Vu la requête, enregistrée le 10 décembre 2013, présentée pour la COMMUNE DE CHAMBOURCY, représentée par son maire en exercice, par Me Bisdorff, avocat ;
La COMMUNE DE CHAMBOURCY demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 1004404 du 17 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la condamnation in solidum de la société Hervé et de son assureur, la SMABTP, à lui payer la somme de 46 656,56 euros TTC, de la société Tems et de son assureur, la compagnie d'assurances Areas dommages, à lui payer la somme de 3 559,06 euros TTC et de ces sociétés aux entiers dépens ;
2° de condamner in solidum la société Hervé et son assureur, la SMABTP, à lui payer la somme de 46 656,56 euros TTC, la société Tems et son assureur, la compagnie d'assurances Areas dommages, à lui payer la somme de 3 559,06 euros TTC, en réparation des désordres apparus dans le groupe scolaire maternelle de la rue du Jeu de Boule ;
3° de condamner in solidum ces sociétés aux entiers dépens ;
4° de mettre à la charge in solidum de ces sociétés la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La COMMUNE DE CHAMBOURCY soutient que :
- s'agissant des travaux réalisés par la société Hervé, des fissures sont apparues sur la façade extérieure constituant des désordres de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage et à le rendre impropre à sa destination ;
- s'agissant des travaux réalisés par la société Tems, l'expert a indiqué que cette société était redevable des désordres lesquels relèvent de la garantie décennale ;
- les assureurs ne s'étant pas opposés aux opérations d'expertise et la SMABTP n'ayant pas soulevé l'incompétence de la juridiction administrative, pourront dès lors être condamnés par le juge administratif ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 février 2015 :
- le rapport de Mme Mégret, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Besson-Ledey, rapporteur public ;
1. Considérant que la COMMUNE DE CHAMBOURCY, maître d'ouvrage, a engagé la construction d'un groupe scolaire maternelle situé sur son territoire ; que la maîtrise d'oeuvre de ce projet a été attribuée à la SCPA Atelier A2 et à la SARL Bet Monceau, devenue SARL Atea ; que, par un acte d'engagement du 6 février 2004, le lot n° 1 " gros oeuvre " a été confié à la société Hervé et, par un acte d'engagement du 17 mai 2004, le lot n° 7 " métallerie, serrurerie, clôture " a été confié à la société Tems ; que les travaux ont fait l'objet d'une réception par procès-verbaux du 26 août 2005, assortie de réserves qui ont été levées par
procès-verbaux du 26 novembre 2005 ; que, par la suite, la COMMUNE DE CHAMBOURCY a relevé des désordres qu'elle a fait constater par huissier le 31 mars 2008 ; que, sur sa demande, le juge des référés du Tribunal administratif de Versailles a désigné un expert par ordonnance du 4 septembre 2008 afin notamment qu'il constate ces désordres, qu'il en détermine les causes, qu'il donne tout élément permettant de déterminer si ces désordres sont de nature à porter atteinte à la solidité de l'ouvrage ou à compromettre sa destination, et qu'il précise la nature et le coût des travaux destinés à y remédier ; que l'expert a déposé son rapport le 22 janvier 2010 ; que, sur la base des conclusions de ce rapport, la COMMUNE DE CHAMBOURCY a recherché, sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil relatifs à la garantie décennale des constructeurs, d'une part, la responsabilité de la société Hervé et de son assureur, la SMABTP, pour les fissures apparues sur le bâtiment et, d'autre part, la responsabilité de la société Tems et de son assureur, la compagnie d'assurances Areas dommages, pour le défaut d'étanchéité d'un châssis persienné sur la toiture, devant le Tribunal administratif de Versailles, qui a, le 17 octobre 2013, rejeté ses demandes ; que la COMMUNE DE CHAMBOURCY relève régulièrement appel de ce jugement ;
Sur la compétence du juge administratif :
2. Considérant qu'il n'appartient qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire de connaître des actions tendant au paiement de l'indemnité d'assurance due par un assureur au titre de ses obligations de droit privé et à raison du fait dommageable commis par son assuré, et ce alors même que l'appréciation de la responsabilité de cet assuré dans la réalisation du fait dommageable qui lui est imputé relèverait du juge administratif ; que la circonstance que les sociétés d'assurances n'ont pas opposé l'incompétence de la juridiction administrative devant le juge des référés est sans influence sur le litige ; qu'il suit de là qu'il appartient aux juridictions de l'ordre judiciaire de connaître des conclusions de la COMMUNE DE CHAMBOURCY dirigées contre les sociétés SMABTP et Areas dommages, assureurs des sociétés Hervé et Tems, alors même que ces dernières sont liées à la commune par un marché de travaux publics ;
