Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société OCP REPARTITION a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009, des suppléments de cotisation foncière des entreprises qui lui ont été assignées au titre de l'année 2010 et de la cotisation foncière des entreprises établie au titre des années 2011 et 2012.
Par un jugement n° 1311027, 1403589 du 29 décembre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ces demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 février 2015 et 18 janvier 2016, la société OCP REPARTITION, représentée par Me Bardet, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises qui lui ont été assignés au titre de l'année 2010, à hauteur de 204 706 euros ;
2° de prononcer la décharge de ces impositions, assortie des intérêts moratoires ;
3° de mettre à la charge de l'État, outre les dépens, la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société OCP REPARTITION soutient que :
- les impositions litigieuses ont été irrégulièrement établies dès lors que l'administration n'a pas respecté la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales qui s'applique pour corriger des inexactitudes, que celles-ci sont imputables à l'administration ou au contribuable ;
- ainsi qu'il résulte clairement de l'article 1640 B du code général des impôts, sans, en tout état de cause que le ministre ne démontre une intention contraire du législateur, que la contribution foncière des entreprises de l'année 2010 est un impôt d'État, auquel ne s'appliquent donc pas les dispositions du 1° de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales ;
- par ailleurs, l'administration ne peut se prévaloir de l'exception prévue au 4° du même article dans la mesure où, faute de déclaration à souscrire, le rehaussement contesté ne procède pas d'une taxation ou d'une évaluation d'office.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 ;
- la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Huon,
- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.
1. Considérant que la société OCP REPARTITION, assujettie à la taxe professionnelle puis à la cotisation foncière des entreprises à raison de l'établissement qu'elle exploite dans la commune de Saint-Ouen, a contesté devant le Tribunal administratif de Montreuil les cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009, les suppléments de cotisation foncière des entreprises qui lui ont été assignées au titre de l'année 2010 et la cotisation foncière des entreprises établie au titre des années 2011 et 2012 ; qu'elle relève appel du jugement du 29 décembre 2014, en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises afférents à l'année 2010 et qui ont été laissés à sa charge, pour un montant 204 706 euros, à la suite du rejet partiel des réclamations présentées à ce titre ;
Sur les conclusions à fin de décharge :
2. Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 55 de ce livre : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts ou de l'article L. 2333-55-2 du code général des collectivités territoriales, les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A " ; qu'aux termes de l'article L. 56 du même livre : " La procédure de rectification contradictoire n'est pas applicable : / 1° En matière d'impositions directes perçues au profit des collectivités locales ou d'organismes divers, à l'exclusion de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises prévue à l'article 1586 ter du code général des impôts (...)/4° Dans les cas de taxation ou évaluation d'office des bases d'imposition "; qu'aux termes de l'article L. 174 dudit livre : " Les omissions ou les erreurs concernant la taxe professionnelle, la cotisation foncière des entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises peuvent être réparés par l'administration jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1447-0 du code général des impôts : " Il est institué une contribution économique territoriale composée d'une cotisation foncière des entreprises et d'une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. " ; qu'aux termes de l'article 1467 du code général des impôts du même code, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " La cotisation foncière des entreprises a pour base : / 1° la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période(...) / Pour le calcul de l'impôt, la valeur locative des immobilisations industrielles définie à l'article 1499 est diminuée de 30 % (...) " ; qu'aux termes de l'article 1640 B de ce code : " I. - Pour le calcul des impositions à la cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2010, les communes et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre votent un taux relais, dans les conditions et limites prévues pour le taux de la taxe professionnelle par le présent code dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2009, à l'exception du 4 du I de l'article 1636 B sexies. / Les impositions à la cotisation foncière des entreprises établies au titre de l'année 2010 sont perçues au profit du budget général de l'Etat. Elles sont calculées en faisant application des délibérations relatives aux exonérations et abattements prévues au I du 5. 3. 2 de l'article 2 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 et en appliquant les taux communaux et intercommunaux de référence définis aux 1 à 6 du I de l'article 1640 C. / (...) II. - 1. a) Par dérogation aux dispositions des articles
L. 2331-3, L. 3332-1, L. 4331-2, L. 5214-23, L. 5215-32, L. 5216-8 et L. 5334-4 du code général des collectivités territoriales et des articles 1379, 1586, 1599 bis, 1609 bis, 1609 quinquies C, 1609 nonies B et 1609 nonies C du présent code, les collectivités territoriales, à l'exception de la région Ile-de-France, et les établissements publics de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre reçoivent au titre de l'année 2010, en lieu et place du produit de la taxe professionnelle, une compensation relais. / Le montant de cette compensation relais est, pour chaque collectivité ou établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, égal au plus élevé des deux montants suivants : / - le produit de la taxe professionnelle qui résulterait pour cette collectivité territoriale ou cet établissement public de l'application, au titre de l'année 2010, des dispositions relatives à cette taxe dans leur version en vigueur au
