Vu I°) la requête, enregistrée le 22 mars 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles sous le 11VE01073, présentée pour la COMMUNE DE SAINT-OUEN, représentée par son maire, par Me Levy, avocat ; la commune demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0707869 en date du 18 janvier 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, à la demande de M. D...et de MmeB..., annulé l'arrêté en date du 25 juin 2007 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré d'utilité publique, en application de la loi du 10 juillet 1970, l'acquisition d'un immeuble situé 60 rue Mathieu / 47 rue Kléber et déclaré cessibles les lots de copropriété ;
2°) de rejeter la demande de M. D...et de Mme B...;
3°) de mettre à la charge de M. D...et de Mme B...le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La commune soutient que :
- le jugement est irrégulier faute de respect du principe du contradictoire ;
- les premiers juges ont soulevé d'office un moyen qui n'avait pas été invoqué durant l'instance et sur lequel elle n'a pas été en mesure de présenter ses observations ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que les formalités prévues par l'article L. 1331-27 du code de la santé publique avaient été méconnues ;
- l'article 14 de la loi du 10 juillet 1970 n'a pas été méconnu ;
- le détournement de procédure allégué n'est pas établi ;
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Vu II°) le recours, enregistré le 21 mars 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles sous le 11VE01074, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ; le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0707869 en date du 18 janvier 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, à la demande de M. D...et de MmeB..., a annulé l'arrêté en date du 25 juin 2007 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré d'utilité publique, en application de la loi du 10 juillet 1970, l'acquisition d'un immeuble situé 60 rue Mathieu / 47 rue Kléber et déclaré cessibles les lots de copropriété ;
2°) de rejeter la demande de M. D...et de Mme B...;
Le ministre soutient que le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que, contrairement à ce qui avait été jugé par ordonnance du 10 août 2007, la transmission de la notification de la réunion du comité d'hygiène départemental au notaire chargé de procéder au règlement de la succession ne respectait pas les dispositions de l'article L. 1331-27 du code de la santé publique ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 décembre 2012 :
- le rapport de M. Lenoir, président assesseur,
- les conclusions de Mme Agier-Cabanes, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., substituant Me Levy, pour la COMMUNE DE SAINT-OUEN ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite d'une visite effectuée le 25 novembre 2004 par deux fonctionnaires de la commune de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) il a été constaté que l'immeuble situé 60, rue Mathieu / 47, rue Kléber était affecté de diverses dégradations de nature à le rendre insalubre ; qu'à la suite du dépôt du rapport établi après cette visite, le préfet de la Seine-Saint-Denis a, en application des dispositions de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique, saisi le comité départemental d'hygiène afin que ce dernier donne un avis sur la réalité et les causes de l'insalubrité et sur les mesures propres à y remédier ; qu'à la suite de l'avis favorable émis par ledit comité le 7 avril 2005, le préfet a, le 4 mai 2005, pris un arrêté déclarant l'immeuble en cause en état d'insalubrité irrémédiable et a interdit d'y habiter ; que, par un deuxième arrêté en date du 25 juin 2007, le préfet a déclaré d'utilité publique, en application des dispositions de l'article 14 de la loi susvisée du 10 juillet 1970, l'acquisition par la commune des lots de copropriété nos 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8, 13 et 14, 16, 17 et 18 et les a déclarés cessibles au profit de celle-ci ; que la COMMUNE DE SAINT-OUEN et LE MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION relèvent régulièrement appel du jugement en date du 18 janvier 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, à la demande de M. D... et de MmeB..., annulé l'arrêté précité du 25 juin 2007 ;
Sur la jonction :
Considérant que la requête n° 11VE01073 et le recours n° 11VE01074 sont dirigés contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre afin de statuer par un même arrêt ;
Sur la requête n° 11VE01073 :
S'agissant de la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...et Mme B...avaient invoqué, à l'appui de leur demande d'annulation, un moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 4 mai 2005 mentionné plus haut ; que le mémoire invoquant ledit moyen n'a pas été communiqué à la commune ; qu'ainsi cette dernière est fondée à soutenir que le tribunal a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure et a, en conséquence, entaché d'irrégularité son jugement ;
