Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SOCIÉTÉ SECUMARKET a demandé au Tribunal administratif de Versailles la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles assises sur cet impôt mises à sa charge au titre au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012.
Par une ordonnance du 18 mars 2016, le président de la section du contentieux du Conseil d'État, sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, a transmis cette demande au Tribunal administratif de Montreuil.
Par un jugement n° 1427830 du 27 octobre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 décembre 2016 et le 9 mars 2018, la SARL SECUMARKET, représentée par Me Gueunier, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3° en tout état de cause, de prononcer la décharge des pénalités mises à sa charge, ainsi que de l'amende fiscale à laquelle elle a été assujettie par application de l'article 1759 du code général des impôts ;
4° de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de traitement de sa comptabilité informatisée pour l'application du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales a été notifiée à une personne qui ne disposait pas d'un mandat de représentation de la société ; elle est, dans ces conditions, irrégulière ;
- l'administration fiscale n'a pas suffisamment précisé les modalités selon lesquelles elle entendait procéder au traitement de sa comptabilité informatisée au sens du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; elle ne lui a pas permis, dans ces conditions, d'opter pour une des modalités de traitement de ces données ;
- faute d'avoir pu régulièrement mettre en oeuvre la procédure d'évaluation d'office, pour opposition à contrôle fiscal, prévue par l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale ne pouvait s'abstenir d'engager un débat oral et contradictoire avec son représentant ;
- la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires est exagérément sommaire ; elle contrevient en outre au principe, énoncé par l'instruction administrative référencée 4-G-4432 du 25 juin 1998, selon lequel la reconstitution du chiffre d'affaires d'une société doit recourir à la combinaison de plusieurs méthodes ;
- les pénalités qui lui ont été infligées sont insuffisamment motivées au regard des prescriptions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ;
- les pénalités prévues à l'article 1732 du code général des impôts et l'amende fiscale prévue par l'article 1759 du même code doivent être annulées par voie de conséquence de l'absence de bien-fondé de l'imposition ;
- les avis de mise en recouvrement du 11 décembre 2013 font référence à la seule proposition de rectification du 8 août 2013 et non au dernier document l'ayant informé de la modification, à la baisse, des droits et pénalités mis à sa charge, qui est, en l'espèce, le courrier du 25 septembre 2013 portant réponse de l'administration aux observations formées sur les rehaussements envisagés le 6 septembre précédent ; ils sont donc irréguliers au regard des dispositions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales.
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Livenais,
- et les conclusions de M. Skzryerbak, rapporteur public.
Deux notes en délibéré présentées par Me Gueunier, pour la SARL SECUMARKET, ont été enregistrées les 29 mars et 4 avril 2018.
1. Considérant que la SARL SECUMARKET, qui a pour activité le négoce d'équipements et d'accessoires de sécurité, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012 et, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos en 2010, 2011 et 2012 ; qu'ayant constaté l'opposition de la société à la mise en oeuvre du contrôle de sa comptabilité informatisée dans les conditions prévues en II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale, par proposition de rectification du 8 août 2013, a notifié à la société, selon la procédure d'évaluation d'office de l'article L 74 du même livre, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles assises sur cet impôt au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, et, d'autre part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'ensemble de la période vérifiée, ainsi que l'application à ces impositions supplémentaires de la majoration de 100 % prévue par l'article 1732 du code général des impôts et de l'amende fiscale prévue par l'article 1759 du même code, appliquée au titre des revenus réputés distribués identifiés par le service au titre des trois exercices vérifiés et dont la SARL SECUMARKET n'a pas révélé l'identité des bénéficiaires ; que la SARL SECUMARKET relève appel du jugement du 27 octobre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant que, par décision du 15 septembre 2017, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration a prononcé le dégrèvement, à hauteur de la somme de 252 277 euros, de l'amende fiscale mise à la charge de la SARL SECUMARKET en