Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2008 au
28 février 2011 à concurrence, en droits et intérêts de retard, de 164 067 euros.
Par un jugement n° 1302540 du 20 octobre 2014 le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 19 décembre 2014 et le 29 juillet 2015, M.B..., représenté par Me du Crest, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de le décharger des impositions supplémentaires en litige ;
3° de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B...soutient que :
- c'est à tort que l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée de 5,5 %, prévu par le b quater de l'article 279 du code général des impôts pour les " transports de voyageurs ", lui a été refusée pour la partie de son activité, exercée sous l'enseigne " GSL " consistant en des transports de personnes réalisés sur demande d'entreprises ou d'agences de voyage, ou en la mise à disposition de véhicules avec chauffeur pour des cortèges funéraires ; en effet, ces activités, qui se distinguent nettement de celle de grande remise pratiquée par ailleurs, facturée à la durée et soumise au taux de droit commun, ont bien pour objet principal un transport de personnes, sur un trajet donné, facturé en fonction de la distance parcourue et de la catégorie du véhicule mis à disposition ; si les factures de ces prestations ne mentionnent pas nécessairement le trajet ou la distance parcourue, cet élément ressort en revanche clairement des bons de commande qu'il produit devant la Cour ; il s'agit donc de prestations rendues en application de contrats de transport, qui doivent donner lieu au taux réduit, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans sa décision du 20 mars 2013, Chambre syndicale nationale des entreprises de remise et de tourisme, n° 337259, dont il résulte qu'il faut rechercher, pour qualifier les prestations, les conditions concrètes de leur exercice ;
- les prestations accessoires à ces contrats, à savoir les repas et les indemnités de découché des chauffeurs doivent, par ailleurs, être taxées au même taux que les prestations principales ;
- le taux de droit commun en matière de transport de voyageurs est le taux réduit, l'activité dite de grande remise étant à cet égard dérogatoire, s'agissant d'une prestation consistant en une mise à disposition d'un véhicule avec chauffeur, facturée à la durée ;
- cette position est confirmée par l'interprétation administrative de la loi fiscale sous la référence BOI-TVA-LIQ 30-20-60, n° 170, relative aux opérations de transports funéraires, et par le rescrit du 6 septembre 2005 publié sous la référence BOI-TVA-LIQ 30-20-60 n° 200, relatif aux mises à disposition d'autocars avec conducteur réalisées en sous-traitance.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre de procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bergeret,
- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.
1. Considérant que M.B..., exerçant sous l'enseigne B...Service Limousine l'activité commerciale de mise à disposition de véhicules avec chauffeur, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle lui ont été notifiés des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de l'application du taux normal de taxe de 19,6 % en lieu et place du taux réduit de 5,5 % sur un grand nombre de prestations réalisées au cours de la période du 1er juillet 2008 au 28 février 2011 ; que M. B...relève appel du jugement du 20 octobre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe restés à sa charge à l'issue de la procédure d'imposition, à hauteur de
129 236 euros en droits assortis de 8 755 euros d'intérêts de retard ;
Sur l'application de la loi fiscale :
2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel " ; qu'aux termes du 1 de l'article 266 du même code : " La base d'imposition est constituée : / a. Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations (...) " ; qu'aux termes de l'article 278 de ce code, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 19,6 % " ; qu'aux termes de l'article 279 du même code : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,5 % en ce qui concerne (...) b quater : les transports de voyageurs " ; qu'enfin, aux termes de l'article 267 I du même code : " Sont à comprendre dans la base d'imposition : (...) 2° Les frais accessoires aux livraisons de biens ou prestations de services tels que commissions, intérêts, frais d'emballage, de transport et d'assurance demandés aux clients " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les prestations de transport de voyageurs peuvent, par dérogation, bénéficier du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée ; que ce taux réduit s'applique aux mises à disposition, avec chauffeur, de véhicules conçus pour le transport de personnes lorsque ces opérations procèdent de l'exécution de contrats qui peuvent être qualifiés de contrats de transports ; qu'en particulier, ne relèvent pas d'une telle qualification, faute d'accord préalable sur les trajets à effectuer, les mises à disposition, avec chauffeur, de véhicules conçus pour le transport de personnes facturées à l'heure, pour lesquelles le tarif est totalement indépendant de la distance parcourue, voire de l'existence ou non d'un déplacement, comme les prestations assorties d'un kilométrage illimité ou celles dont les tarifs sont calculés exclusivement en fonction de la tranche horaire et de la durée de la prestation ; que, par ailleurs, le redevable peut se prévaloir de l'existence d'un contrat de transport donnant lieu à l'application du taux réduit lorsqu'au vu des pièces produites, il est établi qu'une prestation de mise à disposition de véhicule avec chauffeur a donné lieu à un accord entre les parties au contrat sur un trajet précisément déterminé, le prestataire conservant la maîtrise du déplacement, et que cette prestation a été nécessairement facturée en fonction de la distance parcourue ; que, dans un tel cas, la circonstance que la facture mentionne, à titre informatif, la durée de la prestation n'est pas de nature à priver celle-ci de la qualification de contrat de transport ;
