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14/03/2013 | FRANCE | N°11VE03481

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 14 mars 2013, 11VE03481


Vu l'ordonnance en date du 29 septembre 2011 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application de l'article R.351-1 du code de justice administrative, renvoyé à la Cour administrative d'appel de Versailles le jugement de la requête enregistrée le 8 août 2011, présentée pour M. C...D..., demeurant..., et Mme B...F..., demeurant..., par Me Blanchetier, avocat ;

Ils demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement no 1010246 du 16 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à l'annulation d

e la décision en date du 10 septembre 2010, ensemble celles du 16 septe...

Vu l'ordonnance en date du 29 septembre 2011 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application de l'article R.351-1 du code de justice administrative, renvoyé à la Cour administrative d'appel de Versailles le jugement de la requête enregistrée le 8 août 2011, présentée pour M. C...D..., demeurant..., et Mme B...F..., demeurant..., par Me Blanchetier, avocat ;

Ils demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement no 1010246 du 16 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision en date du 10 septembre 2010, ensemble celles du 16 septembre 2010, par lesquelles le maire de Saint-Ouen a refusé de publier leurs tribunes présentées au nom des groupes respectivement, " Saint Ouen en toute liberté " et " Union centriste-UDF-Modem ", dans le numéro 17 du 16 septembre 2010 du journal de Saint-Ouen ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au maire de Saint-Ouen de publier, dans la prochaine édition du bulletin municipal d'informations suivant l'arrêt à intervenir, les tribunes qu'ils lui ont adressées en vue de leur publication dans le numéro 17 du 16 septembre 2010 du journal de Saint-Ouen ;

4°) d'ordonner la publication de la décision à intervenir dans le bulletin municipal sous astreinte ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Ouen le versement à chacun des requérants de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

- que la décision du maire de ne pas publier leurs tribunes est contraire au droit d'expression des élus de l'opposition ; que le critère de taille qui leur a été opposé n'a jamais été appliqué et ne l'a pas été à la tribune publiée dans le bulletin en litige par la majorité ; que la tolérance alléguée de 10 % permettant un dépassement jusqu'à 1650 caractères ne ressort d'aucune disposition ; que la commune a ainsi commis une inégalité de traitement et a appliqué une discrimination sur la publication des tribunes en raison de l'appartenance politique des conseillers municipaux ;

- que la tribune de M. D...ne fait pas référence à son éventuelle candidature au mois de mars 2011 alors qu'en outre les juridictions appliquent des règles plus contraignantes en période électorale et sanctionnent toute atteinte au droit d'expression lorsqu'elles ne sont justifiées que par la période électorale ; que la décision de la commune est entachée d'erreur droit sur ce point, les dispositions des articles L. 52-1 et L. 52-8 n'interdisant pas aux conseillers municipaux de publier leurs interventions au sens des publications municipales ;

- que les premiers juges ont commis une erreur d'interprétation en neutralisant le second motif opposé de manière illégale à leur demande tiré de la méconnaissance du code électoral ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 2013 :

- le rapport de Mme Ribeiro-Mengoli, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Agier-Cabanes, rapporteur public,

- et les observations de Me A...(E...), pour la commune de Saint-Ouen ;

1. Considérant que M. D...et MmeF..., conseillers municipaux, ont chacun adressé au maire de Saint-Ouen un article au nom des groupes, respectivement " Saint Ouen en toute liberté " et " Union centriste-UDF-Modem ", n'appartenant pas à la majorité municipale, afin qu'il soit publié dans la rubrique " la tribune " du numéro 17 du magazine municipal " le journal de Saint-Ouen " du 16 septembre 2010 ; que par un courrier électronique en date du 10 septembre 2010, le maire de Saint-Ouen informait M. D...que son article ne pouvait être publié en l'état aux motifs, d'une part, que sa longueur excédait 1 500 caractères et, d'autre part, que contrairement aux dispositions du code électoral, l'auteur y évoquait les élections cantonales dont le scrutin était prévu dans moins de six mois ; que le journal de Saint-Ouen est paru le 16 septembre 2010 sans que lesdites tribunes n'y soient insérées ; que M. D...et Mme F... relèvent régulièrement appel du jugement du 16 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision en date du 10 septembre 2010, ensemble celles du 16 septembre 2010, par lesquelles le maire de Saint-Ouen a refusé de publier leur article dans le journal de Saint-Ouen n° 17 ;

