Vu la requête, enregistrée le 9 septembre 2013, présentée pour la SA CDISCOUNT, dont le siège social est sis 4/6 Cours de l'Intendance à Bordeaux (33000), par Me Decombe, avocat ;
La SA CDISCOUNT demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1303177 du 11 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la réduction, à concurrence de 752 282 euros, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011 ou, à titre subsidiaire, à la réduction, à concurrence de 687 159 euros, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 ;
2° de prononcer la réduction sollicitée ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- l'article 1586 quinquies du code général des impôts introduit une inégalité des contribuables devant l'impôt, en méconnaissance de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;
- en effet, un redevable qui, comme la requérante, modifie la date de clôture de son exercice au cours d'une année civile est imposé sur la base d'une valeur ajoutée produite sur une période plus longue et doit donc payer une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises plus importante qu'un redevable dont l'exercice coïncide avec l'année civile et qui n'a pas eu à modifier la date de clôture de ce dernier en cours d'année ; une telle distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire dès lors qu'elle n'est pas assortie, comme au cas particulier, de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères rationnels en rapport avec les buts des dispositions établissant cette distinction ;
- la créance résultant du droit à dégrèvement ou à remboursement d'une imposition irrégulièrement établie constitue un bien au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; au cas particulier l'espérance légitime que la requérante a de se voir restituer le trop plein de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qu'elle a versé doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations ; ainsi l'atteinte à ses biens est caractérisée ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 janvier 2014 :
- le rapport de M. Coudert, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;
1. Considérant que la SA CDISCOUNT a été assujettie à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2010 et 2011 pour des montants respectifs de 916 211 euros et 1 755 324 euros ; que la SA CDISCOUNT relève régulièrement appel du jugement du 11 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la réduction, à concurrence de 752 282 euros, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2011 ou, à titre subsidiaire, à la réduction, à concurrence de 687 159 euros, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 ;
Sur la demande de transmission au Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article " ; qu'aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office. / (...) " ; qu'enfin aux termes de l'article 23-2 de cette même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. / En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. / (...) " ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 1586 ter du code général des impôts : " I. - Les personnes physiques ou morales (...) qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 euros sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. / II. - 1. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie à l'article 1586 sexies. / Pour la détermination de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, on retient la valeur ajoutée produite et le chiffre d'affaires réalisé au cours de la période mentionnée à l'article 1586 quinquies (...) " ; qu'aux termes de l'article 1586 quinquies du même code : " I. - 1. Sous réserve des 2, 3 et 4, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est déterminée en fonction du chiffre d'affaires réalisé et de la valeur ajoutée produite au cours de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. / (...) 4. Lorsque plusieurs exercices sont clôturés au cours d'une même année, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est établie à partir du chiffre d'affaires réalisé et de la valeur ajoutée produite au cours des exercices clos, quelles que soient leurs durées respectives. / 5. Dans les situations mentionnées aux 1 à 4, il n'est pas tenu compte de la fraction d'exercice clos qui se rapporte à une période retenue pour l'établissement de l'impôt dû au titre d'une ou de plusieurs années précédant celle de l'imposition. / (...) " ;
4. Considérant que la SA CDISCOUNT, qui clôturait ses exercices au 31 mars de chaque année, a décidé en 2011 de fixer la clôture de ses exercices au 31 décembre ; que, par application des dispositions précitées du 4 de l'article 1586 quinquies du code général des impôts, la société requérante a été en conséquence assujettie à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre de l'année 2011 à raison, d'une part, de l'exercice de douze mois allant du 1er avril 2010 au 31 mars 2011 et, d'autre part, de l'exercice de neuf mois allant au 1er avril 2011 au 31 décembre 2011 ; que la SA CDISCOUNT soutient que les dispositions en cause, qui ont pour effet de l'imposer à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre d'une même année sur la base d'une valeur ajoutée produite sur une période plus longue que la période de douze mois normalement applicable, méconnaîtraient les principes d'égalité devant la loi et devant l'impôt ; que, cependant, les dispositions de l'article 1586 quinquies du code général des impôts, et notamment celles du 4 de cet article, permettent, pour la détermination du montant de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont une entreprise est redevable, de prendre en compte l'intégralité de la valeur ajoutée produite par cette dernière ; que si, lorsqu'une entreprise décide de modifier la date de clôture de ses exercices, les dispositions en cause peuvent avoir pour effet de l'assujettir à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, au titre d'une année donnée, à raison d'une valeur ajoutée produite au cours d'une période plus longue que celle de douze mois normalement applicable en vertu du 1 de l'article 1586 quinquies, cette circonstance ne saurait permettre de regarder les dispositions du 4 de cet article comme portant atteinte aux principes d'égalité devant la loi et devant l'impôt dès lors qu'elles permettent d'imposer une valeur ajoutée qui, à défaut, n'aurait pu être prise en compte au titre d'aucune année, et, par là-même d'éviter que certains contribuables soient favorisés ; qu'il suit de là que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SA CDISCOUNT est dépourvue de caractère sérieux ; qu'il n'y a, dès lors, pas lieu de la transmettre au Conseil d'Etat ;
Sur les conclusions aux fins de réduction des impositions en litige :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ; qu'en vertu des stipulations de l'article premier du premier protocole additionnel à cette convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens " ;
6. Considérant qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations précitées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères rationnels en rapport avec les buts des dispositions établissant cette distinction ;
7. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 4, que les dispositions de l'article 1586 quinquies, et notamment celles du 4 de cet article, permettent de soumettre à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises l'intégralité de la valeur ajoutée produite par une entreprise, quelle que soit la date de clôture de ses exercices comptables ; que, dès lors, si l'application de ces dispositions peut avoir pour effet d'assujettir un contribuable à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre d'une année donnée à raison d'une valeur ajoutée produite au cours d'une période plus longue que celle de douze mois normalement applicable, cette circonstance n'est pas constitutive d'une discrimination au sens des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA CDISCOUNT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SA CDISCOUNT.
Article 2 : La requête de la SA CDISCOUNT est rejetée.
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N° 13VE02930