Sur la responsabilité décennale :
3. Considérant qu'il résulte des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, que des dommages apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ;
4. Considérant, d'une part, concernant les désordres affectant les travaux réalisés par la société Hervé, que si cette société soutient que ces désordres ne compromettent ni la solidité de l'ouvrage ni sa destination, il ressort toutefois de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que la fissure sur la façade avant du bâtiment est évolutive, qu'elle doit être saignée et rebouchée à l'aide d'un joint à la pompe puis d'une bande spéciale, qu'une reprise générale de peinture sera à envisager et que les fissures sur les façades extérieures ne peuvent rester en l'état et doivent être traitées " afin d'imperméabiliser le revêtement et éviter dans le temps sa chute qui pourrait se produire à la suite de forts gèles par le claquage de ces enduits " ; qu'ainsi, et en dépit des conclusions de l'expert affirmant que les désordres ne compromettent pas " pour l'instant " la solidité ou la destination de l'ouvrage, il se déduit nécessairement des constatations précitées que les désordres relevés par leur caractère évolutif, compromettent l'étanchéité même du bâtiment et sont, par suite, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination ; qu'ils relèvent, donc, à ce titre de la garantie décennale ; que si l'expert a, par ailleurs, relevé que le tassement normal du terrain peut constituer une des causes des fissures, il ajoute, s'agissant des désordres précités que la société Hervé est " entièrement responsable " ; qu'ainsi, les fissures apparaissant sur les façades relèvent de la garantie décennale et engagent la responsabilité de la société Hervé ;
5. Considérant que, d'autre part, concernant le défaut d'étanchéité du châssis persienné réalisé sur la toiture par la société Tems, qui permet la ventilation d'un local technique, le rapport de l'expert se borne à mentionner, sur ce point, que la société Tems " reste redevable de la reprise de ce désordre ", sans apporter de précision sur son ampleur, ni se prononcer sur ses conséquences au regard de la solidité et de la destination de l'ouvrage ; que la commune n'apporte aucune précision supplémentaire à cet égard ; que, dans ces conditions, ces désordres ne peuvent engager la responsabilité décennale des constructeurs ;
Sur le préjudice :
6. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit au point 4 que la garantie décennale de la société Hervé est engagée s'agissant des fissures des façades ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le chiffrage des travaux de reprises tel qu'évalué par la société Morandini s'élève à la somme de 32 235 euros HT ; qu'ainsi, la société Hervé doit être condamnée à verser à la COMMUNE DE CHAMBOURCY la somme de 32 235 euros HT (38 553 euros TTC) ;
Sur les intérêts :
8. Considérant que la COMMUNE DE CHAMBOURCY a droit aux intérêts sur la somme de 38 553 euros, à compter de la date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal, soit le 24 juin 2010 ;
Sur les frais d'expertise :
9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise, qui ont été liquidés et taxés à la somme de 12 320,12 euros TTC, par ordonnance du Président du tribunal administratif de Versailles en date du 22 avril 2010, à la charge de la société Hervé à hauteur de 70 % et de la COMMUNE DE CHAMBOURCY à hauteur de 30 % ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société SMABTP et de la compagnie d'assurances Areas dommages, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance, la somme que la COMMUNE DE CHAMBOURCY demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner la COMMUNE DE CHAMBOURCY à verser à la compagnie d'assurances Areas dommages et à la société SMABTP une somme au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Hervé une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la COMMUNE DE CHAMBOURCY et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La société Hervé versera à la COMMUNE DE CHAMBOURCY la somme de 38 553 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 juin 2010.
Article 2 : Les frais de l'expertise, qui ont été liquidés et taxés à la somme de 12 320,12 euros TTC, par ordonnance du Président du tribunal administratif de Versailles en date du 22 avril 2010, sont mis à la charge de la société Hervé à hauteur de 70 % et de la COMMUNE DE CHAMBOURCY à hauteur de 30 %.
Article 3 : Le jugement n° 1004404 du 17 octobre 2013 du Tribunal administratif de Versailles est réformé en ce qu'il a de contraire avec le présent arrêt.
Article 4 : La société Hervé est condamnée à verser à la COMMUNE DE CHAMBOURCY la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
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N° 13VE03739