Sur la légalité des refus de publication opposés par le maire de Saint-Ouen et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de première instance :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, lorsque la commune diffuse, sous quelque forme que ce soit, un bulletin d'information générale sur les réalisations et la gestion du conseil municipal, un espace est réservé à l'expression des conseillers n'appartenant pas à la majorité municipale. Les modalités d'application de cette disposition sont définies par le règlement intérieur " ;

3. Considérant que pour justifier du bien-fondé des refus d'insertion des tribunes des requérants, le maire de Saint-Ouen invoque le non respect par leurs auteurs des dispositions de l'article 50 du règlement intérieur du conseil municipal adopté par délibération du 20 octobre 2008 limitant le nombre de signes par article à 1500 et, en outre, s'agissant de la tribune dont M. D... a sollicité la publication au nom du groupe " Saint Ouen en toute liberté ", la méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral ;

4. Considérant, en premier lieu, que selon le deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : " Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués. " ;

5. Considérant que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a jugé que la tribune de M.D..., dont la publication devait intervenir plus de trois mois avant les élections cantonales et n'entrait donc pas dans le champ d'application du premier alinéa de l'article L. 52-1 précité du code électoral, ne pouvait davantage être regardée comme une campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité au sens du second alinéa du même article ; que la commune de Saint-Ouen fait valoir en appel que le second motif opposé à la demande de M. D...tiré de l'illégalité au regard du code électoral de " l'évocation des cantonales à moins de six mois du scrutin " reposait sur les dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral et non sur celles de l'article L. 52-1 du même code invoquées par les premiers juges ;

6. Considérant toutefois qu'il résulte des dispositions susvisées de l'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales que la commune est tenue de réserver dans son bulletin d'information, lorsqu'elle diffuse un tel bulletin, un espace d'expression réservé à l'opposition municipale et qu'elle ne saurait contrôler le contenu des articles publiés dans ce cadre, qui n'engagent que la responsabilité de leurs auteurs ; que, dans ces conditions, le second motif opposé par le maire de Saint-Ouen à la demande de M. D...d'insertion dans le magazine municipal de la tribune du groupe " Saint Ouen en toute liberté " tiré de l'évocation des élections cantonales, est entaché d'une erreur de droit ; qu'au surplus, si les articles publiés dans le cadre de l'espace d'expression réservé à l'opposition municipale sont susceptibles d'être regardés, en fonction de leur contenu et de leur date de parution, comme des éléments de propagande électorale de leurs auteurs, ils ne sauraient être assimilés à des dons émanant de la commune, personne morale, au sens des dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral ; que, par suite, la commune de Saint-Ouen n'est pas fondée à soutenir que son maire était tenu de solliciter la rectification de l'article de M. D...en application desdites dispositions ;

7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 50 du règlement intérieur du conseil municipal de la commune de Saint-Ouen : " Les groupes politiques constitués pourront rédiger un texte à égalité de traitement. Ce texte devra comporter au maximum 1500 signes (espaces compris) (...) " ; qu'aux termes de l'article 51 dudit règlement : " Le respect du nombre de signes et des délais de transmission doit être effectué de façon rigoureuse. Les tribunes retardataires, trop longues, ou non rectifiées, ne pourront être publiées " ;

