Vu la requête, enregistrée le 3 avril 2013, présentée pour la Société CMA CGM, dont le siège social est 4 Quai d'Arenc à Marseille (13002), par MeA..., avocats ;
La Société CMA CGM demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1005635 en date du 4 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 24 avril 2010 par laquelle le ministre du travail a annulé la décision du 27 janvier 2010 par laquelle l'inspection du travail a déclaré M. C... apte à la reprise du travail ;
2° de rejeter la demande de M. C...tendant à l'annulation de la décision ministérielle du 24 avril 2010 ;
3° à titre subsidiaire, de juger qu'il n'y a lieu d'annuler la décision du 24 avril 2010 qu'en tant que le ministre du travail n'a pas statué sur l'aptitude de M.C... ;
4° à titre encore plus subsidiaire, en cas de confirmation de la solution retenue par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'enjoindre au ministre du travail de se prononcer à nouveau sur le recours hiérarchique dont elle l'a saisi dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ;
5° en tout état de cause, de condamner M. C...à lui verser une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la décision ministérielle du 24 avril 2010 est légale au regard de la règle jurisprudentielle applicable à cette date selon laquelle l'administration ne pouvait se prononcer sur l'aptitude d'un salarié après que son licenciement eut été prononcé ;
- le principe de sécurité juridique faisait obstacle à ce que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise fit application de la décision du Conseil d'Etat n° 34643 du 14 octobre 2011 par laquelle la juridiction a renversé sa précédente jurisprudence en jugeant que l'administration devait se prononcer sur l'aptitude d'un salarié même lorsqu'il avait été préalablement licencié ;
- l'annulation, sur le fondement de cette règle, de la décision ministérielle du 24 avril 2010 aurait pour conséquence de faire revivre la décision de l'inspection du travail du 27 janvier 2010 est susceptible de lui causer un préjudice important en remettant ainsi en cause la régularité du licenciement de M.C... ;
- aucun des autres moyens soulevés en première instance par M. C...n'était de nature à établir l'illégalité de la décision du ministre du travail du 24 avril 2010 ;
- cette décision est divisible, ce qui aurait dû conduire le tribunal administratif à ne l'annuler qu'en tant qu'elle ne statuait pas sur l'aptitude de M. C...sans remettre en cause l'annulation de la décision de l'inspection du travail du 27 janvier 2010 qui est illégale ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 janvier 2014 :
- le rapport de M. Meyer, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,
- et les observations de Me D...substituant Me A...pour la société CMA CGM ;
1. Considérant que M. C...a été recruté par la société CMA CGM le 21 janvier 1973 ; qu'à l'issue d'une période d'expatriation, il a été réintégré dans l'établissement de l'entreprise situé à Suresnes sur un emploi de responsable commercial grands comptes à compter du 21 janvier 2008 ; qu'il a bénéficié de congés de maladie du 2 avril 2008 au 13 mai 2009 ; qu'à l'issue de deux visites médicales de reprise, qui ont eu lieu les 18 mai et 25 juin 2009, le médecin du travail a déclaré l'intéressé inapte à son emploi de responsable commercial ; qu'après avoir tenté en vain de reclasser M.C..., la société CMA CGM l'a convoqué à un entretien préalable au licenciement le 16 novembre 2009 puis a prononcé son licenciement pour inaptitude le 27 novembre suivant ; que le 6 novembre 2009, M. C...a saisi l'inspection du travail d'une contestation relative à l'avis d'inaptitude du médecin du travail en date du 25 juin 2009 ; que, par une décision du 27 janvier 2010, l'inspectrice du travail de la 21ème section des Hauts-de-Seine a déclaré apte M.C... ; que, saisi d'un recours hiérarchique introduit par la société CMA CGM, le ministre du travail a, par une décision du 24 avril 2010, annulé la décision du 27 janvier 2010 ;
Sur le bien fondé du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise
2. Considérant que l'article L. 4624-1 du code du travail dispose que : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail. " ; qu'il ne résulte pas de ces dispositions, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire, que la contestation, présentée par le salarié devant l'inspecteur du travail, sur le fondement de l'article L. 4624-1 du code du travail, de l'avis émis par le médecin du travail sur son aptitude à occuper son emploi doive être introduite avant que le licenciement du salarié déclaré inapte ait pris effet ; que, saisi d'un recours hiérarchique dirigé contre la décision prise par l'inspection du travail, il appartient au ministre du travail, lorsqu'il annule la décision de l'inspection, de se prononcer sur l'aptitude du salarié ;
3. Considérant, en premier lieu, que la société CMA CGM soutient que cette règle jurisprudentielle nouvelle serait issue d'un revirement jurisprudentiel intervenu à l'occasion de la décision du Conseil d'Etat n° 346433 du 14 octobre 2011 " M.B... " et que le ministre ne pouvait donc être tenu, à la date de sa décision, d'appliquer une règle qui n'avait pas encore été dégagée par la jurisprudence ; que, toutefois, c'est par la décision n° 334834 du 27 juin 2011 " Société SEMG Veillé " que le Conseil d'Etat a jugé que l'administration, lorsqu'elle est saisie, sur le fondement des dispositions de l'article L. 4624-1 du code du travail, d'une contestation relative à l'aptitude d'un salarié, peut se prononcer sur l'aptitude de l'intéressé même postérieurement à son licenciement ; que cette solution n'a ni privé la société requérante de son droit au recours ni n'a porté une atteinte excessive à une relation contractuelle en cours ; que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise n'a pas, dans ces conditions, porté atteinte au principe de sécurité juridique ;
4. Considérant, en second lieu, que la société CMA CGM fait grief au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'avoir annulé intégralement la décision du ministre du travail du 24 avril 2010 alors que le moyen d'annulation retenu n'aurait du permettre que l'annulation de la décision ministérielle en tant qu'elle ne statuait pas à nouveau sur l'aptitude de M. C... ; que, toutefois, lorsqu'elle est saisie d'un recours hiérarchique, une autorité administrative ne peut se prononcer sur le bien fondé de la demande d'un administré que si elle annule la décision prise par l'autorité subordonnée qui est contestée devant elle ; que, par suite, la décision du 24 avril 2010 ne présente pas un caractère divisible ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé dans on intégralité la décision du ministre du travail du 24 avril 2010 ; que, par conséquent, la société CMA CGM n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement rendu le 4 février 2013 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction
6. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution de la part de l'administration, le ministre du travail ayant été, de plein droit, ressaisi du recours hiérarchique introduit devant lui par la société CMA CGM du fait de l'annulation de la décision du 24 avril 2010 prononcée par le jugement attaqué ; que les conclusions aux fins d'injonction de la requête ne peuvent être accueillies ;
Sur les frais irrépétibles
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que M. C..., qui n'est pas la partie perdante de la présente instance, soit condamné à verser à la société CMA CGM la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société CMA CGM le versement à M. C...d'une somme de 2 000 euros au même titre ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société CMA CGM est rejetée.
Article 2 : La société CMA CGM versera à M. C...la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 13VE01052 2