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16/12/2014 | FRANCE | N°13VE03647

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 16 décembre 2014, 13VE03647


Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2013, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Metin, avocat ;

M. B... demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1103646 du 3 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 13 mai 2011 par laquelle l'inspectrice du travail de la 10ème section des Yvelines a autorisé la société Aldi marché à le licencier pour motif disciplinaire ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3° de mettre à la cha

rge de la société Aldi marché le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'a...

Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2013, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Metin, avocat ;

M. B... demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1103646 du 3 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 13 mai 2011 par laquelle l'inspectrice du travail de la 10ème section des Yvelines a autorisé la société Aldi marché à le licencier pour motif disciplinaire ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3° de mettre à la charge de la société Aldi marché le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le Tribunal administratif de Versailles, un salarié protégé peut, sans commettre de faute, refuser un changement dans ses conditions de travail ;

- la mutation qui lui a été infligée à titre disciplinaire par son employeur n'était pas justifiée ;

- la clause de mobilité qui figure dans un contrat de travail doit être mise en oeuvre dans l'intérêt de l'entreprise et de bonne foi ;

- la sanction de la mutation est disproportionnée dès lors qu'elle fait obstacle à ce qu'il puisse s'occuper de son fils handicapé ;

- la sanction a été prise pour servir un objectif de discrimination syndicale ;

- la mutation sans rétrogradation n'est pas prévue par le règlement intérieur de l'entreprise ;

- le règlement intérieur de la société Aldi marché a été adopté au terme d'une procédure irrégulière et ne pouvait servir de fondement à la mutation qui lui a été infligée ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2014 :

- le rapport de M. Meyer, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B...a été recruté le 6 juin 2006 en qualité d'assistant magasin par la société Aldi marché ; qu'il a été promu responsable de magasin et affecté en cette qualité au magasin d'Orgeval à compter du 1er septembre 2007 ; qu'il a été désigné représentant syndical au sein du comité d'entreprise le 9 novembre 2010 ; qu'ayant constaté plusieurs dysfonctionnements dans le magasin d'Orgeval, la société Aldi marché a mis à pied M. B... le 10 décembre 2010 et a sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de le licencier ; que par une décision du 14 février 2011, cette demande a été rejetée ; que le

21 février 2011, la société Aldi marché a muté M. B...sur le poste de responsable du magasin de Carrières-sous-Poissy à compter du 7 mars 2011 à titre disciplinaire ; que M. B... ayant refusé cette mutation, il a été mis à pied le 7 mars 2011 ; que le

25 mars 2011, la société Aldi marché a saisi l'inspection du travail d'une nouvelle demande d'autorisation de licencier l'intéressé ; que par une décision du 13 mai 2011, cette autorisation lui a été accordée ; que M. B... a été licencié par un courrier du 17 mai 2011 ;

2. Considérant que le refus opposé par un salarié protégé à un changement de ses conditions de travail décidé par son employeur en vertu, soit des obligations souscrites dans le contrat de travail, soit de son pouvoir de direction, constitue, en principe, une faute ; qu'en cas d'un tel refus, l'employeur, s'il ne peut directement imposer au salarié ledit changement, doit, sauf à y renoncer, saisir l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement à raison de la faute qui résulterait de ce refus ; qu'après s'être assuré que la mesure envisagée ne constitue pas une modification du contrat de travail de l'intéressé, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'apprécier si le refus du salarié constitue une faute d'une gravité suffisante pour justifier l'autorisation sollicitée, compte tenu de la nature du changement envisagé, de ses modalités de mise en oeuvre et de ses effets, tant au regard de la situation personnelle du salarié, que des conditions d'exercice de son mandat ; qu'en tout état de cause, le changement des conditions de travail ne peut avoir pour objet de porter atteinte à l'exercice de ses fonctions représentatives ;

3. Considérant qu'en prononçant à l'encontre de M. B...une sanction consistant en une mutation, dans des fonctions identiques de responsable de magasin, du magasin d'Orgeval à celui de Carrières-sous-Poissy, la société Aldi marché a entendu imposer à l'intéressé un changement dans ses conditions de travail ; qu'en refusant de prendre ses nouvelles fonctions à Carrières-sous-Poissy le 7 mars 2011, M. B...a commis une faute ;

