Vu la procédure suivante :
Par un arrêt du 31 décembre 2015, la Cour administrative d'appel de Versailles, avant de statuer sur les conclusions de la requête de Mme A...C...épouse B...tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'elle a subis à la suite de l'accident dont elle a été victime le 1er septembre 2005 et sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui rembourser les débours auxquels elle a été exposée à la suite de cet accident, a ordonné une expertise en vue de déterminer l'ensemble des préjudices que Mme B...a subis et d'évaluer le montant de la réparation due à ce titre.
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Vu les autres pièces du dossier, y compris celles visées par l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles en date du 31 décembre 2015.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 21 décembre 2015 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Haëm,
- et les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public.
1. Considérant que, par un arrêt du 31 décembre 2015, la Cour administrative d'appel de Versailles, après avoir écarté le moyen soulevé par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne et tiré de ce que le jugement, en litige, du 18 juin 2013 du Tribunal administratif de Versailles serait insuffisamment motivé, a confirmé ce jugement en jugeant, d'une part, que, s'agissant de l'accident dont a été victime le 1er septembre 2005 Mme B...qui circulait en cyclomoteur, comme passagère, sur la piste cyclable longeant la route nationale 104, la responsabilité de l'Etat était engagée pour défaut d'entretien normal de cet ouvrage public, d'autre part, que l'intéressée n'était pas fondée à rechercher la responsabilité de la commune de Fleury-Mérogis soit à raison d'une carence fautive de son maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police, soit à raison du défaut d'entretien normal d'un ouvrage dont l'aménagement et l'entretien relevait de la compétence de l'Etat ; qu'après avoir également jugé que les fautes commises par le conducteur du cyclomoteur étaient, en ce qui concerne la détermination des causes de l'accident et, par suite, celle des responsabilités encourues en vue de la réparation de ses conséquences dommageables, opposables à Mme B...et que ces fautes étaient de nature à atténuer dans la proportion des trois quarts la responsabilité encourue par l'Etat à l'égard de l'intéressée, la Cour, avant de statuer sur les conclusions de la requête de Mme B... tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'elle a subis à la suite de cet accident et sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui rembourser les débours auxquels elle a été exposée à la suite de l'accident, a ordonné une expertise en vue de déterminer l'ensemble des préjudices que Mme B...a subis et d'évaluer le montant de la réparation due à ce titre ;
Sur les préjudices subis par MmeB... :
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
2. Considérant que Mme B...invoque une " perte de chance " et soutient que l'accident dont elle a été victime et les séquelles dont elle souffre l'ont privée d'accéder à un grand nombre d'emplois et, en particulier, d'obtenir un emploi dans la police ; qu'elle soutient également que, du fait de son handicap, le temps de travail qu'elle peut effectuer en qualité d'assistante commerciale nuit au niveau de sa rémunération et à ses perspectives d'évolution ; que, toutefois, la requérante n'apporte aucune précision ni aucun élément de nature à justifier de la réalité de ce préjudice ; qu'en particulier, il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise déposé le 18 octobre 2016 que la requérante, dont l'état de santé doit être regardé comme consolidé à la date du 2 novembre 2006 et qui n'exerçait aucune activité professionnelle à la date de l'accident, n'établit, ni n'allègue d'ailleurs, aucune perte de revenus avant cette date de consolidation ; qu'en outre, elle n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité de son projet d'obtenir un emploi dans la police ; qu'enfin, alors que l'intéressée, qui a occupé, à compter du 2 novembre 2006, un emploi d'hôtesse au sol à Orly et a, par la suite, exercé diverses activités professionnelles, occupe, depuis le mois de juin 2008, un emploi d'attachée commerciale correspondant au niveau de ses diplômes scolaires, elle ne fournit aucun élément de nature à démontrer que l'accident dont elle a été victime aurait eu, pour elle, une quelconque incidence professionnelle dommageable ; que, par suite, sa demande d'indemnisation à ce titre ne peut qu'être rejetée ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :
Quant aux préjudices temporaires :
3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que Mme B...a subi avant la consolidation de son état de santé, en raison de la faute imputable à l'Etat, une période d'incapacité temporaire totale d'une durée de neuf jours, soit la période de son hospitalisation, ainsi que, par la suite, des périodes d'incapacité temporaire partielle d'une durée de près de trois mois avec un taux d'incapacité évalué à 50 %, puis de quatre mois avec un taux d'incapacité évalué à 25 % et, enfin, de sept mois avec un taux d'incapacité évalué à 10 % ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice ayant résulté pour elle de son déficit fonctionnel temporaire en l'évaluant à 2 000 euros ;
4. Considérant, d'autre part, qu'il résulte également de l'instruction que l'intéressée a éprouvé durant la période d'un an et deux mois antérieure à la consolidation de son état de santé des souffrances physiques et psychiques dont l'intensité a été évaluée par l'expert à 3/7 ; que ce préjudice doit être évalué à hauteur de la somme de 4 000 euros ;
Quant aux préjudices permanents :
5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise déposé le 18 octobre 2016 que Mme B...demeure atteinte, depuis la consolidation de son état de santé, acquise alors qu'elle était âgée de 20 ans, d'une incapacité permanente partielle évaluée par l'expert à 5 % du fait des séquelles de son accident, notamment des douleurs et des gênes qu'elle endure ; que si la requérante conteste cette évaluation et demande que l'estimation de l'atteinte permanente à son intégrité physique et psychique soit portée à 20 %, elle n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'évaluation faite sur ce point par l'expert ; qu'en particulier, la production d'un compte-rendu de radiologie en date du 2 novembre 2016 ne permet pas de considérer que l'expert aurait sous-évalué l'incapacité permanente partielle dont souffre l'intéressée ; qu'ainsi, il sera fait une juste appréciation du préjudice inhérent au déficit fonctionnel permanent qui résulte des douleurs et gênes qu'endurent Mme B...ainsi que du préjudice moral dont elle fait état en lui allouant à ce titre la somme de 10 000 euros ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que le préjudice esthétique permanent de Mme B..., résultant d'une petite voussure au niveau de la clavicule gauche et de la dyschromie de l'une de ses dents, a été évalué par l'expert à 2/7 ; que si la requérante conteste cette évaluation et demande que son préjudice esthétique soit fixé à " 3/10 ", elle n'apporte aucun élément de nature à permettre de considérer que l'expert aurait sous-évalué ce chef de préjudice ; qu'ainsi, il y a lieu d'allouer à ce titre à l'intéressée la somme de 2 000 euros ;
