Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 31 octobre 2013 ayant autorisé son licenciement pour motif disciplinaire.
Par une ordonnance n° 1400054 du 4 mars 2014, le tribunal administratif de Caen a renvoyé cette requête au tribunal administratif de Cergy-Pontoise sur le fondement de l'article R.351-3 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1402328 du 16 juin 2016, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la requête de M.D....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 août 2016 et un mémoire en réplique enregistré le 12 octobre 2018, M.D..., représenté par Me Christophe Launay, avocat, fait appel de ce jugement et demande à la cour :
1° d'annuler le jugement du 16 juin 2016, ainsi que la décision ministérielle du 31 octobre 2013 qui a d'une part, annulé les décisions de l'inspecteur du travail de la 4ème section de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine des 2 et 4 juin 2013 et d'autre part, délivré l'autorisation de son licenciement ;
2° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué a écarté à tort le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire et des droits de la défense ;
- en estimant que la deuxième demande d'autorisation de licenciement a pu porter sur les mêmes faits que la première demande d'autorisation de licenciement présentée par l'entreprise, et que l'action disciplinaire n'était pas prescrite, les premiers juges ont entaché leur raisonnement d'erreur de droit ;
- le jugement ne tient pas compte du fait que le requérant n'a fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire depuis son embauche en 1988 et que l'inspecteur du travail a relevé dans sa décision de refus du 23 juillet 2012 que la responsabilité du déclenchement de l'acte fautif commis par le requérant n'est pas imputable qu'à lui seul ;
- le lien entre la demande d'autorisation de licenciement et les fonctions représentatives du requérant est établi.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Margerit,
- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., substituant MeA..., représentant la société Newell France SAS.
Considérant ce qui suit :
1. M. B...D..., salarié de la société Newell France SAS, responsable de secteur et exerçant des fonctions représentatives, a, dans le cadre d'un entretien d'évaluation qui s'est tenu le 24 avril 2012, exprimé des menaces verbales à l'encontre de son supérieur hiérarchique direct puis l'a frappé au niveau du cou, sous l'oreille droite, devant le directeur des ressources humaines, avant de lui intimer de poursuivre cette altercation physique à l'extérieur des locaux. Le soir même, M. D...envoyait à son supérieur hiérarchique ses excuses par courrier électronique. A la suite à cet incident et dès le lendemain, le requérant a été convoqué pour un entretien préalable pouvant conduire à un licenciement pour faute. Une demande d'autorisation de licenciement de l'intéressé pour motif disciplinaire a été refusée par une décision de l'inspecteur du travail du 23 juillet 2012, confirmée par une décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 31 janvier 2013, qui a retenu que la procédure interne à l'entreprise était entachée de deux vices substantiels. La société a convoqué M. D...par une lettre du 21 février 2013 à un nouvel entretien préalable fixé au 5 mars 2013 et a introduit une nouvelle demande d'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire le 29 mars 2013. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet née le 2 juin 2013, confirmée par une décision expresse de l'inspecteur du travail du 4 juin 2013. Par une lettre reçue le 1er juillet 2013, la société Newell France SAS a alors formé un recours hiérarchique contre cette décision. Le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé les décisions de l'inspecteur du travail et a autorisé le licenciement de M. D...par une décision en date du 31 octobre 2013. M. D...relève régulièrement appel du jugement du 16 juin 2016, par lequel, sur renvoi du tribunal administratif de Caen initialement saisi, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 31 octobre 2013.
Sur le fond :
2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi. A l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, l'article R. 2421-11 dispose que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé " procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat ".
3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. ". Le délai de deux mois susmentionné est interrompu par la convocation du salarié à l'entretien préalable de licenciement. Un nouveau délai de deux mois recommence alors à courir. Le délai de deux mois est suspendu si une cause extérieure à l'employeur fait obstacle aux poursuites et le décompte du délai restant à courir reprend à compter du moment où l'employeur n'est plus empêché et que le lien avec le salarié soit existe toujours, soit, si le salarié avait été licencié et que le licenciement a été annulé, s'il fait l'objet d'une réintégration.