4. Considérant que la décision attaquée est fondée sur le fait que " même si la précédente demande d'autorisation de licenciement a donné lieu à un refus, il n'en demeure pas moins que certains faits ont été considérés comme matériellement établis et qu'ils peuvent donner lieu à une sanction autre que le licenciement " ; que dans sa décision du 15 février 2011, l'inspectrice du travail avait considéré que l'insuffisance des contrôles de fraîcheur et de rotation des produits était matériellement établie par un constat d'huissier du 10 décembre 2010, que M. B... n'utilisait pas les formulaires papier mis à sa disposition pour établir le planning de travail des salariés placés sous sa responsabilité, que dans certains cas de contrôle de tickets et de contrôle de caisses il manquait la contresignature du salarié contrôlé, que la procédure de consommation des produits du magasin par le personnel n'était pas respectée, que M. B...avait fait travailler un de ses salariés au-delà de la durée légale hebdomadaire maximale de travail et avait planifié tardivement la visite médicale d'un autre salarié et que ces faits n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier un licenciement ; que M.B..., qui se borne, dans ses mémoires, à rappeler les termes de la décision de l'inspectrice du travail du 15 février 2011 n'en conteste pas les énonciations ;

5. Considérant que par sa décision du 21 février 2011, la société Aldi marché a muté M. B... du magasin d'Orgeval à celui de Carrières-sous-Poissy en le maintenant dans des fonctions de responsable de magasin ; que si M. B...soutient que cette mutation engendrerait pour lui un allongement du temps de trajet pour se rendre sur son lieu de travail, il ressort des pièces du dossier que le magasin de Carrières-sous-Poissy est plus près de son domicile que celui d'Orgeval et que l'allongement du temps de parcours qu'il invoque ne saurait dépasser quelques minutes de sorte qu'il n'est pas de nature à l'empêcher de s'occuper de son fils handicapé et, notamment, de l'emmener le matin à l'école ; que, dès lors, en refusant cette modification de ses conditions de travail, M. B...a commis une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

6. Considérant qu'il n'est ni établi ni même soutenu que cette mutation serait de nature à faire obstacle à l'exercice par M. B...de son mandat syndical ;

7. Considérant que la décision du 21 février 2011 n'avait pas pour objet de faire jouer la clause de mobilité géographique figurant dans le contrat de travail de M.B... ; que

celui-ci n'est par conséquent pas fondé à soutenir que cette clause aurait été mise en oeuvre de manière irrégulière ;

8. Considérant que la seule circonstance que la société Aldi marché ait, en vain, contesté par voie juridictionnelle la désignation de M. B...en qualité de représentant syndical de la CGT au sein du comité d'entreprise n'est pas de nature à établir que la mutation disciplinaire prononcée à son encontre le 21 février 2011 était liée à l'exercice par celui-ci de son mandat syndical ; qu'il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier que l'action syndicale de M. B...aurait donné lieu à des conflits avec son employeur ; que le moyen tiré du caractère discriminatoire de la sanction du 21 février 2011 doit être écarté ;

9. Considérant que le moyen tiré de ce que la sanction de la mutation sans rétrogradation ne figure pas dans le règlement intérieur de la société Aldi marché manque en fait ;

10. Considérant que si M. B...soutient que le règlement intérieur de la société Aldi marché a été adopté irrégulièrement, ce moyen, relatif à la régularité de la sanction prononcée le 21 février 2011, relève d'un litige distinct ressortissant de la seule compétence de l'autorité judiciaire ; qu'il doit être écarté comme étant inopérant en tant qu'il est soulevé contre la décision du 13 mai 2011 ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Aldi marché, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. B...une somme de 1 500 euros à verser à la société Aldi marché sur le fondement des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B...versera à la société Aldi marché une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 13VE03647


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13VE03647
Date de la décision : 16/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: M. Emmanuel MEYER
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : METIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-12-16;13ve03647 ?
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