7. Considérant, en dernier lieu, que si Mme B...soutient avoir renoncé, depuis son accident, à toute activité sportive, il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport d'expertise déposé le 18 octobre 2016 que " le sujet ne rapporte pas et il [n'est] pas apporté de documentation en rapport avec l'arrêt d'activité spécifique pouvant être mis en rapport avec les faits " et qu'" actuellement, le sujet peut reprendre l'activité physique en tenant compte des douleurs et des gênes évaluées au titre de l'incapacité fonctionnelle permanente " ; que la requérante ne justifie ni d'une pratique sportive avant l'accident dont elle a été victime, ni, en tout état de cause, de difficultés dans l'exercice d'une telle activité depuis la consolidation de son état de santé ; que, par suite, sa demande d'indemnisation au titre d'un préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer certaines activités sportives ne peut qu'être rejeté ;
Sur l'indemnité due à MmeB... :
8. Considérant qu'il suit de là que Mme B...a subi des préjudices personnels dont le montant total s'élève à 18 000 euros ; que, compte tenu de la part de responsabilité de l'Etat à hauteur d'un quart des conséquences dommageables de l'accident dont l'intéressée a été victime, il y a lieu de fixer le montant de l'indemnité qui lui est due à la somme de 4 500 euros ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles, après avoir mis hors de cause la commune de Fleury-Mérogis et limité la responsabilité de l'État au quart des conséquences dommageables de l'accident, a fixé l'indemnité allouée au titre des différents préjudices subis à la somme de 6 625 euros ;
Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne :
En ce qui concerne les dépenses de santé :
10. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne justifie que l'assurance maladie a supporté, du fait des dommages subis par MmeB..., des frais médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et d'hospitalisation pour un montant total de 9 253,95 euros ; que, compte tenu de la part de responsabilité de l'Etat à hauteur d'un quart des conséquences dommageables de l'accident dont l'intéressée a été victime, la somme dont le remboursement incombe à l'Etat doit être fixée à 2 313,48 euros ;
En ce qui concerne les intérêts et la capitalisation des intérêts :
11. Considérant, d'une part, que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 2 313,48 euros mise à la charge de l'Etat, depuis la date à laquelle elle en a demandé le remboursement devant le tribunal administratif, soit le 22 janvier 2013 ;
12. Considérant, d'autre part, que la caisse a demandé la capitalisation des intérêts le 30 avril 2014 ; qu'à cette date, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, il était dû plus d'une année d'intérêts sur la somme demandée ; que, conformément à l'article 1154 du code civil, il y a lieu d'ordonner la capitalisation au 30 avril 2014 et à chaque échéance annuelle ultérieure ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne est seulement fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 313,48 euros, assorties des intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2013 et, au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, de la capitalisation de ces intérêts au 30 avril 2014 et à chaque échéance annuelle ultérieure, au titre des débours auxquels elle a été exposée à la suite de l'accident dont Mme B...a été victime ;
En ce qui concerne l'indemnité prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :
14. Considérant qu'aux termes du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée. " ; que l'article 1er de l'arrêté du 21 décembre 2015 susvisé dispose que : " Les montants maximum et minimum de l'indemnité forfaitaire de gestion visés aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 1 047 € et à 104 € à compter du 1er janvier 2016. " ;
15. Considérant qu'eu égard au montant de la somme de 2 313,48 euros allouée à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à ladite caisse de la somme de 771,16 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions précitées ;
Sur les frais d'expertise :
16. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens. " ;
17. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'affaire, de mettre à la charge de l'Etat les frais d'expertise liquidés et taxés par une ordonnance du président de la Cour administrative d'appel de Versailles en date du 19 octobre 2016 à hauteur de la somme de 1 690 euros ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat et de la commune de Fleury-Mérogis, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement des sommes que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme que la commune de Fleury-Mérogis demande sur ce fondement ; qu'enfin, il n'y a pas lieu, dans les mêmes circonstances, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne demande sur le même fondement ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : La somme que l'Etat a été condamné à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne par l'article 2 du jugement n° 0911858 du Tribunal administratif de Versailles en date du 18 juin 2013 est portée à la somme de 2 313,48 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2013. Au cas où le jugement attaqué n'aurait pas encore été exécuté, les intérêts échus à la date du 30 avril 2014, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le jugement n° 0911858 du Tribunal administratif de Versailles en date du 18 juin 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à la caisse primaire d'assurance maladie une somme de 771,16 euros sur le fondement des dispositions du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Article 5 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à hauteur de la somme de 1 690 euros, sont mis à la charge de l'Etat.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne et les conclusions de la commune de Fleury-Mérogis et celles de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
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N° 13VE02827