Considérant qu'il y a lieu d'annuler et de statuer par la voie de l'évocation sur les conclusions présentées par M. D...et Mme B...tant devant le Tribunal administratif que devant la Cour ;
S'agissant de la légalité de l'arrêté du 25 juin 2007 :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 10 juillet 1970 dans sa version applicable à la date d'intervention de l'arrêté attaqué : " Peut être poursuivie au profit de l'État, d'une société de construction dans laquelle l'État détient la majorité du capital, d'une collectivité territoriale, d'un organisme y ayant vocation ou d'un concessionnaire d'une opération d'aménagement visé à l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme, dans les conditions prévues aux articles 14 à 19, l'expropriation : / - des immeubles déclarés insalubres à titre irrémédiable en application des articles L. 1331-25 et L. 1331-28 du code de la santé publique (...) " ; qu'aux termes de l'article 14 de la même loi du 10 juillet 1970 : " Par dérogation aux dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le préfet, par arrêté : / Déclare d'utilité publique l'expropriation des immeubles, parties d'immeubles, installations et terrains, après avoir constaté (...) qu'ils ont été déclarés insalubres à titre irrémédiable en application de l'article L. 1331-25 ou de l'article L. 1331-28 du code de la santé publique (...) Indique la collectivité publique ou l'organisme au profit de qui est poursuivie l'expropriation ; / Mentionne les offres de relogement faites obligatoirement aux occupants y compris les propriétaires, qu'il s'agisse d'un relogement durable ou d'un relogement d'attente avant l'offre d'un relogement définitif ; / Déclare cessibles lesdits immeubles bâtis, parties d'immeubles bâtis, installations et terrains visés dans l'arrêté ; / Fixe le montant de l'indemnité provisionnelle allouée aux propriétaires ainsi qu'aux titulaires de baux commerciaux, cette indemnité ne pouvant être inférieure à l'évaluation des domaines ; / Fixe la date à laquelle il pourra être pris possession après paiement ou, en cas d'obstacle au paiement, après consignation de l'indemnité provisionnelle. Cette date doit être postérieure d'au moins un mois à la publication de l'arrêté déclaratif d'utilité publique, ce délai étant porté à deux mois dans les cas prévus au troisième alinéa de l'article 13 ; / Fixe le montant de l'indemnité provisionnelle de déménagement pour le cas où celui-ci ne serait pas assuré par les soins de l'administration et, le cas échéant, le montant de l'indemnité de privation de jouissance. / L'arrêté prévu au présent article est publié au recueil des actes administratifs du département et affiché à la mairie du lieu de situation des biens. Il est notifié aux propriétaires, aux titulaires de droits réels immobiliers sur les locaux, de parts donnant droit à l'attribution ou à la jouissance en propriété des locaux et, en cas d'immeuble d'hébergement, à l'exploitant " ; qu'aux termes de l'article L. 1331-26 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable à la date à laquelle est intervenu l'arrêté du 4 mai 2005 précité : " Lorsqu'un immeuble, bâti ou non, vacant ou non, attenant ou non à la voie publique, un groupe d'immeubles, un îlot ou un groupe d'îlots constitue, soit par lui-même, soit par les conditions dans lesquelles il est occupé ou exploité, un danger pour la santé des occupants ou des voisins, le préfet, saisi d'un rapport motivé du directeur départemental des affaires sanitaires et sociales ou, par application du troisième alinéa de l'article L. 1422-1, du directeur du service communal d'hygiène et de santé concluant à l'insalubrité de l'immeuble concerné, invite le conseil départemental d'hygiène à donner son avis dans le délai de deux mois : 1° Sur la réalité et les causes de l'insalubrité ; 2° Sur les mesures propres à y remédier. Le directeur départemental de la santé et de l'action sociale établit le rapport prévu au premier alinéa soit de sa propre initiative, soit sur saisine du maire, du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de logement et d'urbanisme, soit encore à la demande de tout locataire ou occupant de l'immeuble ou de l'un des immeubles concernés (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1331-27 du même code dans sa version applicable à la même période : " Le préfet avise les propriétaires, tels qu'ils figurent au fichier immobilier de la conservation des hypothèques, au moins trente jours à l'avance de la tenue de la réunion du conseil départemental d'hygiène et de la faculté qu'ils ont de produire dans ce délai leurs observations. Il avise également, dans la mesure où ils sont connus, les titulaires de droits réels immobiliers sur les locaux, les titulaires de parts