Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SOCIETE ARCELORMITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Etat à lui verser la somme de 12 441 118 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi, pour la période du 1er janvier 2004 au 31 mars 2008, en raison de la transposition tardive de la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité.
Par un jugement n° 1012726 du 16 décembre 2013, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 12 février 2014, la SOCIETE ARCELORMITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE, représentée par Me Thomas, avocate, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de condamner l'Etat à lui verser la somme de 12 441 118 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi, pour la période du
1er janvier 2004 au 31 mars 2008, en raison de la transposition tardive de la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SOCIETE ARCELORMITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE soutient que :
- l'Etat a commis une faute en transposant tardivement la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 ; la transposition impliquait que l'Etat définisse la situation fiscale des produits à double usage, ce qui n'a été fait que par la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 ; le raisonnement tenu par la Cour de justice dans l'arrêt Fendt Italiana du 5 février 2007 n'est pas transposable à l'espèce car il ne portait pas sur des produits à double usage ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé car il n'a pas examiné le moyen tiré de ce que la directive imposait de transposer la définition du double usage et de définir le régime national de taxation applicable ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé sur la réponse au moyen tiré de la méconnaissance de l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- faute d'avoir adopté des dispositions claires et précises sur le régime de taxation des produits à double usage, l'Etat a méconnu le principe de sécurité juridique ; en l'absence de telles dispositions, un opérateur économique de bonne foi pouvait légitimement s'attendre à ce que les produits énergétiques à double usage ne soient pas soumis à la taxe ; l'absence d'imposition de ces produits est une exemption ;
- elle avait une espérance légitime que les produits à double usage soient exonérés de taxe à l'expiration du délai de transposition de la directive ;
- en écartant l'existence d'une telle espérance, le tribunal a insuffisamment motivé sa décision ;
- le préjudice qu'elle a subi correspond au paiement de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel qui lui a été facturée par ses fournisseurs entre le
1er janvier 2004 et le 31 mars 2008.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Skzryerbak,
- et les conclusions de Mme Rudeaux, rapporteur public.
1. Considérant que la SOCIETE ARCELORMITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE relève appel du jugement du 16 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 12 441 118 euros, assortie des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi, pour la période du 1er janvier 2004 au 31 mars 2008, en raison de la transposition tardive de la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 357 bis du code des douanes : " Les tribunaux d'instance connaissent des contestations concernant le paiement, la garantie ou le remboursement des créances de toute nature recouvrées par l'administration des douanes et des autres affaires de douane n'entrant pas dans la compétence des juridictions répressives. " ; que la compétence ainsi dévolue au juge judiciaire s'étend aux demandes tendant à engager la responsabilité de l'Etat à raison des fautes commises par l'administration des douanes, y compris lorsque la responsabilité est recherchée à raison de l'application d'un texte incompatible avec le droit communautaire ou une convention internationale ; qu'en revanche, lorsque la responsabilité de l'Etat est recherchée du fait de la méconnaissance de l'obligation qui incombe au législateur d'assurer le respect des conventions internationales, notamment faute d'avoir réalisé la transposition, dans les délais qu'elles ont prescrits, des directives communautaires, une telle action relève du régime de la responsabilité de l'Etat du fait de son activité législative que seule la juridiction administrative est compétente pour connaître ;
3. Considérant que la société requérante demande à être indemnisée du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de la tardiveté de la transposition de la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'une telle action relève de la compétence de la juridiction administrative ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est reconnu compétent pour connaître de la demande de la société requérante ;
4. Considérant qu'il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Montreuil, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre aux moyens tirés de la méconnaissance de l'obligation de transposition de la directive 2003/96/CE et de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité : " Les États membres taxent les produits énergétiques et l'électricité conformément à la présente directive " ; qu'aux termes de son article 2 : " 4. La présente directive ne s'applique pas : (...) b) aux utilisations ci-après des produits énergétiques et de l'électricité : / (...) - produits énergétiques à double usage. / Un produit énergétique est à double usage lorsqu'il est destiné à être utilisé à la fois comme combustible et pour des usages autres que ceux de carburant ou de combustible. L'utilisation de produits énergétiques pour la réduction chimique et l'électrolyse ainsi que dans les procédés métallurgiques est considérée comme un double usage (...) " ; qu'aux termes de l'article 28 : " 1. Les États membres adoptent et publient les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 31 décembre 2003. Ils en informent immédiatement la Commission. 2. Ils appliquent les présentes dispositions à partir du 1er janvier 2004 (...) " ;
6. Considérant que le gaz naturel est, en application de l'article 266 quinquies du code des douanes, soumis à une taxe intérieure de consommation ; qu'à l'occasion de la transposition de la directive 2003/96/CE, l'article 62 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 a exclu du champ d'application de cette taxe, à compter du 1er avril 2008, le gaz naturel faisant l'objet d'un double usage dont le gaz naturel utilisé dans les procédés métallurgiques ; que la société requérante, qui a recours à de tels procédés, soutient que l'absence de transposition de la directive 2003/96/CE dans le délai prévu par son article 28 a conduit à ce qu'elle supporte indûment la taxe prévue par l'article 266 quinquies du code des douanes sur le gaz qu'elle a utilisé pendant la période allant du 1er janvier 2004 au
31 mars 2008 ;
7. Considérant qu'il résulte des dispositions du b) du 4. de l'article 2 de la directive 2003/96/CE que cette directive ne s'applique pas aux produits énergétiques à double usage ; que le législateur était libre de taxer ou non ces produits ; que, par suite, la transposition de la directive n'impliquait pas nécessairement d'exclure les produits à double usage du champ de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel ; que, cependant, la société requérante soutient que la législation française applicable avant l'entrée en vigueur de l'article 62 de la loi de finances rectificative pour 2007 n'était pas compatible avec la directive 2003/96/CE faute de définir un régime fiscal propre aux produits à double usage ; que ce manquement, à le supposer avéré, ne présente pas de lien direct et certain avec le préjudice invoqué par la requérante qui réside uniquement dans le fait d'avoir supporté la taxe intérieure sur ses consommations de gaz naturel ; que, pour le même motif, la société requérante n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de l'Etat au titre d'une éventuelle atteinte aux principes de confiance légitime et de sécurité juridique à raison de l'absence de définition d'un régime fiscal propre aux produits à double usage ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précitées ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général " ;
9. Considérant que la circonstance que la directive 2003/96/CE ait exclu les produits à double usage du champ du cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité n'était pas de nature à faire naître une espérance légitime que ces produits soient exclus du champ des taxes intérieures de consommation qui serait constitutive d'un bien au sens du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de l'action en responsabilité et sur l'exception de prescription opposée par le ministre, que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE ARCELORMITTAL ATLANTIQUE ET LORRAINE est rejetée.
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N° 14VE00590