Vu la requête, enregistrée le 11 août 2011, présentée pour la société anonyme GAZ RESEAU DISTRIBUTION FRANCE (GRDF), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, dont le siège est situé 6 rue de la Liberté à Pantin Cedex (93691), par Me Le Heuzey ; GRDF demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1003407 du 27 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a retenu une faute de GRDF donnant lieu à partage de responsabilité ;
2°) de condamner la société Entreprise Jean Lefebvre Ile-de-France à lui verser la somme de 50 013,16 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'endommagement par une pelle mécanique d'une canalisation de gaz lui appartenant lors de la réalisation de travaux effectués pour le compte de la commune de Livry-Gargan le 22 juillet 2008 et correspondant au montant des frais de remise en état des installations endommagées, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 2009 et subsidiairement à compter du jour du dépôt de la demande devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de la société Entreprise Jean Lefebvre Ile-de-France la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la responsabilité sans faute de la société Entreprise Jean Lefebvre Ile-de-France et le lien de causalité des dommages avec l'intervention de la société sont certains ;
- le tribunal est allé au-delà de ce que soutenait la société Entreprise Jean Lefebvre Ile-de-France en retenant que GRDF aurait transmis un plan ne couvrant pas la zone des travaux ; en application du décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 elle a indiqué qu'il y avait au moins un ouvrage souterrain à l'entreprise qui se devait alors de procéder à des repérages et sondages au lieu d'utiliser directement les pelleteuses ; aucune précaution n'a été prise alors que la présence d'un ouvrage dans le périmètre des travaux avait été signalée ; en raison de cette faute l'intimée qui n'a manifestement pas suivi les recommandations annexées ne peut utilement invoquer une quelconque cause d'exonération de responsabilité et ce d'autant que l'entreprise savait que les plans n'ont qu'un caractère indicatif ;
- c'est à tort que le tribunal n'a pas indemnisé les heures de travail exceptionnelles qui sont la conséquence directe du sinistre ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 relatif à l'exécution de travaux à proximité de certains ouvrages souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution ;
Vu l'arrêté du 13 juillet 2000 portant règlement de sécurité de la distribution de gaz combustible par canalisations, modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 2013 :
- le rapport de Mme Geffroy, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Agier-Cabanes, rapporteur public,
- et les observations de Me Le Heuzey, pour la société GAZ RESEAU DISTRIBUTION FRANCE (GRDF) ;
Considérant que le 22 juillet 2008 alors qu'elle effectuait pour le compte de la commune de Livry-Gargan, dans le cadre d'un marché public, des travaux sur le réseau d'assainissement au niveau du n° 74 du boulevard de la République de cette commune, la société Entreprise Jean Lefebvre Ile-de-France a endommagé une conduite de gaz souterraine avec une pelle mécanique ; que la société GAZ RESEAU DISTRIBUTION FRANCE (GRDF), exploitant la canalisation, demande la réparation du préjudice subi à la suite de cet incident ;
Considérant qu'aux termes de l'article 7 du décret susvisé du 14 octobre 1991 alors en vigueur : " Les entreprises, y compris les entreprises sous-traitantes ou membres d'un groupement d'entreprises, chargées de l'exécution de travaux entrant dans le champ d'application des annexes I à VII bis du présent décret, doivent adresser une déclaration d'intention de commencement des travaux à chaque exploitant d'ouvrage concerné par les travaux. " ; qu'aux termes de l'article 8 alors en vigueur du même décret : " Les exploitants des ouvrages destinataires d'une déclaration mentionnée à l'article 7 répondent à celle-ci au moyen d'un récépissé conforme au modèle déterminé par l'arrêté prévu à l'article 4. (...) " ; qu'aux termes de l'article 10 du même décret : " En ce qui concerne les travaux effectués à proximité d'ouvrages énumérés à l'article 1er autres que ceux mentionnés à l'article 9, les exploitants communiquent au moyen du récépissé prévu à l'article 8, sous leur responsabilité et avec le maximum de précisions possible tous les renseignements en leur possession sur l'emplacement de leurs ouvrages existant dans la zone où se situent les travaux projetés et y joignent les recommandations techniques écrites applicables à l'exécution des travaux à proximité desdits ouvrages. / Si les travaux, en raison de leurs conditions de réalisation telles que celles-ci sont précisées dans la déclaration souscrite par l'exécutant, rendent nécessaire le repérage, préalable et en commun, de l'emplacement sur le sol des ouvrages, les exploitants en avisent, au moyen du même récépissé, l'exécutant des travaux afin de coordonner les dispositions à prendre. " ;
