Vu la requête, enregistrée le 4 avril 2012, présentée par Mme A...B...demeurant ... ; Mme B...demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1007641 du 2 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices subis du fait de la dégradation de ses conditions de travail à la direction de la protection judiciaire de la jeunesse de la Seine-Saint-Denis ;
2° de condamner le Ministre de la justice à lui verser la somme de 9 999 euros en réparation de son préjudice moral, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts ;
3° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- elle a connu une grave dégradation de ses conditions de travail et être tombée malade du fait de celle-ci ; qu'elle a connu un processus d'exclusion de ses fonctions qui s'est traduit par des irrégularités administratives, des appréciations péjoratives, des accusations injustifiées et des atteintes récurrentes à sa dignité, à sa carrière et à ses droits ; qu'elle a donc subi des agissements de harcèlement moral en méconnaissance des dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 ;
- le jugement comporte deux inexactitudes dans le rappel de l'argumentation des parties ;
- il n'a pas été fait lecture du rapport lors de l'audience publique ;
- le tribunal administratif n'a pas tenu compte de la note en délibéré présentée par son avocat le 25 janvier 2012 ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 2014 :
- le rapport de Mme Lepetit-Collin, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Delage, rapporteur public ;
- et les observations de Mme B...;
Et connaissance prise des notes en délibéré, enregistrées les 7 et 20 février 2014, présentées par MmeB... ;
1. Considérant qu'à partir de l'année 1979, Mme B...a exercé les fonctions d'éducatrice au service de la protection judiciaire de la jeunesse, en qualité de contractuelle dans un premier temps, puis en qualité de titulaire à partir d'octobre 1982, après avoir passé, avec succès les épreuves du concours externe ; qu'en 1997, elle a passé, avec succès également, le concours interne pour devenir chef de service éducatif ; qu'elle a été titularisée dans ce corps en septembre 1999 avec effet au 1er septembre 1998 ; que dans le cadre de l'exercice de ces fonctions, Mme B...soutient avoir vécu une dégradation de ses conditions de travail caractérisée par des irrégularités administratives, des appréciations péjoratives, des accusations injustifiées et des atteintes récurrentes à sa dignité, à sa carrière et à ses droits ; que, par une requête enregistrée le 16 juillet 2010, Mme B...a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande indemnitaire tendant à la réparation des préjudices nés de cette situation ; que, par jugement en date du 2 février 2012, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que Mme B...relève appel de ce jugement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par l'administration ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que Mme B...soutient que le jugement entrepris serait entaché d'inexactitudes matérielles de nature à affecter sa régularité ; que toutefois, si elle soutient que les visas du jugement mentionneraient à tort qu'elle aurait invoqué une dégradation de sa santé " physique ", il ressort des pièces du dossier de première instance que la requérante a elle-même évoqué cette circonstance dans sa demande ; que si les visas du jugement mentionnent que le ministre évoque, dans son mémoire en défense, une pathologie sans rappeler qu'il avait qualifié cette dernière de pathologie " mentale ", cette circonstance est sans incidence sur la régularité des mentions du jugement attaqué qui ne sont pas erronées de ce seul fait ;
3. Considérant que si Mme B...soutient que, contrairement aux mentions du jugement attaqué, le rapport de M. Buisson, rapporteur du dossier au Tribunal administratif de Montreuil, n'aurait pas été lu au cours de l'audience publique, cette circonstance n'est pas établie ;
4. Considérant que la note en délibéré présentée le 25 janvier 2012 par la requérante est visée par le jugement attaqué ; que si les premiers juges n'ont pas communiqué cette note et n'ont pas décidé de rouvrir l'instruction postérieurement à la production de celle-ci, il résulte de l'instruction que cette dernière n'apportait pas, pour la solution du litige, d'élément nouveau de nature à justifier une telle réouverture ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de la régularité du jugement attaqué ne sont pas fondés et doivent être écartés ;
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé aux agissements définis ci-dessus. / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public. " ;
7. Considérant, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que, d'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;
8. Considérant que s'il résulte de l'instruction que si Mme B...ne s'est jamais vu confier les responsabilités auxquelles elle aurait en principe pu prétendre à raison de son grade, cette situation résulte des difficultés personnelles et professionnelles rencontrées par elle, du fait de sa santé fragile, difficultés que sa hiérarchie a estimées incompatibles avec l'exercice des taches normalement confiées à un chef de service éducatif ; que si Mme B...soutient également avoir été victime de rumeurs répandues par sa hiérarchie sur une prétendue pathologie alcoolique la concernant, il ne résulte pas de l'instruction que cette suspicion, évoquée, certes maladroitement et de manière irréfléchie, dans des courriers adressés à la requérante l'incitant à entreprendre une démarche de soins, ait été ébruitée aux collègues de travail de la requérante ou se soit inscrite dans une démarche tendant à la dénigrer ; que si le Tribunal administratif de Paris a annulé, dans son jugement en date du 23 décembre 2012, les décisions par lesquelles Mme B...s'est vu refuser le bénéfice d'un congé de longue durée et a été mise à la retraite d'office pour invalidité, il ne résulte pas de ce jugement, au demeurant postérieur au jugement attaqué, qu'elle aurait été victime du harcèlement qu'elle allègue ; qu'ainsi, Mme B...n'établit pas l'existence d'une volonté délibérée de sa hiérarchie de lui nuire dans l'exercice de ses fonctions, constitutive d'un harcèlement moral au sens des dispositions précitées ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation du harcèlement moral subi dans le cadre de l'exercice de ses fonctions ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour mette à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que Mme B...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
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N° 12VE01245 2