vertu des dispositions de l'article 1759 du code général des impôts ; que les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet ; que, dès lors, il n'y a pas lieu, pour la Cour, d'y statuer ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. Ces dispositions s'appliquent en cas d'opposition à la mise en oeuvre du contrôle dans les conditions prévues au II de l'article L. 47 A " ; qu'aux termes de l'article L. 47 A du même livre : " II. - En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, après, le cas échéant, la remise des copies prévue au second alinéa du présent b, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer (...); c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration, dans les quinze jours suivant la formalisation par écrit de son choix, les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle..." ;
4. Considérant que la SARL SECUMARKET soutient que l'information écrite prévue au premier alinéa du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ne lui a pas été régulièrement communiquée, le document correspondant n'ayant pas été délivré à son gérant, mais à une personne ne disposant pas d'un mandat de représentation de la société ; qu'il résulte de l'instruction que, si l'agent chargé de la vérification de la comptabilité de la société a remis, le 18 juin 2013, la demande écrite de traitement de la comptabilité informatisée de la comptabilité de l'entreprise à M.A..., alors que le gérant de la SARL était M.B..., ce dernier, qui a indiqué par lettre du 19 juin 2013 s'opposer au principe du traitement des documents comptables informatiques de la société, a bien, en définitive, été destinataire des informations relatives à cette demande de traitement ; que le moyen tiré de ce que cette demande aurait été présentée dans des conditions irrégulières doit donc être écarté ;
5. Considérant, en outre, que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des traitements informatiques qu'il souhaite effectuer, eu égard aux investigations envisagées, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par les dispositions de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la demande écrite de traitements informatisés notifiée à la société requérante le 18 juin 2013 indiquait que les traitements envisagés portaient sur la vérification " des ventes, de la taxe sur la valeur ajoutée collectée sur les ventes, les stocks sur la période du 01/10/2009 au 30/09/2012 " en vue de leur comparaison " avec les données figurant dans les logiciels de caisse et de gestion des stocks de type " KinTPV " utilisés par la société, pour la période du 1er octobre 2009 au 30 septembre 2012 ; que ces informations étaient suffisamment précises au regard des exigences posées par les dispositions précitées du II de l'article L 47 A du livre des procédures fiscales et permettaient ainsi à la SARL SECUMARKET d'avoir une idée suffisante de la nature des traitements demandés et d'effectuer un choix éclairé entre les trois options qui lui étaient ouvertes par ces dispositions ;
7. Considérant enfin qu'il résulte de ce qui précède que la SARL SECUMARKET a été régulièrement informée des conditions dans lesquelles pourraient se dérouler le traitement de sa comptabilité informatisée ; qu'il résulte de l'instruction qu'elle a pourtant refusé de donner au service vérificateur l'accès à ces données pendant la totalité des opérations de vérification ; que l'administration fiscale était, ainsi, fondée à constater que la société requérante s'opposait au contrôle dans les conditions prévues au II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales et, en conséquence, à évaluer d'office son chiffre d'affaires en vertu des dispositions précitées de l'article L. 74 du même code ; que lorsque les bases de l'imposition d'un contribuable ont été évaluées d'office à la suite de son opposition au contrôle fiscal, le législateur a entendu priver l'intéressé, qui s'est de lui-même placé en dehors des règles applicables à la procédure d'imposition, des garanties dont bénéficient les contribuables, qu'ils soient imposés selon la procédure contradictoire ou selon une procédure d'imposition d'office ; que, dans ces conditions, la circonstance selon laquelle le représentant de la SARL SECUMARKET n'aurait pu engager de débat oral et contradictoire avec le vérificateur au cours des opérations de contrôle est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;
Sur le bien-fondé des impositions :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ; qu'en vertu des dispositions précitées, il appartient à la SARL SECUMARKET à l'encontre de laquelle a été régulièrement mise en oeuvre la procédure d'évaluation d'office de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, d'établir le caractère exagéré des impositions mises à sa charge ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale, pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société au cours de la période vérifiée, a, en définitive, appliqué aux achats revendus par cette dernière un coefficient multiplicateur de 2, 06, égal au coefficient annuel le plus élevé calculé sur les trois exercices concernés par le service à partir des éléments figurant dans les déclarations fiscales de la SOCIETE SECUMARKET ;