8. Considérant qu'il est constant que les tribunes adressées par les requérants au maire de Saint-Ouen comportaient un nombre de signes supérieur à celui autorisé par les dispositions susvisées de l'article 50 du règlement intérieur du conseil municipal ; que si les requérants font valoir que ces dispositions n'avaient jamais été mises en oeuvre par le maire de Saint-Ouen auparavant, de nombreux articles parus dans la rubrique " la tribune " comportant un nombre de signes supérieur à celui imposé par le règlement intérieur, dont au demeurant des articles présentés au nom des groupes respectifs des requérants, cette circonstance ne peut être utilement invoquée pour contester des décisions faisant une exacte application de dispositions normatives dont le strict respect s'imposaient au maire ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le maire de Saint-Ouen a adressé le 8 septembre 2010 à l'ensemble des présidents de groupes d'élus une lettre les informant qu'à compter de la publication du magazine municipal prévue pour le 16 septembre 2010, les tribunes dépassant 1500 signes ne seraient pas publiées " sans possibilité de dérogation " ; qu'il s'ensuit que M. D...et Mme F...ne sauraient non plus, en tout état de cause, se prévaloir de la tolérance dont a fait preuve le maire de la commune de Saint-Ouen dans le cadre des publications antérieures à celle en litige du 16 septembre 2010 ;

9. Considérant que s'il n'est pas contesté que le journal de Saint Ouen du 16 septembre 2010 et celui du 30 septembre 2010 ont chacun reçu la publication d'un article, pour le premier émanant du groupe Socialiste et Citoyen appartenant à la majorité municipale et, pour le second, du groupe " Association Saint-Ouen ensemble-autrement- Europe Ecologie ", n'appartenant pas à la majorité municipale, dépassant d'au plus 10 % le nombre de 1500 signes autorisé, les requérants, dont les tribunes contrevenaient aux dispositions de l'article 50 du règlement intérieur et contenaient au surplus un nombre de signes dépassant ceux autorisés pour les articles susvisés, ne peuvent utilement se prévaloir de la circonstance que le maire de la commune de Saint-Ouen a autorisé la publication des articles incriminés, pour soutenir que le refus qui leur a été opposé serait illégal ; qu'il résulte de ce qui précède que M. D...et Mme F...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que ce motif avait pu leur être opposé à bon droit par le maire de Saint-Ouen pour refuser d'insérer leurs tribunes dans l'édition du journal de Saint-Ouen du 16 septembre 2010 ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, ainsi que l'ont à bon droit retenu les premiers juges, que le maire de Saint-Ouen, qui avait informé les présidents des différents groupes d'élus le 8 septembre 2010 de ce qu'il veillerait désormais à ce que les dispositions de l'article 50 du règlement intérieur soient appliquées avec plus de rigueur et dont il ne ressort pas par ailleurs des pièces du dossier et n'est pas soutenu qu'il aurait opposé à MmeF..., pour fonder son refus de publier sa tribune, un motif tiré du contenu électoral de celle-ci, aurait pris la même décision en se fondant sur le seul motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 50 du règlement intérieur ; qu'il en résulte que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions des 10 et 16 septembre 2010 par lesquelles le maire de Saint-Ouen a refusé d'insérer la tribune de M. D...dans le journal de Saint-Ouen n° 17 et de la décision du 16 septembre 2010 par laquelle le maire de Saint-Ouen a également refusé d'insérer la tribune de Mme F...dans ledit journal ;

Sur les conclusions à fins d'injonction :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution." ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : "Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet." ;

12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions des requérants aux fins d'annulation des décisions par lesquelles le maire de Saint-Ouen a refusé d'insérer leurs tribunes dans le journal de Saint-Ouen n° 17, n'appelle aucune mesure d'exécution ; qu'il y a dès lors lieu de rejeter les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Ouen, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que les requérants réclament au titre des frais qu'ils ont exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas davantage lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants la somme que ladite commune réclame sur le fondement des dispositions susvisées ;

Sur les conclusions aux fins de publication de l'arrêt à intervenir :

14. Considérant que si les requérants demandent qu'il soit enjoint à la commune de Saint-Ouen de publier le présent arrêt, il n'appartient pas à la juridiction administrative d'ordonner une telle publication ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D...et Mme F...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Ouen présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 11VE03481


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 11VE03481
Date de la décision : 14/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-01-02-01-01 Collectivités territoriales. Commune. Organisation de la commune. Organes de la commune. Conseil municipal. Fonctionnement.


Composition du Tribunal
Président : M. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Nathalie RIBEIRO-MENGOLI
Rapporteur public ?: Mme AGIER-CABANES
Avocat(s) : BLANCHETIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-03-14;11ve03481 ?
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