Vu la requête, enregistrée le 27 février 2012 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par Me Roufiat, avocat ; M. B...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1105289 en date du 6 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 20 avril 2011 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Il soutient que la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ; que ladite décision aurait dû faire application au cas d'espèce des textes réglementaires qui résultent des négociations menées par le collectif des onze associations et des syndicats soutenant le mouvement de grève des " sans papiers ", à savoir la circulaire du 24 novembre 2009, l'addendum au guide des bonnes pratiques du 18 juin 2010, la lettre ministérielle du 24 juin 2010, le télégramme du 15 octobre 2010 et le télégramme du 5 novembre 2010 ; que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas examiné la demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il présentait des preuves de sa présence en France depuis plus de dix ans ; que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas procédé, comme il aurait dû le faire au regard de la jurisprudence, à l'analyse en deux temps, en examinant dans un premier temps s'il pouvait prétendre au bénéfice d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", avant d'examiner, dans un second temps, sa demande présentée afin de travailler ; que les dispositions de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui étaient pas applicables dès lors que l'article L. 313-14 du même code écarte cette condition à l'égard des demandeurs d'admission exceptionnelle au séjour ; qu'en omettant de saisir la commission du titre de séjour alors qu'il justifie d'une présence ininterrompue sur le territoire français depuis 1999, le préfet de Seine-Saint-Denis a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code précité ; que la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de fait au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ; que la décision portant refus de titre de séjour étant illégale, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de reconduite doivent être annulées par voie de conséquence ;
......................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'arrêté du 18 janvier 2008 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 janvier 2013 :
- le rapport de M. Luben, président assesseur,
- et les conclusions de M. Soyez, rapporteur public,
1. Considérant que M.B..., ressortissant malien, relève appel du jugement en date du 6 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 avril 2011 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire à destination de son pays d'origine ;
Sur la décision portant refus de titre de séjour, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de ladite loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ;
3. Considérant qu'au regard de l'obligation de motiver les refus d'autorisation, imposée par les dispositions précitées, le préfet doit, s'il estime devoir rejeter une demande de carte de séjour temporaire présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 40 de la loi du 20 novembre 2007, faire connaître - fût-ce succinctement - les motifs pour lesquels ladite demande est rejetée et sans qu'il y ait lieu pour le juge de rechercher, au delà de la lettre de la décision, l'intention de l'auteur de celle-ci ; qu'il suit de là qu'en se bornant à indiquer au requérant, qui a présenté à l'appui de sa demande de titre de séjour une promesse d'embauche en qualité d'ouvrier en béton, qu'il " ne répond pas aux critères énoncés par l'arrêté susvisé pour prétendre à la délivrance d'une autorisation de travail ", le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas satisfait aux exigences de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ; qu'ainsi, son arrêté en date du 20 avril 2011 doit être annulé pour ce seul motif ; que M. B...est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
4. Considérant que, ainsi qu'il a été dit, la décision litigieuse portant refus de titre de séjour devant être annulée, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence de cette annulation ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 6 février 2012, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 avril 2011 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire à destination de son pays d'origine ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;
7. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, qui est le seul en l'état du dossier apparaissant fondé, l'exécution du présent arrêt n'implique pas nécessairement la délivrance à M. B...d'une carte de séjour temporaire ; qu'il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder à un nouvel examen de la situation administrative de l'intéressé dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que M. B...demande que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B...ait sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, dès lors, les conclusions susvisées doivent être regardées comme tendant à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement à M. B...de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil en date du 6 février 2012, ensemble l'arrêté susvisé du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 20 avril 2011, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis, sous réserve d'un changement substantiel dans la situation de droit ou de fait de l'intéressé, de réexaminer la situation administrative de M. B...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B...est rejeté.
''
''
''
''
N°12VE00719 2