Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société AIR FRANCE, dont le siège est 45 rue de Paris à Roissy Charles de Gaulle (95747), par Me Gravé ;
La société AIR FRANCE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1006716 du 1er juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 23 avril 2010 par laquelle le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire lui a infligé une amende de 5 000 euros ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision précitée ;
3°) de la décharger du paiement de cette amende ;
4°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de lui rembourser la somme de 5 000 euros dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la responsabilité d'une compagnie de transport ne peut être retenue que dans l'hypothèse d'une trace flagrante d'altération du fond d'impression du visa sans que l'utilisation d'un matériel spécialisé soit nécessaire ; que la falsification n'était pas manifeste en l'espèce, les agents de la police aux frontières l'ayant décelée à l'aide d'un matériel spécifique de grossissement ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code des transports ;
Vu la décision du Conseil constitutionnel n° 92-307 DC du 25 février 1 992 ;
Vu la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mars 2012 :
- le rapport de M. Terme, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Kermorgant, rapporteur public ;
Considérant que par une décision du 23 avril 2010, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a infligé à la société AIR FRANCE une amende de 5 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif qu'elle avait débarqué le 10 janvier 2010 à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, en provenance de Beijing, Mme Dolgorsuren A, de nationalité mongole, munie d'un document de voyage falsifié ; que la société AIR FRANCE fait appel du jugement en date du 1er juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 625-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Est punie d'une amende d'un montant maximum de 5 000 euros l'entreprise de transport aérien ou maritime qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un autre Etat, un étranger non ressortissant d'un Etat de l'Union européenne et démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité " ; qu'aux termes de l'article L. 625-5 du même code : " Les amendes prévues aux articles L. 625-1, L. 625-3 et L. 625-4 ne sont pas infligées : / (...) Lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste " ;
Considérant que ces dispositions, adoptées en vue de donner leur plein effet aux stipulations de l'article 26 de la convention de Schengen, signée le 19 juin 1990, telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision susvisée du 25 février 1992, font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de l'Union européenne sont en possession de documents de voyage, le cas échéant, revêtus des visas exigés par les textes, leur appartenant, non falsifiés et valides ; que si ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police aux lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas des éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport ; qu'en l'absence d'une telle vérification, à laquelle le transporteur est d'ailleurs tenu de procéder en vertu de l'article L. 322-2 du code de l'aviation civile, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions précitées ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'examen de la photocopie du visa et de ses agrandissements partiels, que la falsification n'était pas susceptible d'être décelée par un examen normalement attentif d'un agent d'embarquement, sans recourir à du matériel spécialisé ; que la requérante est, par suite, fondée à soutenir que la décision du 23 avril 2010 est entachée d'erreur d'appréciation et doit être annulée ;
Considérant qu'il suit de ce qui précède que la société AIR FRANCE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 avril 2010 par laquelle le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire lui a infligé une amende de 5 000 euros ;
Sur les conclusions à fins d'injonction :
Considérant que le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint à l'Etat de rembourser à la société AIR FRANCE la somme de 5 000 euros qu'elle a versée en exécution de la décision du 23 avril 2010 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la société AIR FRANCE, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, soit condamnée à verser à l'Etat la somme qu'il demande à ce titre ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 1er juillet 2011 et la décision du 23 avril 2010 du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à l'Etat de rembourser à la société AIR FRANCE la somme de 5 000 euros.
Article 3 : Les conclusions de l'Etat tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : L'Etat versera à la société AIR FRANCE une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 11VE03229