4. En premier lieu, les faits reprochés à M. D...ont été commis le 24 avril 2012. L'intéressé a été convoqué dès le lendemain, par lettre du 25 avril 2012, à un entretien préalable de licenciement. L'inspecteur du travail a rejeté la demande d'autorisation de licenciement de son employeur le 23 juillet 2012, pour des motifs de fond qui empêchaient cet employeur de reprendre ou de poursuivre la procédure. Le ministre du travail a confirmé le refus d'autorisation de licenciement, en se plaçant toutefois uniquement sur le terrain de la régularité de la procédure. A compter de sa notification, la décision ministérielle mettait à même la société de reprendre la procédure de licenciement de M.D.... La société a ainsi convoqué M. D... à un nouvel entretien préalable de licenciement le 21 février 2013. Dès lors que la procédure disciplinaire initiale a été engagée dans le délai de deux mois prévu par l'article L. 1332-4 du code du travail et reprise dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision ministérielle du 31 janvier 2013, immédiatement exécutoire en l'absence de demande de suspension d'exécution, la prescription de l'action disciplinaire a été interrompue et les dispositions de l'article L. 1332-4 ne faisaient pas obstacle à ce qu'elle porte sur les mêmes faits que ceux évoqués dans la phase originelle de la procédure. Le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise aurait commis une erreur de droit ou d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L.1332-4 du code du travail doit donc être écarté.
5. En deuxième lieu, le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus impose à l'autorité administrative, saisie d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, d'informer le salarié concerné des agissements qui lui sont reprochés et de l'identité des personnes qui en ont témoigné. Il implique, en outre, que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, sans que la circonstance que le salarié est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation. Enfin, la communication de l'ensemble de ces pièces doit intervenir avant que l'inspecteur du travail ne statue sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur, dans des conditions et des délais permettant au salarié de présenter utilement sa défense. C'est seulement lorsque l'accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur.
6. Il ressort des pièces du dossier que la décision ministérielle en date du 31 octobre 2013 a été précédée d'une enquête contradictoire, effectuée notamment les 22 et 29 août 2013, au cours de laquelle M.D..., assisté du secrétaire du comité d'entreprise, a été entendu durant une heure et a remis de nouvelles pièces au directeur adjoint du travail de l'unité territoriale des Hauts-de-Seine. Le rapport émis par le directeur adjoint du travail de l'unité territoriale, en date du 25 octobre 2013, et le compte-rendu établi par le secrétaire du comité d'entreprise ayant assisté M.D..., produit par celui-ci, établissent que ce dernier a pu non seulement formuler des observations mais également produire des pièces au dossier au cours des entretiens menés, conformément au principe du contradictoire. Dès lors, le principe du contradictoire n'a pas été méconnu.
7. En troisième lieu, la société Newell France SAS a demandé l'autorisation de licencier disciplinairement M.D..., au motif, non contesté, que ce dernier a, lors de son entretien d'évaluation du 24 avril 2012, exprimé des menaces verbales à l'encontre de son supérieur hiérarchique direct puis l'a frappé au niveau du cou, sous l'oreille droite, alors que ce dernier lui tournait le dos, avant de lui intimer de sortir à l'extérieur pour poursuivre l'altercation. M. D...a reconnu les faits qui lui sont reprochés lors de la réunion du comité d'entreprise devant se prononcer sur le projet de son licenciement. Ces faits de violence sont d'une extrême gravité que ni l'absence d'antécédent disciplinaire de l'intéressé, ni le contexte professionnel tendu allégué, ni la présentation d'excuses par écrit le soir même ne sont de nature à atténuer. Ils justifiaient le licenciement de M. D...pour motif disciplinaire. Le moyen tiré de la disproportion entre ces faits et la sanction prononcée doit donc être écarté.
8. En quatrième lieu, si le rapport du 25 octobre 2013 du directeur adjoint du travail de l'unité territoriales des Hauts-de-Seine, adressé au ministre du travail, fait état de ce qu'il existait à cette date un conflit entre M. D...et la direction de l'entreprise au sujet de la prise en compte de sa décharge d'activité dans la fixation et l'appréciation des objectifs à atteindre, cette circonstance n'est pas, à elle seule, de nature à établir un lien avec le mandat. Au contraire, la sanction prononcée est uniquement fondée sur les violences physiques commises par M. D.... Celui-ci n'est donc pas fondé à soutenir que la demande d'autorisation de son licenciement pour motif disciplinaire présentée par son employeur présentait un lien avec l'exercice de ses mandats syndicaux.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 31 octobre 2013 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. D...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de M.D..., le versement à la société Newell France SAS de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par cette dernière.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête M. D...est rejetée.
Article 2 : M. D...versera à la société Newell France SAS une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
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N° 16VE02585