donnant droit à l'attribution ou à la jouissance en propriété des locaux, les occupants et, en cas d'immeuble d'hébergement, l'exploitant. A défaut de connaître l'adresse actuelle des personnes mentionnées au premier alinéa ou de pouvoir les identifier, la notification les concernant est valablement effectuée par affichage à la mairie de la commune (...) ainsi que par affichage sur la façade de l'immeuble, au moins trente jours avant la réunion du conseil départemental d'hygiène (...) Toute personne justifiant de l'une des qualités mentionnées au premier alinéa est, sur sa demande, entendue par le conseil départemental d'hygiène et appelée aux visites et constatations des lieux. Elle peut se faire représenter par un mandataire (...) " ; qu'ainsi qu'il l'a été précisé par le Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 2010-26 QPC du 17 septembre 2010, ces dernières dispositions garantissent l'information du propriétaire quant à la poursuite de la procédure relative à la déclaration d'insalubrité de l'immeuble et lui offrent la faculté d'être entendu à l'occasion des différentes étapes de celle-ci ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et n'est contesté ni par le ministre ni par la commune, que le préfet n'a pas, comme il lui en est fait obligation par les dispositions précitées de l'article L. 1331-27 du code de la santé publique, avisé les héritiers de M. A...D..., propriétaire, jusqu'à son décès survenu le 27 mai 2004, des lots 7 et 17 de l'immeuble dont l'acquisition a été déclarée d'utilité publique par l'arrêté précité du 25 juin 2007, de la tenue de la réunion au cours de laquelle le conseil départemental d'hygiène devait émettre un avis sur la réalité et les causes de l'insalubrité de cet immeuble ainsi que sur les mesures propres à y remédier et de la faculté pour eux d'émettre leurs observations ; qu'il n'est pas non plus contesté par les mêmes autorités qu'il n'a été procédé à aucun affichage, tant à la mairie de Saint-Ouen que sur la façade de l'immeuble en cause, d'une notification leur étant destinée ; que ni le ministre, ni la commune ne sauraient utilement, pour estimer que cette notification aurait été régulièrement effectuée, se prévaloir de ce que celle-ci aurait été adressée au notaire chargé du règlement de la succession de M. A... D..., ce dernier n'étant pas mandaté pour représenter les héritiers dans le cadre de la procédure prévue par l'article L. 1331-27 précité et ne pouvant être regardé comme tacitement habilité pour le faire ; que, par suite, l'arrêté du 4 mai 2005 a été pris en méconnaissance d'une des garanties essentielles prévues par cet article pour le respect du droit de propriété de M. D...et de Mme B...et est donc, pour ce motif, entaché d'illégalité ; que, dès lors, M. D...et Mme B...sont fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 25 juin 2007 déclarant d'utilité publique l'acquisition par la commune des lots de copropriété nos 7 et 17 et les déclarant cessibles au profit de cette dernière par voie de conséquences de l'illégalité affectant l'arrêté du 4 mai 2005 sur le fondement duquel il est intervenu sans que la commune puisse utilement opposer, compte tenu de l'absence d'identité de parties, la circonstance que, par un jugement du 29 octobre 2010 devenu définitif, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ait rejeté l'exception d'illégalité invoquée par d'autres requérants concernant le même arrêté, ces derniers n'ayant d'ailleurs pas développé la même argumentation à l'appui de leur demande ;
Sur le recours n° 11VE01074 :
Considérant que, compte tenu de ce qui précède, il n'y a plus lieu de statuer sur le recours n° 11VE01074 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. D...et de MmeB..., qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, le versement à la COMMUNE DE SAINT-OUEN de la somme demandée par cette dernière au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la COMMUNE DE SAINT-OUEN le versement à M. D... et Mme B...d'une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête n° 11VE01073 et le recours n° 11VE01074 sont joints.
Article 2 : Le jugement n° 0707869 du 18 janvier 2011 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 3 : L'arrêté du 25 juin 2007 déclarant d'utilité publique l'acquisition par la COMMUNE DE SAINT-OUEN des lots de copropriété nos 7 et 17 de l'immeuble situé 60, rue Mathieu / 47, rue Kléber à Saint-Ouen et les déclarant cessibles au profit de cette dernière est annulé.
Article 4 : Il n'y a plus lieu de statuer sur le recours n° 11VE01074.
Article 5 : La demande de la COMMUNE DE SAINT-OUEN et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 6 : Il est mis à la charge de la COMMUNE DE SAINT-OUEN le versement à M. D...et Mme C...d'une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
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Nos 11VE01073-11VE01074 2