Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL L'AIRBUS a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2008, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008.
Par un jugement n°1209937 du 16 décembre 2014, le Tribunal administratif de
Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2015, la SARL L'AIRBUS, représentée par Me Madrid, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'imposition en litige ;
3° d'ordonner une expertise, afin de vérifier le caractère probant ou non des tickets X présentés au titre de l'ensemble de la période vérifiée ;
4° de mettre à la charge de l'Etat le remboursement des dépens, ainsi que le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SARL L'AIRBUS soutient que :
- la procédure de rectification contradictoire ayant été suivie, la charge de la preuve incombe, en l'espèce, à l'administration ;
- le service ne pouvait rejeter sa comptabilité alors qu'elle a présentée l'ensemble des documents comptables requis, ainsi que l'ensemble des tickets X permettant de justifier le détail des recettes journalières comptabilisées ;
- une comptabilité ne peut être rejetée qu'en cas de graves irrégularités, ainsi que le rappellent les paragraphes n° 9 et 10 de la documentation de base 4 G-3342 mise à jour au
15 mai 1993 ;
- par ailleurs, une reconstitution de recettes doit être obligatoirement opérée suivant plusieurs méthodes, selon le paragraphe n° 4 de la documentation de base 4 G-3343 mise à jour au 15 mai 1993 ;
- la méthode de reconstitution suivie en l'espèce, selon la méthode dite " des cafés ", est excessivement sommaire et aboutit à des résultats exagérés ;
- en effet, les coefficients retenus pour les recettes " boissons " sont incohérents ;
- le coefficient des recettes " cafés ", fixé à 27 % d'après les seuls relevés établis sur le mois de septembre 2008 qui ne sont pas représentatifs des conditions réelles d'exploitation sur l'ensemble de la période vérifiée, est exagéré ;
- le prix moyen d'un repas hors boisson, fixé à 21 euros, est exagéré et dois être fixé, d'après les relevés établis sur le mois de septembre 2008, à 14,52 euros ;
- les taux retenus pour les pertes et offerts, ainsi que pour les prélèvements du personnel, sont insuffisants ;
- après correction des erreurs ainsi commises par le service, la reconstitution fait apparaître une absence de recettes non déclarées sur l'exercice clos en 2007 et une insuffisance de 31 463 euros seulement sur l'exercice clos en 2008 ;
- pour les motifs précédemment exposés, il ne saurait y avoir lieu à l'application de pénalités pour manquement délibéré.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Toutain,
- et les conclusions de M. Errera, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL L'AIRBUS, qui exploite un bar-restaurant à Asnières, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 ; qu'à l'occasion de ce contrôle, l'administration, après avoir rejeté la comptabilité présentée par la SARL L'AIRBUS et reconstitué ses recettes, a procédé, suivant la procédure contradictoire, aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondants et au rehaussement corrélatif des bénéfices déclarés par l'intéressée au titre des deux exercices vérifiés ; que, par jugement n°1209937 du 16 décembre 2014, dont la SARL L'AIRBUS relève appel, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été consécutivement assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2008, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge ;
Sur le bien-fondé des suppléments d'impositions en litige :
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration (...) " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à l'occasion de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, dans les conditions rappelées au point 1, l'administration a constaté que la SARL L'AIRBUS, qui enregistrait globalement en comptabilité ses recettes journalières en les arrondissant à la dizaine d'euros près, n'a pas été en mesure de présenter les bandes de caisses enregistreuses journalières, dites " tickets Z ", de nature à justifier le détail de ses recettes respectivement réalisées au bar et au restaurant, et s'est bornée à fournir, pour ce dernier, des bandes de caisses, dites " tickets X ", n'indiquant que le total quotidien des recettes et sans mention du mode de paiement ; qu'au surplus, le vérificateur a également relevé que la requérante ne disposait d'aucun inventaire de ses stocks ; que ces constatations suffisaient à priver la comptabilité de l'entreprise de son caractère probant ; que l'administration a, dès lors, pu à bon droit rejeter celle-ci et procéder à une reconstitution de recettes ;