10. Considérant, d'une part, que la SARL SECUMARKET ne rapporte pas la preuve du caractère excessivement sommaire ou radicalement vicié de cette méthode de reconstitution en se bornant à relever que, dans un premier temps, le service avait retenu un coefficient multiplicateur forfaitaire de 3, en tenant compte notamment des résultats de l'entreprise au cours des exercices antérieurs à la période vérifiée et que le coefficient multiplicateur des exercices clos en 2011 et 2012 était inférieur à 2, 06 ; qu'elle ne propose , par ailleurs, aucune méthode alternative qui permettrait d'évaluer ses bases d'imposition avec davantage de précision ; qu'il suit de là, que la SOCIETE SECUMARKET n'est pas fondée à soutenir que l'administration fiscale aurait fait application d'une méthode de reconstitution ayant conduit à établir, de manière exagérée ou excessivement sommaire, les impositions contestées ;
11. Considérant, d'autre part, que la SARL SECUMARKET ne peut utilement se prévaloir des énonciations de l'instruction administrative référencée n° 4 G-3342 du 25 juin 1998, préconisant le recours à plusieurs méthodes de reconstitution, qui ne constituent que des recommandations générales et ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale invocable sur le fondement de L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
Sur les pénalités :
12. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1732 du même code : " La mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : a. L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'Etat " ;
13. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable " ;:
14. Considérant que la proposition de rectification du 8 août 2013 précise qu'il est fait application des dispositions précitées de l'article 1732 du code général des impôts, indique les motifs qui, notamment, ont conduit le service à recourir à l'application de ce dernier article, et précise les bases d'imposition sur lesquelles s'applique cette majoration ; que l'administration fiscale a, ainsi, suffisamment motivé l'application de ces pénalités au regard des exigences de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ;
15. Considérant, en second lieu, qu'ainsi qu'il est dit précédemment, l'administration fiscale a pu régulièrement faire usage à l'encontre de la SARL SECUMARKET de la procédure d'évaluation, d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales et que les impositions litigieuses sont fondées ; que, par suite, l'administration fiscale était en droit de les assortir de la majoration de 100 % prévue par l'article 1732 du même code ;
Sur la régularité des avis de mise en recouvrement :
16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. (...) / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications (...) ".
17. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les avis de mise en recouvrement du 11 décembre 2013 se réfèrent à la proposition de rectification du 8 août 2013 d'où les redressements litigieux étaient issus, mais ne mentionnent pas, en revanche, la réponse aux observations de la SARL SECUMARKET du 25 septembre 2013 ayant modifié, à la baisse, le montant des impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes mises à la charge de cette société ; que, cependant, la SARL SECUMARKET ne conteste pas voir eu régulièrement notification de la réponse du service à ses observations en date du 25 septembre 2013 ; qu'en outre, les sommes mises en recouvrement par ces deux avis correspondent aux montants définitivement arrêtés à l'occasion de cette réponse aux observations du contribuable ; que, dans ces conditions, la circonstance que les deux avis de mise en recouvrement en litige ne visent pas le dernier document ayant informé la société requérante d'une modification des impositions mises à sa charge au sens de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales révèle l'existence d'une simple erreur matérielle qui est restée sans incidence sur la possibilité, pour la SARL SECUMARKET, de contester utilement les montants ainsi mis en recouvrement ; que le moyen tiré de l'irrégularité des avis de mise en recouvrement doit, ainsi, être écarté ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIÉTÉ SECUMARKET n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer, à hauteur de la somme de 252 277 euros sur les conclusions de la requête de la SARL SECUMARKET aux fins de décharge de l'amende fiscale mise à sa charge en application de l'article 1759 du code général des impôts.
Article 2 : Le surplus de la requête de la SARL SECUMARKET est rejeté.
2
N° 16VE03832