Vu la requête, enregistrée le 9 juin 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société SAMGAB SAS, dont le siège est 10 bis rue de Clichy à Saint-Ouen (93400), par Me Arie ; la société SAMGAB SAS demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0705788 du 8 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande en décharge de l'amende fiscale qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1740 ter du code général des impôts pour les exercices clos en 2000 et 2001 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La société SAMGAB SAS soutient, en premier lieu, que la procédure est irrégulière puisque les sanctions lui ont été infligées sans que les règles de motivation aient été respectées ; que s'agissant, en second lieu, du bien-fondé de l'imposition, ni la matérialité de l'infraction ni l'intention frauduleuse de leur auteur ne sont établies ; que l'administration fiscale a infligé les sanctions sur l'ensemble du chiffre d'affaires comptabilisé sous un compte clients espèces au vu de l'examen de seulement 9 factures sur l'exercice 2000 et 12 sur l'exercice 2001 ; qu'il y avait pourtant 919 factures en 2000 et 1 086 en 2001 et qu'elle ne les a pas examinées pendant le contrôle ; que par cet examen de factures particulièrement parcellaire, elle ne peut prétendre avoir prouvé les éléments matériels et intentionnels de l'infraction ; que ce n'est qu'après la notification de redressement qu'elle a procédé au contrôle de l'ensemble des factures ; que l'entreprise a produit les bons de livraison qui ont conduit au prononcé d'un dégrèvement ; que d'ailleurs, après divers échanges avec l'interlocuteur départemental, l'administration fiscale a admis la justification de près de 70 % des factures de l'exercice 2000 et de plus des deux tiers des factures de l'exercice 2001 ; que l'administration fiscale a ainsi opéré un renversement de la charge de la preuve ; que pour le client A, le nom et l'adresse figuraient bien sur les factures émises ; que l'interlocuteur départemental n'a pas contesté ce point ; qu'il en est de même pour un autre client pour lequel seule l'adresse était erronée ; que si pour les factures émises au profit de particuliers, ni l'identité ni l'adresse n'étaient mentionnées, il s'agissait de ventes au détail ; qu'enfin, le principe constitutionnel de légalité et de proportionnalité des délits et des peines, le principe communautaire de l'article 49 de la charte des droits fondamentaux et l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été violés ; qu'en effet, la loi n'a prévu qu'un seul taux de pénalité fiscale pour des agissements répondant aux dispositions de l'article 1740 ter, sans modulation possible de la peine en fonction des comportements réprimés, ce qui méconnaît l'article 6 de ladite convention ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 novembre 2011 :
- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,
- et les observations de Me Tchoudjem, substituant Me Arie, pour la société SAMGAB SAS ;
Considérant que la société SAMGAB SAS, située à Saint-Ouen, qui exerce une activité de grossiste en produits alimentaires exotiques a fait l'objet d'une vérification de comptabilité des exercices clos en 2000 et 2001 et, qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a procédé à des rehaussements à l'impôt sur les sociétés et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mais a constaté également que la société avait émis des factures sur un compte d'espèces enregistrant des montants très importants pour lesquels les clients ne souhaitaient pas que leur identité soit divulguée ; qu'elle lui a appliqué, à raison de ces factures, l'amende de 50 % prévue par l'article 1740 ter du code général des impôts alors en vigueur, infligée en cas de travestissement ou de dissimulation de l'identité des fournisseurs ou clients ; qu'à la suite d'un entretien avec l'interlocuteur départemental, par une décision du 19 décembre 2003, l'assiette imposable de l'amende prévue par l'ancien article 1740 ter du code général des impôts a été diminuée ; que la société, après avoir bénéficié d'une admission partielle de sa réclamation le 17 décembre 2004, a régulièrement saisi le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de la décision du 13 mars 2007 confirmant le rejet de sa nouvelle réclamation ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que les contribuables peuvent se voir infliger l'amende fiscale régie par l'article 1740 ter du code général des impôts égale à 50 % des sommes versées ou reçues au titre de certaines opérations ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales applicable aux sanctions : Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. (...) ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort des termes mêmes de la notification de redressement du 25 juin 2003 que les services fiscaux ont mentionné les faits sur lesquels ils se fondaient pour opérer le redressement en litige, soit l'absence de l'identité du client, son adresse et l'adresse de livraison, pour 919 factures réglées en espèces en 2000 et 1 086 en 2001 et pour des montants globalement très importants ; qu'ils ont également clairement mentionné le texte sur lequel le redressement était fondé, soit le premier alinéa de l'article 1740 ter du code général des impôts ; que, par suite, en droit et en fait, l'infliction des pénalités était suffisamment motivée ; que contrairement à ce que soutient la requérante, pour se conformer aux exigences de régularité de la notification de redressement, l'administration fiscale n'avait pas à apporter des éléments détaillés sur la charge de la preuve ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure qui lui a été appliquée doit être écarté ;
