Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 17 mars 2011, présentée pour M. Ali A, demeurant chez M. Ali B, ..., par Me Noel C, avocat ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1002456 du 18 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 décembre 2009 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour temporaire et lui a fait obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
Il soutient que :
Sur la décision portant refus de titre :
Elle est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; le préfet ne précise pas les raisons pour lesquelles il ne remplirait pas les conditions d'octroi d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet n'était pas en droit de lui appliquer les conditions posées par l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il relevait de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 2008 et des stipulations de l'accord cadre franco-tunisien du 28 avril 2008 relatif à la gestion concertée des migrations et du développement solidaire ; il a signé un contrat à durée indéterminée en date du 2 avril 2007 avec la société Pro raval ; son employeur a présenté une demande d'autorisation de travail ; l'arrêté attaqué porte une atteinte manifestement disproportionnée à sa vie privée et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; s'il était contraint de retourner en Tunisie, il ne pourrait subvenir aux besoins de sa famille ; le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ; il a développé des relations sociales en France qui ne peuvent être interrompues brutalement ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
Le signataire de l'arrêté doit établir la délégation de signature qui l'habilite à prendre cette mesure d'éloignement ; elle n'est pas motivée ; elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour ; elle méconnait les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où il doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour sur son fondement ; il exerce une activité professionnelle depuis 2002 et a développé des attaches familiales et sociales en France en raison de l'ancienneté de son séjour ; cette décision viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle emporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
La signataire de cette décision n'a pas bénéficié d'une délégation de signature régulièrement publiée dans le recueil des actes administratifs de la Seine-Saint-Denis ; elle est insuffisamment motivée à propos de son contrat de travail ; elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle porte atteinte, de manière disproportionnée, à sa vie privée ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'accord franco-tunisien modifié du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2011 :
- le rapport de M. Brumeaux, président assesseur,
- et les conclusions de Mme Ribeiro-Mengoli, rapporteur public ;
Considérant que M. A, ressortissant tunisien, entré en France le 29 mars 2002 à l'âge de 43 ans sous couvert d'un visa Schengen court séjour, a sollicité le 25 mai 2009 un titre de séjour salarié que le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer par un arrêté du 28 décembre 2009, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 décembre 2009 du préfet de la Seine-Saint-Denis :
En ce qui concerne la décision de refus du titre de séjour :
Sur sa légalité externe :
Considérant qu'en vertu de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, les décisions individuelles défavorables doivent comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement ; que l'arrêté contesté vise les textes dont il fait application et mentionne les faits qui en constituent le fondement ; qu'ainsi, et alors même que ces motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation professionnelle de l'intéressé, ledit arrêté répond aux exigences de motivation posées par la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;
Sur la légalité interne :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 11 de l'accord franco-tunisien susvisé : Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation et qu'aux termes de l'article 3 du même accord : Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié / Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants tunisiens visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans / Les autres ressortissants tunisiens ne relevant pas de l'article 1er du présent Accord et titulaires d'un titre de séjour peuvent également obtenir un titre de séjour d'une durée de dix ans s'ils justifient d'une résidence régulière en France de trois années. Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence professionnels ou non, dont ils peuvent faire état et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande. / Ces titres de séjour confèrent à leurs titulaires le droit d'exercer en France la profession de leur choix. Ils sont renouvelables de plein droit ; qu'aux termes de l'article 2 du protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne signé à Tunis le 28 avril 2008 et publié par décret du 24 juillet 2009, applicable à compter du 1er juillet 2009 : (...) 2.3 : Migration pour motifs professionnels (...) 2.3.3. Le titre de séjour portant la mention salarié , prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'Accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent Protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (...) ;
Considérant que, si M. A est en possession d'un contrat à durée indéterminée en qualité de ravaleur-décorateur de façades avec la société Pro raval, ce métier ne figure toutefois pas dans la liste annexée au protocole susmentionné ; qu'au surplus il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait soumis ce contrat de travail au visa de l'autorité française compétente, en application des stipulations précitées dudit protocole ; que par suite les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 n'ont pas été méconnues par le préfet de la Seine-Saint-Denis, lequel au demeurant, contrairement à ce que soutient le requérant, ne lui a pas opposé les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant que M. A fait valoir que son activité professionnelle en France lui permet de subvenir aux besoins de sa famille qui réside en Tunisie, cette seule circonstance ne suffit cependant pas à établir que, dans les circonstances de l'espèce, la décision litigieuse aurait porté à sa vie privée et familiale une atteinte excessive et serait contraire aux stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que pour le motif qui vient d'être exposé, le moyen tiré de l'erreur manifeste que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commise dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle doit être également écarté ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
Sur sa légalité externe :
Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 28 décembre 2009 a été signé par Mme Magne, directrice des étrangers à la préfecture de la Seine-Saint-Denis qui avait régulièrement reçu, par arrêté du 18 juin 2009, publié au recueil des actes administratifs du 23 juin 2009, délégation pour signer notamment les décisions de refus de séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi du 20 novembre 2007 : I. L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger (...) peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français (...). L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. ; que, par suite, en application de ces dispositions, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision obligeant M. A à quitter le territoire français doit être écarté comme inopérant ;
Considérant, en troisième lieu, que l'illégalité du refus de titre de séjour opposé à M. A n'étant pas établie, l'exception d'illégalité dudit refus, soulevée à l'appui des conclusions d'annulation dirigées contre ledit arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire, ne peut qu'être écartée ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'indépendamment de l'énumération faite par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que, lorsque la loi ou une convention internationale prévoit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants tunisiens en vertu de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ;
Considérant que M. A ne peut prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité en raison de l'exercice d'une activité professionnelle depuis 2002 et de ses attaches familiales et amicales en France dans la mesure où son épouse et ses quatre enfants résident en Tunisie ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait pas légalement l'obliger à quitter le territoire français doit être écarté ;
Considérant que M. A n'invoque aucun argument distinct de ceux énoncés à l'encontre de la décision portant refus de séjour propre à faire ressortir que la décision l'obligeant à quitter le territoire méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il s'ensuit que ces moyens doivent être écartés par les motifs qui ont été opposés aux mêmes moyens articulés contre la décision de refus de titre de séjour ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
Considérant, en premier lieu, que cette décision a été signée par Mme Magne, directrice des étrangers à la préfecture de la Seine-Saint-Denis qui avait régulièrement reçu, par arrêté du 18 juin 2009, publié au recueil des actes administratifs du 23 juin 2009, délégation pour signer notamment les décisions fixant le pays vers lequel sera éloigné un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que cette décision, compte tenu de son objet, n'avait pas à comporter de mentions sur sa situation professionnelle ; que par suite le moyen tiré de son insuffisante motivation sur ce point doit être écarté ;
Considérant, enfin, que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de cette décision ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 décembre 2009 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions de M. A tendant à ce que la Cour ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant cet examen dans un délai déterminé et sous astreinte ne peuvent ainsi être accueillies ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
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N° 11VE00959 2