4. Considérant, en second lieu, que si la SARL L'AIRBUS invoque également les paragraphes n° 9 et 10 de la documentation de base 4 G-3342, dans sa rédaction mise à jour au 15 mai 1993, les citations qu'en fait l'intéressée, lesquelles se bornent à rappeler que le défaut de valeur probante d'une comptabilité ne peut résulter que d'irrégularités ayant un caractère de gravité indiscutable telle, notamment, que l'absence de pièces justificatives de recettes, ne comportent aucune interprétation formelle différente de celle résultant de l'application de la loi fiscale ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à se prévaloir de ces énonciations sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne la dévolution de la charge de la preuve :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité (...) " ;
6. Considérant, d'une part, que la comptabilité présentée par la SARL L'AIRBUS au titre de l'ensemble de la période vérifiée doit être regardée, pour les motifs exposés au point 3, comme présentant de graves irrégularités ; que, d'autre part, il résulte de l'instruction que les suppléments d'imposition en litige ont été établis conformément à l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires le
14 novembre 2011 ; qu'ainsi, et contrairement à ce qu'elle soutient, c'est à la requérante qu'il incombe d'établir le mal-fondé ou l'exagération desdits suppléments, et non à l'administration d'en justifier l'exactitude ;
En ce qui concerne la reconstitution de recettes :
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour reconstituer les recettes du bar-restaurant exploité par la SARL L'AIRBUS, l'administration a uniquement tenu compte des chiffres d'affaires respectivement réalisés sur les ventes de boissons et sur les ventes de repas servis dans la partie restaurant, soit en renonçant, à l'avantage de ladite société, à examiner les ventes de repas servis au bar ou à emporter ; que, pour reconstituer, d'une part, les chiffres d'affaires propres aux boissons, le service a déterminé le montant des achats effectivement revendus, en appliquant aux achats de boissons, tels que ressortant des factures émises par les fournisseurs et obtenues par exercice du droit de communication, diminués des décotes afférentes aux pertes, aux offerts et à la consommation du personnel, les tarifs de vente indiqués par l'entreprise, en cours de contrôle, suivant les contenances concernées et la destination des boissons, réparties entre le restaurant, le bar et l'emport ; que pour reconstituer, d'autre part, les chiffres d'affaires propres au repas, hors boissons, servis au restaurant, le vérificateur, suivant la méthode dite " des cafés ", a multiplié le nombre de cafés servis au restaurant, boisson dont la consommation s'était avérée prédominante, par le prix moyen d'un repas hors boissons, initialement fixé à 21 euros, d'après les " tickets X " fournis en cours de vérification, mais ramené par l'interlocuteur départemental à 19 euros, et en soustrayant les repas du personnel ; que ces reconstitutions ont fait ressortir une insuffisance de recettes déclarées chiffrée, au terme de la procédure de rectification contradictoire suivie en l'espèce, à un total respectif de
25 338 euros au titre de l'exercice 2007 et de 70 574 euros au titre de l'exercice clos en 2008 ;
8. Considérant, en premier lieu, que la SARL L'AIRBUS, pour contester la reconstitution des chiffres d'affaires propres aux boissons, soutient, d'une part, que les coefficients déterminés par l'administration quant à la répartition des ventes des différentes catégories de liquides entre le bar et le restaurant seraient incohérents ; qu'elle n'assortit toutefois pas cette allégation de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier la portée ; que, d'autre part, elle n'apporte aucun élément ni aucune pièce justificative de nature à établir, comme elle le prétend, que les taux de décote retenus par le service, afin de tenir respectivement compte des pertes, des offerts et de la consommation du personnel, seraient insuffisants ;