Considérant, d'autre part, que la société SAMGAB SAS ne peut utilement invoquer, en se fondant sur l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice d'une doctrine qui concerne la procédure d'imposition qui ne peut pas être regardée comme comportant une interprétation de la loi fiscale au sens dudit article ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'application de la loi :
Considérant qu'aux termes de l'article 1740 ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : Lorsqu'il est établi qu'une personne, à l'occasion de l'exercice de ses activités professionnelles a travesti ou dissimulé l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, ou sciemment accepté l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom, elle est redevable d'une amende fiscale égale à 50 % des sommes versées ou reçues au titre de ces opérations. / Il en est de même lorsque l'infraction porte sur les éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B et aux textes pris pour l'application de ces articles. (...) / Ces amendes sont recouvrées suivant les procédures et sous les garanties prévues pour les taxes sur le chiffre d'affaires. Les réclamations sont instruites et jugées comme pour ces taxes. / Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux ventes au détail et aux prestations de services faites ou fournies à des particuliers. ; qu'aux termes de l'article 242 nonies A de l'annexe II au code général des impôts : Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts sont les suivantes : 1° Le nom complet et l'adresse de l'assujetti et de son client. (...) ; qu'en l'absence de toute justification par le contribuable des véritables destinataires des factures, l'administration est regardée comme rapportant la preuve du bien-fondé de l'amende ;
Considérant, en premier lieu, que la société SAMGAB SAS soutient que la matérialité des faits n'est pas établie, dès lors que l'administration a procédé à son examen à partir d'un échantillon de factures du compte espèces très limité ; que la société ne conteste pas, toutefois, que l'administration a pratiqué le redressement à partir d'échantillons de factures qui ne comportaient pas les mentions exigées par la loi et que les manquements constatés concernaient, au stade du redressement, l'ensemble des factures ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne l'obligeait à se livrer à une investigation dans la comptabilité de la société pour examiner si les indications requises figuraient sur des documents annexés aux factures dans la comptabilité, soit les bons de livraison ; que, toutefois, à la suite de la production et de l'examen de ces bons de livraison finalement joints, après demande du service, à certaines factures présentées qui ne portaient pas les mentions requises, l'amende n'a été maintenue que pour 30 % des montants facturés ; qu'il est constant que la société n'a pas été en mesure, pour les 30 % de factures restantes, de produire des justificatifs ; que si la société soutient également qu'il pourrait s'agir de factures émises à l'intention de particuliers, elle ne l'établit pas, alors que l'administration rapporte la preuve que les factures acquittées en espèces portent sur des montants élevés incompatibles avec des achats effectués par des particuliers, compte tenu de la modicité du prix unitaire des articles qu'elle commercialise et, en outre, de sa localisation dans la gare de Saint-Ouen-les-Docks, locaux dans lesquels elle ne dispose ni d'un bureau de vente, ni de caisse enregistreuse à cet effet ; qu'à cet égard, elle ne peut valablement soutenir que ces factures auraient été établies au profit d'associations ou de cantines scolaires dès lors qu'elle n'apporte aucun justificatif sur l'identité des destinataires des factures ; que, par suite, s'agissant des montants restés en litige, l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve de la matérialité de l'infraction ;
