Vu la requête, enregistrée le 28 novembre 2012, présentée pour la SAS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE, ayant son siège 27 rue de la Chaussée d'Antin à Paris (75009), par Me Fasquel, avocat ; la SAS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1101679 du 4 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période allant du 1er janvier 2008 au 31 mars 2010 et des pénalités correspondantes ;
2° de prononcer la décharge sollicitée ;
Elle soutient que :
- le crédit gratuit est une modalité de crédit à la consommation, qui, en l'espèce, est matérialisé par l'attribution aux clients de ses magasins d'une carte de crédit Cofinoga ; les opérations de crédit gratuit se décomposent, d'une part, en la formation d'un contrat de vente entre la société et le client ayant pour objet un article proposé à la vente dans le magasin et comportant une condition suspensive relative à l'obtention d'un prêt Laser Cofinoga, moyennant un prix supérieur au prix au comptant, mais réduit du montant des intérêts de l'emprunt contracté par le client et affecté au financement de l'achat de l'article, qu'elle s'oblige à prendre en charge, d'autre part, en la formation d'un contrat de prêt entre le prêteur, Laser Cofinoga, et son client qui devient emprunteur ; la particularité du crédit gratuit réside dans le fait que, lors de l'exécution de ce contrat de prêt entre l'organisme de crédit et le consommateur, c'est le vendeur de l'article qui prend en charge les frais de crédit ; le crédit gratuit doit donc en réalité être regardé comme un crédit à titre onéreux dont les intérêts sont pris en charge par le vendeur ;
- en application du a) de l'article 266-1 et du 1° du II de l'article 267 du code général des impôts, qui transposent les articles 73 et 79 b) de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, ainsi que de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée dans le cadre d'opérations promotionnelles de crédit gratuit est constituée par le prix convenu entre les parties et non le prix affiché ; en effet, dans le cas d'opérations de livraisons de biens dont le paiement est effectué au moyen d'un crédit gratuit ou " trois fois sans frais ", la contrepartie qu'elle perçoit réellement, et qui sert à déterminer la base d'imposition à la TVA, correspond au prix de vente affiché diminué du montant des intérêts financiers qu'elle prend à sa charge pour le compte de ses clients ; en outre, à la différence du cas jugé par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 15 mai 2001, Commissionners of customs et excise c/Primback ltd, en vertu des dispositions du code de la consommation, notamment de ses articles L. 311-6 et L. 311-7, le prix net varie selon que l'acheteur paie au comptant ou à crédit ou " trois fois sans frais ", étant relevé que le crédit gratuit repose sur une offre du vendeur et non sur une demande de l'acheteur ; à cet égard, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le client, qu'il soit ou non détenteur d'une carte accréditive, est toujours informé du coût du crédit, pris en charge par le vendeur, de sorte que les parties ont une parfaite connaissance des conditions de détermination du prix qui varie selon les conditions de financement du bien concerné ;
- l'imposition sur la base du seul prix affiché viole le principe communautaire de la neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée en ce qu'elle conduit à traiter différemment la même opération économique selon que le crédit gratuit est consenti directement par le vendeur, qui consent une réduction de prix égale au montant des intérêts à payer par l'acheteur à l'établissement de crédit, ou par l'établissement de crédit, le vendeur consentant alors à l'acheteur une réduction de prix égale au montant des intérêts à payer par l'acheteur ; en effet, dans les deux cas, le vendeur supporte finalement le coût du crédit et la contrepartie perçue, qui constitue la base taxable à la TVA, est identique ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;
Vu la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
Vu le code de la consommation ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 septembre 2014 :
- le rapport de M. Huon, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public ;
1. Considérant que la SAS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE, qui a pour activité l'exploitation de grands magasins, a conclu avec la société de financement Compagnie de financement des Nouvelles galeries (Cofinoga) un accord portant sur les modalités de prise en charge des intérêts correspondant aux crédits gratuits et aux règlements en trois fois sans frais accordés aux clients détenteurs de la carte de crédit Galeries Lafayette délivrée par la société Cofinoga ; que la SAS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE reçoit de cette dernière l'intégralité du prix toutes taxes comprises affiché en magasin et mentionné sur le ticket de caisse remis au client et, en application de l'accord, reverse à la société Cofinoga le montant des intérêts des crédits accordés par cette dernière ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la SAS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE et aux termes d'une proposition de rectification du 24 juin 2010, l'administration a, sur le fondement des dispositions des articles 266 et 267-II du code général des impôts, réintégré à la base imposable à la taxe sur la valeur ajoutée de la SAS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE, afférente à la période allant du 1er janvier 2008 au 31 mars 2010, le montant des frais financiers ainsi versés à la société Cofinoga ; que la requérante fait appel du jugement du 4 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été ainsi assignés au titre de ladite période ainsi que des pénalités correspondantes ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 266 du code général des impôts : " 1° La base d'imposition est constituée : / a) Pour les livraisons de biens les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations " ; qu'aux termes de l'article 267 du même code : " (...) II. Ne sont pas à comprendre dans la base d'imposition : 1° les escomptes de caisse, remise, rabais, ristournes et autres réductions de prix consenties directement aux clients (...) " ;
