Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le comité d'entreprise de la SOCIETE AVAYA FRANCE a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision en date du 16 juillet 2015 par laquelle la directrice régionale adjointe des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail, et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France a homologué le document unilatéral portant sur un projet de licenciement collectif pour motif économique de la SOCIETE AVAYA FRANCE.
Par un jugement n° 1507946 du 1er décembre 2015, le Tribunal administratif de
Cergy-Pontoise a annulé cette décision.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 janvier 2016, le 12 février 2016 et le 11 mars 2016, la SOCIETE AVAYA FRANCE, représentée par Mes Joncour etC..., avocats, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de mettre à la charge du comité d'entreprise la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SOCIETE AVAYA FRANCE soutient que :
- la DIRECCTE doit se limiter, comme elle l'a fait, à vérifier si la pondération a bien été appliquée, ce qui est le cas en l'espèce ; l'ensemble du contentieux relatif aux critères d'ordre et à leur application aux salariés relève du juge judiciaire ;
- la DIRECCTE a procédé à une vérification in concreto en tenant compte du fait que le critère relatif aux qualités professionnelles avait bien été pris en compte de manière uniforme pour tous les salariés ;
- elle a pris en compte l'ensemble des critères ; ce n'est qu'à l'issue des discussions avec le comité d'entreprise, qu'elle a décidé de neutraliser le critère des qualités professionnelles ; l'article L. 1233-5 du code du travail n'interdit pas qu'un seul et même point soit attribué à l'ensemble des salariés pour l'un quelconque des critères d'ordre dont celui des qualités professionnelles ; aucune inégalité n'a été créée entre les salariés ; la neutralisation ou la mise de côté d'un critère ont le même effet et la mise de côté n'est pas dans ces conditions susceptible de modifier l'ordre des licenciements ; l'article L. 1233-5 doit être interprété à la lumière de l'intention du législateur en faveur d'un dialogue social accru et du principe de faveur qui prévaut en droit du travail de privilégier les dispositions plus favorables aux salariés ;
- à supposer qu'il faille opérer une lecture littérale de l'article L. 1233-5 et que la DIRECCTE ait commis sur ce point une erreur de droit, cette irrégularité ne serait pas d'une gravité suffisante pour causer un grief de nature à justifier l'annulation de la décision d'homologation ; une annulation pour ce motif aurait des conséquences manifestement disproportionnées et serait contraire à l'esprit de la loi ;
- la DIRECCTE pouvait valablement se déclarer compétente ;
- la décision d'homologation est suffisamment motivée ;
- la procédure a été régulièrement suivie et les refus d'injonction fondés ;
- l'article L. 1233-57-3 n'a pas été méconnu et l'expert a été suffisamment informé ;
- le moyen relatif à l'absence de consultation du comité d'entreprise européen est inopérant ;
- le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) a été suffisamment informé ;
- il n'y a pas d'inégalité de traitement résultant d'une mauvaise définition des catégories professionnelles ;
- il n'appartient ni à la DIRECCTE ni au juge administratif d'apprécier les choix économiques de l'employeur ;
- une procédure d'information et de consultation ne peut être viciée par le non-respect d'une obligation de consultation antérieure à la mise en oeuvre de cette procédure.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Orio,
- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., pour la SOCIETE AVAYA FRANCE, de
MeB..., pour le comité d'entreprise, et de M.A..., pour la DIRECCTE.
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-57-3 du code du travail dans sa version applicable au litige : " En l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article
L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article
L. 1233-24-2, (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1233-24-2 du même code : " L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 porte sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63. / Il peut également porter sur : / 1° Les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise ; / 2° La pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements mentionnés à l'article L. 1233-5 ; (...) " ; et, qu'enfin, aux termes de l'article L. 1233-5 du même code : " Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. / Ces critères prennent notamment en compte : / 1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ; / 2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ; / 3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ; / 4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie. / L'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article. " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, le 25 juin et le 9 juillet 2015, la SOCIETE AVAYA FRANCE a demandé à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France d'homologuer un document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi avec des critères d'ordre de licenciement pondérés en fonction de l'âge des salariés et d'un éventuel handicap, de l'ancienneté dans l'entreprise et des charges de famille ; que la société ne peut utilement soutenir que l'absence de mention dans ce document du critère des qualités professionnelles ne traduit pas une absence de prise en compte de ce critère au seul motif que sa pertinence aurait seulement été discutée ; qu'elle ne peut, de même, utilement soutenir qu'une neutralisation de ce critère, comme demandé par le comité d'entreprise qui proposait d'affecter un point à chaque salarié au titre des qualités professionnelles, qui ne serait pas conforme aux dispositions de l'article L. 1233-5 précité, serait équivalente à sa non-prise en compte ; que la société, qui a décidé d'élaborer un document unilatéral, ne peut pas non plus utilement soutenir que le comité d'entreprise n'est pas fondé à se prévaloir de cette méconnaissance des dispositions législatives précitées qu'il a sollicitée ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de faveur est également inopérant ; que le document unilatéral homologué par la DIRECCTE le
16 juillet 2015, qui ne tenait pas compte du critère des qualités professionnelles, n'était ainsi pas conforme aux dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail précitées, conformité que l'administration devait contrôler, même s'il n'appartient qu'au juge judiciaire de tirer les conséquences, sur les licenciements opérés, d'une mauvaise application des critères d'ordre ; que cette illégalité ne constitue pas un vice de procédure qui pourrait être neutralisé ; qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SOCIETE AVAYA FRANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser au comité d'entreprise au titre de ces mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE AVAYA FRANCE est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros au comité d'entreprise de la société Avaya France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par le comité d'entreprise de la société Avaya France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
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N° 16VE00282