Considérant, en deuxième lieu, que la société SAMGAB SAS fait valoir que l'élément intentionnel de l'infraction n'est pas établi en ce qui concerne les produits facturés au profit du client A, dont l'identité et l'adresse exactes étaient mentionnées sur la facture ; qu'elle soutient que l'interlocuteur départemental n'a contesté ni l'identité ni l'adresse du client ni l'existence de la société mais a seulement indiqué que cette société a affirmé n'avoir effectué aucun achat en 2001 et 2002 puisqu'elle a débuté son activité en juillet 2003 ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que si l'amende infligée au titre des factures établies au profit du client A a été maintenue pour certaines factures, cette amende concernait les montants de 100 967,31 francs en espèces et 715 636,72 francs au titre des années 2000 et 2001 pour des factures établies au profit de M. A mais adressées à une entreprise sise 31 avenue Louis Borde à Stains dans la Seine-Saint-Denis ; que, dans la lettre du 17 décembre 2004 rejetant la réclamation de la société SAMGAB SAS, l'administration fiscale a maintenu les redressements en indiquant que le dirigeant de la société sise à Stains n'était pas M. A et que rien ne permettait de faire un lien entre ce nom et la société de Stains ; que, par suite, en l'absence de toute justification par le contribuable du véritable destinataire des factures, et alors que ces factures comportaient des mentions erronées, l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve de l'élément intentionnel de l'infraction ;
Considérant, en troisième lieu, que la société SAMGAB SAS a indiqué sur les autres factures en litige soit la mention clients espèces , soit des mentions erronées et qu'il n'est pas contesté que ces factures, qui n'ont pas été complétées par des bons de livraison ou d'autres justificatifs, malgré la demande de l'administration, alimentaient un compte espèces indifférencié ; que les véritables destinataires des factures n'ayant pu être identifiés, la société doit être regardée comme ayant sciemment eu recours à une identité fictive qui dissimulait l'identité réelle et la raison sociale de ses clients ; que, dès lors, l'administration rapporte la preuve qui lui incombe de l'intention délibérée de la société de dissimuler l'identité des clients au profit desquels elle établissait ces factures et, par suite, pour l'ensemble des amendes maintenues, de l'élément intentionnel de l'infraction ;
Considérant, en quatrième lieu, que la société SAMGAB SAS soutient que l'amende qui lui a été infligée est contraire au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines ; qu'aux termes de l'article R. 771-3 du code de justice administrative : Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé (...) ; qu'aux termes de l'article R. 771-4 du même code : L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1. ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions du premier alinéa de l'article 1740 ter du code général des impôts méconnaîtraient le principe constitutionnel de légalité des délits et des peines est irrecevable, faute d'avoir été présenté par mémoire distinct et motivé ;
Considérant, en cinquième lieu, que la société fait valoir que le principe communautaire de légalité et de proportionnalité des délits et des peines de l'article 49 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne a été méconnu ; que, toutefois, la loi fiscale ayant prévu des pénalités distinctes et différentes pour chaque catégorie d'infraction, et une sanction proportionnelle à la somme en litige pour l'application des dispositions précitées, ce principe n'a pas été méconnu ;
Considérant, enfin, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ; que la société SAMGAB SAS soutient que les dispositions législatives susvisées méconnaissent les stipulations de cet article ; que, d'une part, les dispositions précitées de l'article 1740 ter du code général des impôts proportionnaient l'amende qu'elles instituaient au montant des sommes sur lesquelles portait l'infraction que l'amende vise à réprimer ; que ces dispositions ne s'appliquaient pas dans le cas où le manquement portait sur des ventes au détail et sur des prestations de services faites ou fournies à des particuliers ; que le code général des impôts prévoyait, en particulier dans ses articles 1740 ter A et 1740 quater, d'autres pénalités, nettement différenciées par leur assiette et leur taux, applicables, comme l'amende de l'article 1740 ter, à des contraventions aux obligations des contribuables en matière de facturation ; que la loi elle-même a ainsi assuré, dans une certaine mesure, la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés ; que, d'autre part, le juge de l'impôt exerce un plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration pour appliquer l'amende et décide, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir cette amende, soit d'en prononcer la décharge ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 1740 ter du code général des impôts n'étaient pas compatibles avec les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine :
Considérant que la société SAMGAB SAS invoque le bénéfice de l'instruction du 23 décembre 1988 référencée BOI 13-N-1-89 ; que, toutefois, elle ne peut justifier de l'existence de la doctrine qu'elle invoque ; qu'en tout état de cause, si elle fait valoir que cette doctrine indique que l'administration a la charge de la preuve de l'élément intentionnel de l'infraction, en l'espèce, la doctrine n'ajoute rien à la loi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SAMGAB SAS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de la société SAMGAB SAS tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui, dans la présente instance n'est pas la partie perdante, la somme que la société SAMGAB SAS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société SAMGAB SAS est rejetée.
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N° 10VE01801 2