Vu la requête, enregistrée le 14 janvier 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Versailles, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1006781 en date du 16 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 27 mai 2010 rejetant la demande de regroupement familial présentée par M. A et lui a enjoint de procéder au réexamen de cette demande ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Montreuil ;
Il soutient, en premier lieu, que c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que le caractère inauthentique des actes de naissance produits par M. A n'était pas établi ; que, par un courrier du 4 janvier 2010, l'ambassade de France en Haïti a indiqué que l'extrait d'archives de l'acte de naissance de M. A et de celui de son épouse ne répondaient pas aux critères des archives nationales et étaient inauthentiques ; que, le 10 novembre 2010, le consul général d'Haïti a précisé que l'Etat haïtien ne délivre les actes d'état civil qu'une fois et que les extraits délivrés par les archives n'ont pas de durée de validité ; en second lieu, que les autres moyens invoqués par M. A en première instance ne sont pas fondés ; qu'eu égard aux motifs de la décision attaquée, l'intéressé ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 411-1 et L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, d'autre part, compte tenu du caractère inauthentique des actes produits, la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être invoquée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2011, présenté pour M. Eliothe A, demeurant ..., par Me El-Hailouch, avocat à la Cour ; M. A conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS d'autoriser le regroupement familial sollicité dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que le préfet ne précise pas les critères retenus par les archives pour considérer qu'un acte est inauthentique ; qu'il produit une attestation du consulat général d'Haïti du 3 février 2011 précisant que l'acte de naissance de son épouse est authentique ; qu'il a justifié remplir les conditions de logement exigibles ; qu'il a produit son acte de mariage ; que son acte de naissance n'a jusque-là jamais été remis en cause et qu'il est titulaire d'une carte de résident, étant entré en France en 1991 ; qu'il produit de nombreux documents attestant de l'identité de son épouse ; que la décision attaquée a été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code civil ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 août 2012 :
- le rapport de M. Huon, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;
Considérant que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS fait appel du jugement du 16 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a annulé sa décision du 27 mai 2010 rejetant la demande de regroupement familial présentée par M. A, ressortissant haïtien, au bénéfice de son épouse, et lui a enjoint de procéder au réexamen de cette demande ; que, par la voie de l'appel incident, M. A demande qu'il soit enjoint au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS d'autoriser le regroupement familial sollicité ;
Sur l'appel du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS :
Considérant que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a rejeté la demande de regroupement familial présentée par M. A au profit de son épouse, Mme Bastien, au motif que les vérifications opérées par l'ambassade de France à Port-au-Prince quant aux actes de naissance que l'intéressé avait produits établissaient que ces documents ne répondaient pas aux critères des archives nationales de son pays et n'étaient pas authentiques ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ; que cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ;
Considérant que s'il résulte des pièces produites en appel par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS que l'ambassade de France en Haïti a effectivement indiqué, le 4 janvier 2010, au service du regroupement familial de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que l'extrait d'archives de l'acte de naissance de M. A et celui de son épouse " ne répondaient pas aux critères des archives nationales " et qu'en conséquence, ils ne pouvaient être tenus pour authentiques, M. A produit toutefois de nombreux documents et, en particulier, un acte de mariage dont l'authenticité n'a pas été remise en cause par l'administration et plusieurs documents d'identité, qui comportent tous des mentions relatives à l'état civil de l'intéressé et de son épouse identiques à celles figurant sur les extraits d'acte de naissance en litige ; que si le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS se prévaut également des termes d'un courrier du 10 novembre 2010 du consulat général d'Haïti, ce document, qui se borne à indiquer sur un plan général, d'une part, que " l'Etat haïtien ne délivre les actes d'état civil qu'une seule fois " et d'autre part, que " les extraits délivrés par la direction des archives nationales d'Haïti (copie intégrale) n'ont pas de durée de validité pour l'administration haïtienne ", n'est pas de nature à établir le caractère irrégulier des extraits d'acte de naissance produits par M. A ; qu'enfin, ce dernier produit un document, établi le 3 février 2011, par le consulat général d'Haïti en France, dont le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS n'a pas contesté le caractère probant, selon lequel l'acte de naissance de Mme Bastien est " un acte authentique, régulier, en conformité avec la législation haïtienne en matière d'état civil " ; que, dans ces conditions, et alors que le courrier de l'ambassade de France du 4 janvier 2010 ne comporte aucune précision relative aux critères des archives nationales, la preuve du caractère irrégulier des actes d'état civil joints par M. A à sa demande de regroupement familial ne peut être regardée comme apportée ; qu'il suit de là que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a annulé pour ce motif sa décision du 27 mai 2010 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. A :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;
Considérant que, si le présent arrêt a pour effet de saisir à nouveau le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS de la demande de regroupement familial présentée par M. A, il n'implique pas nécessairement, dès lors que le bénéfice du regroupement familial est notamment soumis à des conditions de logement et de ressources, que cette autorité fasse droit à ladite demande ; que, par suite, alors que le tribunal administratif a déjà enjoint au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS de procéder au réexamen de la demande de M. A, les conclusions de ce dernier tendant à ce qu'il soit enjoint à cette autorité d'autoriser le regroupement familial sollicité doivent être rejetées ;
Sur les conclusions de M. A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : La requête du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. A est rejeté.
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N° 11VE00247