Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009 et 2010 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010.
Par un jugement n° 1403593 du 10 juillet 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 10 septembre, le 21 octobre 2015 et le 4 octobre 2016, M.B..., représenté par Me Noudehou, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge des suppléments d'impôts ainsi maintenus à sa charge au titre des années 2008 à 2010 ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- s'agissant de l'année 2008, la rectification de ses bases imposables est erronée dans la mesure où il avait l'usage de deux comptes et que les crédits bancaires apparaissant sur le compte dont il était titulaire à la Banque Postale provenaient, dans leur intégralité, ce dont il justifie en produisant notamment les relevés bancaires concernés, des retraits effectués sur celui ouvert à son nom à la Caisse d'Epargne et au titre duquel il percevait des versements reçus de la caisse de règlements pécuniaires des avocats (CARPA), si bien que le vérificateur a été conduit à imposer les mêmes sommes deux fois ; la proposition de rectification notifiée à ce titre est, dès lors, entachée d'une " erreur manifeste d'appréciation " ;
- il en va de même, et pour les mêmes motifs, s'agissant de la proposition de rectification afférente aux années 2009 et 2010 ;
- en rejetant sa demande alors qu'il n'avait reçu aucune réponse explicite sur sa réclamation, le tribunal administratif n'a pas fait une correcte application des dispositions de l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales et a commis une erreur de droit ;
- la méthode de calcul de l'administration, pour établir les frais de transport engagés en raison de l'éloignement de son domicile, à Reims, de son lieu de travail, à Saint-Denis, est erronée en ce qu'elle ne tient aucun compte du caractère onéreux des loyers en Île-de-France et de la nécessité, pour lui, de vivre dans un cadre de vie plus calme en province ; de plus, le refus de tenir compte de son éloignement méconnaît le principe de libre établissement du domicile et est contraire aux articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- enfin, le jugement attaqué, en ce qu'il ne mentionne pas la note en délibéré datée du
1er juillet 2015, qui est parvenue au tribunal administratif avant la lecture du jugement, est irrégulier.
.........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier, notamment celles transmises pour M.B...,
le 19 octobre 2016.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Locatelli,
- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.
Une note en délibéré présentée par Me Noudehou, pour M.B..., a été enregistrée le 7 novembre 2016.
1. Considérant qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de l'activité libérale d'avocat de M. B...portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, l'administration, après avoir relevé que les recettes de l'entreprise excédaient les seuils en base de franchise de taxe sur la valeur ajoutée prévus à l'article 293 B du code général des impôts, a remis en cause le bénéfice de la franchise de taxe, partiellement au titre de l'année 2008 et, intégralement, au titre des deux années suivantes ; que M. B...n'ayant souscrit aucune déclaration à cet impôt, a été taxé d'office en application du 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales ; qu'il a, par ailleurs, été imposé, en matière de bénéfices non commerciaux, suivant la procédure de rectification contradictoire au titre des années 2008 et 2009 et, suivant la procédure d'évaluation d'office au titre de l'année 2010 en application du 2° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, faute d'avoir souscrit au titre de cette année sa déclaration n° 2035 dans le délai de trente jours suivant la réception, le 28 juin 2011, de la mise en demeure qui lui avait été adressée par l'administration ; qu'en l'absence de réponse du service vérificateur à sa réclamation dans le délai de six mois suivant sa réception, M. B...a introduit une action contentieuse devant le Tribunal administratif de Montreuil ; que le requérant relève appel du jugement du 10 juillet 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels d'impôts, ainsi que des pénalités correspondantes ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que l'article R. 741-2 du code de justice administrative dispose que la décision rendue par une juridiction administrative mentionne la production d'une note en délibéré ; qu'après l'audience publique, qui a eu lieu le 30 juin 2015, M. B...a adressé au Tribunal administratif de Montreuil une note en délibéré datée du 1er juillet 2015, qui a été enregistrée au greffe du tribunal le 18 juillet suivant, soit postérieurement à la lecture du jugement attaqué le 10 juillet 2015, ainsi qu'il ressort des informations contenues dans la base informatique " Sagace ", non utilement critiquées par le requérant ; que le jugement déféré, dont les visas n'ont pu, en tout état de cause, faire mention de cette pièce, ne saurait dès lors être entaché d'irrégularité pour ce motif ; qu'en conséquence, le moyen tiré de ce qu'il devrait être annulé pour irrégularité doit être écarté ;
Sur la régularité de l'instruction de la réclamation de M. B...:
3. Considérant que le fait que l'administration fiscale n'ait pas statué sur la réclamation de M. B...dans le délai de six mois imparti à l'article R* 198-10 du livre des procédures fiscales a eu pour seul effet de permettre au requérant de saisir le tribunal administratif du litige l'opposant à l'administration mais n'a pas, contrairement à ce qu'il soutient, constitué un vice de procédure de nature à entacher la régularité et le bien-fondé de l'imposition contestée ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'administration ne lui aurait adressé aucune décision explicite de rejet de sa réclamation dans le délai de six mois mentionné à l'article R* 198-10 du livre des procédures fiscales est, en tout état de cause, inopérant ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 293 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au titre des années d'impositions en litige : " I. - 1. Pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services, les assujettis établis en France (....) bénéficient d'une franchise qui les dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'ils n'ont pas réalisé au cours de l'année civile précédente un chiffre d'affaires supérieur à : (...) b. 27 000 euros [jusqu'au 31 décembre 2007, 32 000 euros à compter du 1er janvier 2008 et 32 100 euros à compter du 1er janvier 2011], s'ils réalisent d'autres prestations de services. / (...) III. - Le chiffre d'affaires limite de la franchise prévue au I est fixé à 37 400 euros [jusqu'au 31 décembre 2008, 41 500 à compter du 1er janvier 2009 et 41 700 euros à compter du 1er janvier 2010] : 1. Pour les opérations réalisées par les avocats, les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et les avoués, dans le cadre de l'activité définie par la réglementation applicable à leur profession ; / (...) / V. - Les dispositions du III (...) cessent de s'appliquer aux assujettis dont le chiffre d'affaires de l'année en cours dépasse (...) 45 800 euros [jusqu'au 31 décembre 2008, 51 000 à compter du 1er janvier 2009 et 51 200 euros à compter du 1er janvier 2010] (...) . Ils deviennent redevables de la taxe sur la valeur ajoutée pour les prestations de services (...) effectuées à compter du premier jour du mois au cours duquel ces chiffres d'affaires sont dépassés " ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour reconstituer les chiffres d'affaires de l'activité d'avocat de M.B..., le vérificateur s'est fondé sur les encaissements professionnels portés au crédit du seul compte bancaire ouvert à la Banque postale, présenté par le contribuable lors du contrôle sur place ; que, dès lors que le requérant ne soutient pas que les prestations ainsi réglées n'étaient pas entièrement achevées aux différentes dates d'encaissement, ces crédits bancaires professionnels pouvaient être regardés comme constitutifs de recettes imposables au titre de l'exercice au cours duquel ces honoraires avaient été encaissés ; que si
M. B...soutient qu'une partie de ces sommes ont été imposées doublement, motif pris que, pour certaines d'entre elles, elles correspondraient à des retraits effectués sur son compte ouvert à la Caisse d'Epargne - où il percevait des virements, notamment de la CARPA, et encaissait des chèques d'honoraires rattachables à son activité professionnelle - qu'il reversait ensuite intégralement, selon ses dires, sur le compte dont il était titulaire à la Banque postale, il n'établit pas la réalité de ces allégations en s'abstenant de fournir, au titre de chaque année vérifiée, un état de rapprochement des mouvements de débits et crédits bancaires intervenus à ce titre sur ses deux comptes, assortis des relevés y afférents, susceptibles de justifier avec une précision suffisante que les retraits effectués sur le compte de la Caisse d'Epargne étaient reversés, pour des montants équivalents et à des dates suffisamment proches, sur celui ouvert à la Banque postale ; qu'en outre, pour l'année 2008, aucun crédit apparaissant sur son compte ouvert à la Caisse d'Epargne n'a été pris en compte ; qu'ainsi, à défaut, pour M.B..., de rapporter la preuve, qui lui incombe, que les retraits d'espèce effectués par lui sur le compte de la Caisse d'Epargne, dont l'existence a été révélée postérieurement au contrôle, coïncidaient avec les dépôts effectués sur son compte ouvert à la Banque Postale, les encaissements bancaires professionnels relevés par le vérificateur, corroborés, de surcroît, au titre des années 2009 et 2010, avec les renseignements recueillis auprès de la CARPA, et retenus pour les sommes respectives de 83 349 euros, 47 410 euros et 51 607 euros au titre des années 2008 à 2010, doivent être regardés comme ressortissant aux recettes professionnelles, hors taxes, de
M. B...résultant de son activité d'avocat ;
6. Considérant que, dans la mesure où le ministre ne conteste pas que le chiffre d'affaires réalisé au cours de l'année précédant la première année d'imposition vérifiée, n'a pas excédé, en 2007, le seuil applicable de 37 400 euros, et où il résulte de l'instruction que le chiffre d'affaires réalisé au titre de l'année 2008 a dépassé, au cours du mois de juillet, le seuil de 45 800 euros, M. B...était donc redevable de la taxe sur la valeur ajoutée à raison du chiffre d'affaires réalisé entre le 1er juillet 2008, correspondant au premier jour du mois au cours duquel ce seuil a été dépassé en application du V. de l'article 293 B du code général des impôts, et le 31 décembre 2008 ; qu'au titre des années 2009 et 2010, le requérant avait réalisé, au cours de chacune des années précédentes, des chiffres d'affaires, hors taxes, excédant les seuils applicables, de 37 400 euros pour 2008 - et, d'ailleurs également, celui invoqué à tort par le ministre de 41 500 euros, seulement applicable à compter du 1er janvier 2009 - et de