9. Considérant, en deuxième lieu, que la SARL L'AIRBUS conteste également la reconstitution des chiffres d'affaires propres aux repas servis au restaurant, en soutenant que les données retenues à ce titre par l'administration seraient exagérées, qu'il s'agisse du nombre de cafés servis dans la partie restaurant, chiffrés à 27 % du total des cafés vendus, comme du prix moyen d'un repas hors boissons ; que ce prix a été évalué en dernier lieu à 19 euros TTC par l'interlocuteur départemental, en divisant le total des recettes correspondant aux repas hors boissons reportés sur les " tickets X " quotidiennement édités au cours du mois de septembre 2008 par le nombre de cafés servis au restaurant durant la même période, soit 917 ; que, sur ce dernier point, la requérante ne fournit aucun commencement de preuve de l'exagération par le service du nombre de cafés vendus au restaurant, qui a été évalué en fonction des conditions réelles d'exploitation de l'entreprise constatées en cours de contrôle ; qu'en revanche, il résulte de l'instruction que les " tickets X " du mois de septembre 2008, que le service a lui-même utilisés pour opérer la reconstitution contestée, font apparaître, sur chaque journée, un prix moyen du couvert dont il n'est pas soutenu qu'il serait erroné et qui permet d'établir, une fois extourné le prix des boissons correspondantes, un prix moyen du repas hors-boisson de 14,52 euros seulement, dont la requérante sollicite l'application ; qu'un tel prix, qui repose sur les données non contestées des tickets X, correspond en outre aux tarifs et prix de menu pratiqués par l'établissement, celui-ci présentant à ses clients une " formule express " (entrée-plat-dessert) à 10,80 euros, tandis que le prix moyen de 19 euros finalement retenu par l'administration s'en écarte significativement pour des raisons inexpliquées ; que, dans ces conditions, la SARL L'AIRBUS doit, sur ce point, être regardée comme démontrant, ainsi qu'il lui incombe, l'exagération de la reconstitution de recettes contestée, en tant que cette dernière retient un prix moyen du repas hors boissons supérieur à 14,52 euros ; que l'intéressée est, dès lors, fondée à obtenir la réduction, à due proportion, des suppléments d'impositions en litige ;
10. Considérant, en dernier lieu, que le paragraphe n° 4 de la documentation de base
4 G-3343, dans sa rédaction mise à jour au 15 mai 1993, qui précise que, le cas échéant, les bases d'imposition du contribuable sont reconstituées selon plusieurs méthodes de reconstitution, ne contient que de simples recommandations à l'attention des agents des finances publiques ; qu'elle ne comporte, dès lors, aucune interprétation formelle de la loi fiscale dont la requérante pourrait utilement se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les suppléments de droits en litige doivent seulement être réduits à concurrence de la réduction en base mentionnée au point 9 ;
Sur les pénalités :
12. Considérant, d'une part, que, pour les motifs précédemment exposés aux points 9 à 11, les pénalités dont ont été assortis les suppléments de droits en litige doivent être réduites à due proportion ;
13. Considérant, d'autre part, que, pour le surplus des pénalités demeurant... ; que, ce faisant, la requérante ne conteste ces pénalités que par voie de conséquence du mal-fondé allégué des suppléments d'imposition demeurant à... ; qu'eu égard aux motifs exposés aux points 2 à 9, ce moyen ne peut qu'être écarté ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de diligenter une expertise, que la SARL L'AIRBUS est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté en totalité sa demande ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la SARL L'AIRBUS tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le remboursement des dépens, au demeurant non justifiés, et des autres frais qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Les bases d'imposition de la SARL L'AIRBUS à l'impôt sur les sociétés, au titre des exercices clos en 2007 et 2008, et à la taxe sur la valeur ajoutée, au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008, sont réduites conformément aux motifs figurant au point 9 du présent arrêt.
Article 2 : Il est accordé à la SARL L'AIRBUS la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2008, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008, pour la part formant surtaxe à raison de la réduction de base prononcée à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par la SARL L'AIRBUS, ainsi que le surplus des conclusions de la demande que l'intéressée avait présentée devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, sont rejetés.
Article 4 : Le jugement rendu par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 16 décembre 2014 sous le n° 1209937 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
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N° 15VE00191