Considérant qu'il est constant qu'en application des dispositions précitées des articles 8 et 10 du décret susvisé du 14 octobre 1991, GRDF a communiqué à l'entreprise Jean Lefebvre Ile-de-France, auteur de la déclaration d'intention de commencement de travaux datée du 3 juillet 2008, un récépissé indiquant la présence d'au moins un ouvrage au 74 boulevard de la République auquel était annexé le plan du réseau de gaz ainsi que les recommandations techniques aux termes desquelles " la position exacte des ouvrages est à déterminer sur le chantier par sondage manuel (...) les ouvrages (...) ne sont pas signalés par grillage avertisseur " ; qu'alors que devant les premiers juges l'entreprise se bornait, sans autres précisions, à soutenir que la conduite de gaz n'était " pas correctement positionnée " sur le plan, il ne résulte pas de l'instruction, notamment du plan annexé qui indique la présence de deux canalisations de gaz situées de chaque côté de la rue concernée par les travaux que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, l'entreprise Jean Lefebvre Ile-de-France ait pu être induite en erreur par le plan de GRDF ; que si l'entreprise reprend en appel le motif du jugement attaqué tiré de ce que le plan fourni par GRDF aurait concerné le 71 et non le 74 boulevard de la République, elle n'établit pas que cette erreur, à la supposer établie, pouvait la conduire à penser qu'aucune conduite de gaz n'était concernée par ses travaux d'assainissement dès lors notamment que le récépissé mentionnait explicitement l'existence d'un ouvrage, sans aucune confusion possible sur le numéro de la rue ; qu'ainsi l'entreprise Jean Lefebvre Ile-de-France était pleinement informée ; que, par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux envisagés auraient nécessité, en raison de leurs conditions de réalisation, le repérage, préalable et en commun, de l'emplacement sur le sol des ouvrages ; qu'enfin l'entreprise qui avait été pleinement informée de l'absence de grillage avertisseur mais n'a procédé à aucun sondage manuel préalable à l'utilisation de l'engin de terrassement n'est pas fondée, nonobstant l'absence de grillage avertisseur dont l'obligation alléguée n'est pas établie par l'instruction, à se prévaloir d'une faute qu'aurait commise GRDF ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que GRDF est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu l'existence d'une faute de sa part qui serait pour partie à l'origine de l'accident survenu le 22 juillet 2008 et qui atténuerait la responsabilité de la société intimée ; qu'il s'ensuit que l'entreprise Jean Lefebvre Ile-de-France doit réparer l'ensemble des préjudices subis par la GRDF qui trouvent leur cause dans ledit accident ; que l'appel incident de l'entreprise Jean Lefebvre Ile-de-France en tant qu'il remet en cause le principe de sa responsabilité pleine et entière doit ainsi être rejeté ;
Sur le préjudice :
Considérant que GRDF, qui a la qualité de tiers par rapport aux travaux litigieux, peut demander que la responsabilité sans faute de l'entreprise Jean Lefebvre Ile-de-France soit engagée à raison du préjudice qu'ont occasionné pour elle les dommages accidentels de travaux publics en cause, alors même que GRDF ne démontrerait pas elle-même le caractère anormal et spécial de ce préjudice ;
Considérant d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le montant de la réparation réalisée sur la canalisation de gaz endommagée par l'entreprise Jean Lefebvre Ile-de-France et de la main d'oeuvre affectée à cette réparation s'élève à la somme de 1 752,28 euros ;
Considérant, d'autre part, que GRDF soutient que, pour remettre en service les installations individuelles de 1 250 abonnés desservis par la conduite endommagée, elle était dans l'obligation d'accéder à 1 250 foyers et aurait ainsi supporté sur la période du 22 au 29 juillet 2008 des frais de personnel à hauteur de 48 260,88 euros correspondant à la rémunération de 555,25 heures d'opérateurs et de 126,25 heures de techniciens ; que l'entreprise Jean Lefebvre Ile-de-France conteste sérieusement la demande en faisant notamment valoir l'absence d'éléments permettant de vérifier le nombre d'installations de gaz des clients "impactées par la fuite " ; que si aucun principe ne s'oppose à ce que GRDF demande le remboursement des sommes exposées au titre des heures de travail des agents chargés de remédier aux dommages directement occasionnés par l'accident, il résulte de l'instruction que tant en première instance qu'en appel, les pièces produites, notamment les relevés horaires nominatifs dépourvus de toute précision sur les tâches accomplies par les agents concernés n'établissent pas l'existence d'un lien direct et certain entre les dommages de la conduite souterraine survenus au seul n° 74 du boulevard de la République et la somme précitée demandée correspondant à des visites individuelles d'en moyenne une demi-heure chez chacun des 1250 abonnés ; que GRDF n'est, par suite, pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal n'a pas fait droit à sa demande sur ce chef de préjudice ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, la condamnation de l'entreprise Jean Lefebvre Ile-de-France doit être portée à la somme de 1 752,28 euros en réparation du préjudice subi par GRDF ; que le jugement doit être réformé en tant qu'il a accordé à cette dernière la somme de seulement 861,53 euros ;
Sur les intérêts :
Considérant que GRDF a droit aux intérêts de la somme de 1 752,28 euros à compter, ainsi qu'elle le demande, du 8 juillet 2009, date de réception d'un courrier informant la société Entreprise Jean Lefebvre Ile-de-France de la saisine de l'avocat de GRDF à défaut de règlement de la somme demandée par GRDF ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
Considérant que, d'une part, les dispositions précitées font obstacle à ce que GRDF, qui n'a pas la qualité de partie perdante à la présente instance, verse à la société Entreprise Jean Lefebvre Ile-de-France la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Entreprise Jean Lefebvre Ile-de-France la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par GRDF et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La société Entreprise Jean Lefebvre Ile-de-France est condamnée à verser à GRDF la somme la somme de 1 752,28 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 2009.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil n° 1003407 du 27 mai 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La société Entreprise Jean Lefebvre Ile-de-France versera à GRDF la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 11VE03026