41 500 euros pour 2009 ; qu'ainsi, le requérant était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée sur l'intégralité du chiffre d'affaires réalisé au cours des années 2009 et 2010, pour les sommes respectives de 47 410 euros et 51 607 euros ;
7. Considérant que si, en vertu du 1. du I de l'article 271 du code général des impôts,
M. B...était, en principe, en droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les éléments du prix de ses opérations assujetties, il résulte de l'instruction que le vérificateur a retenu en déduction de la taxe collectée, celle mentionnée sur l'ensemble des factures de dépenses justifiées et exposées pour l'exercice de la profession d'avocat ; que si M. B...prétend que l'administration aurait insuffisamment pris en compte la taxe déductible en raison d'une minoration des charges rattachables à ses opérations taxables, les documents et factures qu'il produit ne suffisent pas, en l'absence de décompte détaillé, à établir que les dépenses y mentionnées présenteraient un caractère de nouveauté dont le vérificateur n'auraient pas tenu compte ; que c'est, par suite, à bon droit, que l'administration a rappelé des droits de taxe sur la valeur ajoutée due à concurrence des sommes de 7 784 euros pour 2008, 6 876 euros pour 2009 et 6 409 euros pour 2010 ;
En ce qui concerne l'impôt sur le revenu :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 93 du code général des impôts, relatif à la détermination des bénéfices imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices des professions non commerciales : " 1. Le bénéfice (...) est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (...) " ;
9. Considérant, en premier lieu, que M. B...n'établit pas avoir été doublement imposé sur ses recettes à concurrence des retraits d'espèce qu'il effectuait sur son compte ouvert à la Caisse d'Epargne et reversait sur celui dont il était titulaire à la Banque Postale, ainsi qu'il a déjà été dit au point 5. ;
10. Considérant, en deuxième lieu, que les frais de transport que les contribuables exposent pour se rendre à leur lieu de travail et en revenir sont, en règle générale, nécessités par l'exercice de la profession et doivent donc, à ce titre, être admis en déduction en vertu des dispositions précitées de l'article 93 ; que, toutefois, il en va autrement lorsque, eu égard aux circonstances de l'espèce, l'installation ou le maintien du domicile dans un lieu différent du lieu de travail présente un caractère anormal ; que si les frais de transport que M. B...a intégré dans ses charges professionnelles ne sont discutés ni dans leur réalité ni dans leur montant, il résulte cependant de l'instruction que l'administration ne les admis qu'à hauteur de 40/130ème ; qu'à cet égard, le maintien, par le contribuable, de son domicile, situé à Reims, à une distance de centre-trente kilomètres de son lieu d'exercice professionnel, à Saint-Denis, ne présente pas un caractère normal ; que, pour justifier de l'utilité de maintenir son domicile à Reims pour l'exercice de sa profession et, par suite, solliciter la déduction de ses bénéfices imposables de l'intégralité de ses frais de transport, M. B...n'invoque aucune circonstance particulière autre que celle de vivre dans un cadre de vie provincial agréable loin de la région parisienne où les loyers sont élevés ; qu'outre qu'une telle circonstance n'est pas susceptible de justifier d'une déduction complémentaire de frais de transport, M. B...ne saurait sérieusement prétendre que la limitation de la déduction de ses frais de transport au montant exposés pour parcourir une distance d'au plus quarante kilomètres entre le lieu du domicile et celui de l'exercice de sa profession méconnaît le principe de libre établissement du domicile et le droit au respect de la vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que n'est en cause, en l'espèce, que la détermination de ses bénéfices imposables, ni qu'une telle limitation contrevient à l'article 6 de cette convention, en ce que ces stipulations ne sont pas applicables au principal de l'impôt, mais seulement aux sanctions dont il est éventuellement assorti ; qu'il suit de là que M. B...n'est pas fondé à se plaindre de ce que l'administration n'a admis la déduction de ses frais de transport que dans la limite de 40/130ème correspondant à l'éloignement d'au plus quarante kilomètres, regardé comme normal, du lieu du domicile de celui d'exercice de la profession ;
11. Considérant enfin, que M. B...ne justifie d'aucune autre dépense professionnelle complémentaire déductible des bénéfices imposables, ainsi qu'il a déjà été rappelé au point 6. ;
12. Considérant, par suite, que le requérant ne saurait obtenir la décharge ou la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 2008 à 2010 à raison de la minoration de ses recettes imposables ou de la majoration de ses charges déductibles, qu'il sollicite, mais n'établit pas ;
13. Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est entaché d'aucune omission à statuer, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'administration, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à M. B...la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
N° 15VE02942 6