4. Considérant que M.B..., qui ne conteste pas que les prestations relevant de la catégorie dite " de grande remise ", facturées exclusivement à la durée, ont été à bon droit soumises au taux de droit commun de la taxe sur la valeur ajoutée, soutient devant la Cour qu'un certain nombre de ses prestations ont été à tort soumises à ce taux de droit commun, s'agissant de transports de personnes, au moyen d'un véhicule doté d'un chauffeur, réalisés sur un trajet convenu à l'avance, pour le compte d'agences de voyages ou de diverses entreprises, et ayant donné lieu à une facturation établie en fonction de la distance à parcourir ; qu'il produit à la Cour, à cette fin, outre les factures de ces prestations litigieuses, des pièces afférentes à chacune de ces factures de nature, selon lui, à établir l'existence de contrats de transport ;
5. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'examen des pièces afférentes aux prestations ayant donné lieu à la facture n° 3423 Soprema du 27 octobre 2009, relative à un aller-retour professionnel entre Paris et Val-de-Reuil dans un minibus quinze places, facturé, péages inclus selon les pièces versées au dossier, pour 857,91 euros HT, à la facture n° 3104 Expanscience du 16 juin 2009, relative à trois allers-retours entre Courbevoie ou Epernon et le château de Breteuil, pour un montant total de 1 831,28 euros HT, n° 2811 Lafayette Travel du
31 janvier 2009, d'un montant de 480,57 euros HT et dont le bon de commande afférent fait état d'un transfert, à la facture n° 2790 Colliers International du 24 janvier 2009, pour deux prestations de transport facturées 497,63 euros et 547,87 euros HT, à la facture n° 2783 AMEX du 21 janvier 2009, pour une prestation de transport vers Cherbourg puis Flamanville, d'un montant de 2 941,23 euros HT, à la facture n° 3942 Cotecna, du 9 juin 2010, relative, au vu non pas de la facture émise auprès de la société Cotecna mais du bon de commande accompagnant celle-ci, à deux transferts " aéroport / hôtel ", pour un montant de 526,07 euros HT, et à la facture n° 4210 Cars Faure, du 20 septembre 2010, relative à une prestation consistant en un transport sur une journée entre Le Mans et Paris, facturée 1 024,64 euros HT, dont le bon de commande afférent fait état d'une facturation en fonction notamment de la distance parcourue, que ces prestations, qui avaient donné lieu à un accord préalable entre les parties sur un trajet déterminé, avaient également, explicitement ou nécessairement, donné lieu à une facturation tenant compte principalement de la distance parcourue, caractérisant ainsi un contrat de transport de voyageurs au sens des dispositions précitées du b quater de l'article 279 du code général des impôts ;
6. Considérant, d'autre part et en revanche, que pour l'ensemble des autres prestations pour lesquelles M. B...persiste à revendiquer l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée en invitant la Cour à se reporter aux nouvelles pièces qu'il verse à cette fin, les pièces produites restent insuffisantes pour établir que ces prestations, fréquemment facturées sous l'intitulé " mise à disposition ", " séjour Paris ", ou " divers transferts selon demande ", notamment pour les transports de familles devant assister à des obsèques, avaient fait l'objet, au vu des factures correspondantes et des bons de commande ou échanges de mails qui les avaient précédées, d'un accord préalable sur un trajet déterminé et qu'elles avaient été facturées au moyen de l'utilisation d'un barème kilométrique ou, nécessairement, en fonction de la distance parcourue ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sur le terrain de la loi fiscale, M. B... est seulement fondé à demander à être déchargé des cotisations supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignées à raison des factures énumérées ci-dessus au point 5. ;
Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :
8. Considérant, en premier lieu, que M. B...se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'interprétation administrative de la loi fiscale exprimée sous la référence BOI-TVA-LIQ 30-20-60, n° 170, qui reconnaît l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée aux opérations de transports de corps réalisées par des prestataires agréés au moyen de véhicules ad hoc, et qui ajoute " qu'il en est de même, le cas échéant, des transports de personnes réalisées dans des " cars de suite ou des voitures de clergé " ; qu'il soutient qu'un certain nombre de prestations, dont il joint les factures et diverses pièces afférentes à celles-ci, consistent en des transports de familles devant assister à des obsèques, et peuvent ainsi bénéficier de ces dispositions ; que, toutefois, dès lors qu'il ressort de l'instruction que les véhicules utilisés pour ces transports, mis à disposition des clients par l'entreprise de M.B..., ne sont pas spécifiquement affectés à cet usage par les entrepreneurs de pompes funèbres visés par ces dispositions doctrinales, et qu'ils ne peuvent par conséquent recevoir la qualification de " cars de suite " au sens et pour l'application de ces dispositions, M. B...ne peut utilement se prévaloir de celles-ci ;
9. Considérant, en second lieu, que si M. B...se prévaut d'un rescrit n° 2005/68 du 6 septembre 2005 publié sous la référence BOI-TVA-LIQ 30-20-60, n° 200, relatif aux mises à disposition d'autocars avec conducteur réalisées en sous-traitance, il n'assortit pas ce moyen des précisions de nature à mettre la Cour à même d'y statuer utilement ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande, que dans la seule mesure indiquée au point 7 ci-dessus ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : M. B...est déchargé des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée en litige, et intérêts de retard afférents, qui lui ont été assignés à raison des factures énumérées
ci-dessus au point 5.
Article 2 : Le jugement n° 1302540 du 20 octobre 2014 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : L'État versera à M. B...une somme de 2 000 euros au titre de l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.
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N° 14VE03530