3. Considérant, en premier lieu, que, pour l'application de ces dispositions, qui assurent la transposition en droit interne de celles du A de l'article 11 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 susvisée reprises aux articles 73 et 79 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, les modalités de paiement utilisées dans la relation entre un acheteur et un fournisseur ne peuvent pas affecter la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée de l'opération de vente entre le fournisseur et l'acheteur ; qu'ainsi, la base d'imposition de l'opération de vente de biens conclue entre un fournisseur et un acheteur est le montant total affiché par le vendeur, facturé à l'acheteur et dû par ce dernier ; qu'est sans incidence sur cette base d'imposition la circonstance que, dans le cadre d'opérations promotionnelles de crédit gratuit, le vendeur prenne à sa charge les frais des emprunts contractés par ses clients pour pouvoir régler leurs achats en versant à l'établissement prêteur une somme égale au coût du crédit qu'auraient supporté les clients emprunteurs, dès lors que le vendeur ne propose pas spontanément aux clients, qu'ils soient titulaires ou non d'une carte de l'établissement prêteur, souhaitant régler comptant leurs achats une réduction de prix équivalente à l'avantage ainsi consenti aux clients bénéficiant d'un crédit gratuit ;
4. Considérant, par suite, que la prise en charge des intérêts financiers susmentionnés, par la SAS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE, des prêts consentis à ses clients par la société Cofinoga, ne présente pas le caractère d'une remise consentie directement aux clients et qui, comme telle, devrait venir en déduction du prix de vente des marchandises pour le calcul de la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée, par application des dispositions précitées du 1° du II de l'article 267 du code général des impôts ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que les clients de la SAS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE, détenteurs de cartes de crédit, n'ont pas connaissance du contrat conclu entre celle-ci et la société de financement Cofinoga, émetteur des cartes de crédit et consentant des prestations de service autonomes à la société requérante ; qu'enfin, si la SAS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE fait valoir qu'en vertu de l'article L. 311-7 du code de la consommation, elle proposait un escompte aux clients détenteurs de la carte Cofinoga désireux de financer leur achat au comptant, il n'est allégué ni que cette possibilité soit également offerte aux autres clients de l'enseigne, non détenteurs de cette carte, ni que le pourcentage de cette remise serait équivalent à celui appliqué par la société Confinoga au titre des intérêts pour l'octroi, au client, d'un crédit gratuit ou d'un règlement en trois fois sans frais ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que dès lors que la taxe sur la valeur ajoutée en litige a été régulièrement calculée sur la totalité du prix de vente affiché et facturé par la société requérante et que le montant de la taxe reversée par la société à l'Etat n'est pas supérieur à celui finalement supporté par le client, consommateur final, la circonstance que ce prix soit mentionné sur un ticket de caisse ou une facture est inopérante ; que les dispositions de la loi n° 89-421 du 25 juin 1989 relative à l'information et à la protection des consommateurs ainsi qu'à diverses pratiques commerciales sont sans incidence sur la détermination de la base taxable à la taxe sur la valeur ajoutée et, par voie de conséquence, sur l'application de la loi fiscale ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ne peut qu'être écarté ; qu'en revanche, si l'administration n'était autorisée à percevoir la taxe sur la valeur ajoutée que sur une fraction du prix facturé à l'acheteur et dû par celui-ci, une partie du prix affiché des marchandises vendues au consommateur final ne serait pas soumise à la taxe, de sorte que le principe de la neutralité fiscale serait, alors, méconnu ;
6. Considérant, en troisième lieu, que la SAS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE ne peut utilement invoquer la méconnaissance des articles L. 311-3 et L. 311-9 du code de la consommation, relatifs aux conditions d'ouverture de crédit et aux opérations de financement pour l'acheteur à crédit, alors que le présent litige concerne uniquement les crédits gratuits et les règlements " trois fois sans frais " et, qu'en outre, ces dispositions, qui ne sont pas de nature fiscale, sont sans incidence sur la détermination de la base imposable ;
7. Considérant, enfin, que si la SAS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE se prévaut de la doctrine en matière de droit économique et comptable, elle n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier la portée ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS MAGASINS GALERIES LAFAYETTE est rejetée.
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N° 12VE03929