31 décembre 2009. Toutefois, pour le calcul de ce produit, d'une part, il est fait application des délibérations applicables en 2009 relatives aux bases de taxe professionnelle, d'autre part, le taux retenu est le taux de taxe professionnelle de la collectivité territoriale ou de l'établissement public pour les impositions au titre de l'année 2009 dans la limite du taux voté pour les impositions au titre de l'année 2008 majoré de 1 % ; / - le produit de la taxe professionnelle de la collectivité territoriale ou de l'établissement public au titre de l'année 2009. / (...) / III. - Les services fiscaux opèrent sur les bases de taxe professionnelle de 2010 les contrôles qu'ils auraient opérés si la taxe professionnelle avait été acquittée en 2010. La compensation relais versée en 2010 aux collectivités territoriales en application du II fait l'objet d'une actualisation correspondant à ces contrôles, pendant le délai de reprise mentionné à l'article L. 174 du livre des procédures fiscales (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les suppléments d'imposition contestés procèdent de la requalification en établissement industriel de l'entrepôt logistique dont dispose la société au sein de ses locaux de Saint-Ouen et, par voie de conséquence, de la réévaluation de cet entrepôt conformément aux dispositions de l'article 1499 du code général des impôts en lieu et place de la méthode prévue à l'article 1498 du même code initialement mise en oeuvre ; qu'en cause d'appel, la société OCP REPARTITION ne conteste plus le bien-fondé de cette rectification mais soutient que l'administration ne pouvait émettre à son encontre, le
30 avril 2011, des rôles supplémentaires de cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2010 sans recourir à la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des dispositions claires du I de l'article 1640 B précité du code général des impôts que la cotisation foncière des entreprises établie au titre de l'année 2010 a été perçue " au profit du budget général de l'Etat ", peu importe que ce même article ait institué au bénéfice des collectivités locales une " compensation relais ", laquelle ne se confond pas avec cette cotisation ; qu'à cet égard, et contrairement à ce que soutient le ministre, il en est ainsi, non seulement des impositions primitives, mais aussi des impositions supplémentaires quel que soit l'impact des rehaussements opérés par l'administration sur le montant de la compensation relais ; que la cotisation foncière des entreprises de l'année 2010 n'entrait donc pas dans le champ d'application du 1° de l'article
L. 56 du même livre dispensant l'administration de la procédure de rectification contradictoire pour les impositions directes perçues au profit des seules collectivités locales ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que l'administration ne saurait utilement se prévaloir des dispositions du III de l'article 1640 B du code général des impôts, selon lesquelles " les services fiscaux opèrent sur la taxe professionnelle de l'année 2010 les contrôles qu'ils auraient opérés su la taxe professionnelle avait été acquittée en 2010 ", qui ne concernent que la taxe professionnelle théorique de l'année 2010 et donc la compensation-relais et qui, par suite, n'ont ni pour objet ni pour effet de dispenser de la procédure de rectification contradictoire les opérations de contrôle de la cotisation foncière des entreprises afférente à cette année ;
7. Considérant, en troisième lieu, que le ministre relève que le supplément de cotisation foncière des entreprises en cause ne résulte pas de la remise en cause des éléments déclarés par la contribuable, mais du recours à une autre méthode d'évaluation des locaux, en l'espèce la méthode comptable prévue à l'article 1499 du code général des impôts ; que, toutefois, cette seule circonstance n'était pas de nature à exonérer l'administration de suivre la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, laquelle ne se limite pas aux cas où l'administration remet en cause des éléments que le contribuable est tenu de déclarer en vue de permettre à celle-ci d'asseoir l'impôt ; que, par ailleurs, la nouvelle évaluation, si elle a été opérée à l'initiative du service, ne constitue pas une évaluation d'office au sens du 4° de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales, qui renvoie aux hypothèses de taxation ou d'évaluation d'office prévues par ce même livre notamment en cas de défaut ou de retard de déclaration ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société OCP REPARTITION est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en tant qu'elle concerne les suppléments de cotisation foncière des entreprises de l'année 2010 ;
Sur les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires :
9. Considérant qu'il n'existe aucun litige né et actuel entre la société OCP REPARTITION et l'administration concernant les intérêts dus en vertu de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, les conclusions de la requérante à fin de paiement d'intérêts moratoires doivent être rejetées comme irrecevables ;
Sur les dépens :
10. Considérant que la présente instance n'a donné lieu à aucun dépens ; que, par suite, les conclusions présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
" Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
12. Considérant que, par application de ces dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société OCP REPARTITION et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La société OCP REPARTITION est déchargée des suppléments de cotisation foncière des entreprises qui lui ont été assignés au titre de l'année 2010, à hauteur de
204 706 euros.
Article 2 : Le jugement n° 1311027, 1403589 du 29 décembre 2014 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à la société OCP REPARTITION une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la société OCP REPARTITION est rejeté.
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N° 15VE00665