrer dans ses bases soumises à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
Considérant, par ailleurs, que M. A ne soulève aucun moyen à l'appui de sa contestation du bien-fondé de l'imposition des sommes qui ont donné lieu à des redressements dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les bases de l'impôt sur le revenu dû par M. et Mme A doivent être calculées en redressant leur revenu imposable déclaré, d'une part, au titre de l'année 1999, d'une somme de 710 500 F (108 315 euros) dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et d'une somme de 405 289 F (61 786 euros) dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, d'autre part, au titre de l'année 2000, d'une somme de 105 000 F (16 007 euros) dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application de ces dispositions, une somme au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu déclarées par M. et Mme A au titre de l'année 1999 sont augmentées d'une somme de 710 500 F (108 315 euros) dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et d'une somme de 405 289 F (61 786 euros) dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée.
Article 2 : M. et Mme A sont rétablis au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1999 à hauteur de la cotisation supplémentaire résultant de la différence entre les bases, telles qu'elles résultaient du dispositif du jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 16 février 2010 et telles qu'elles résultent de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu de M. et Mme A au titre de l'année 2 000 retenues par l'administration fiscale sont diminuées d'une somme de 45 000 F (6 860 euros) dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
Article 4 : M. et Mme A sont déchargés de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2000 à hauteur de la somme résultant de la réduction de bases édictée par l'article 3 ci-dessus.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A et du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat est rejeté.
Article 6 : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 16 février 2010 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.
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N° 10VE01183