Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2017 par lequel le préfet des Yvelines a rejeté sa demande de certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1708681 du 3 avril 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 avril et 14 mai 2018, M. A..., représenté par Me Chehat, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet des Yvelines, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de lui délivrer un certificat de résidence d'un an, portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur le refus de certificat de résidence :
- il est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un vice de procédure en ce que son dossier a été examiné par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et non par un médecin inspecteur de l'Agence régionale de santé, comme le prescrivaient les dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers et du décret du 28 octobre 2016 pris pour son application ;
- il est entaché d'illégalité du fait de l'irrégularité de l'avis rendu le 26 juillet 2017 par le collège de médecins de l'OFII sur lequel elle se fonde ;
- il a été pris en méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet s'est estimé lié, à tort, par l'avis du collège de médecins de l'OFII ;
- ce refus est entaché d'une erreur d'appréciation de sa situation médicale, s'agissant en particulier de la possibilité d'accéder effectivement, en Algérie, aux soins rendus nécessaires par sa pathologie ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée en droit ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour sur laquelle elle se fonde ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet s'est estimé lié, à tort, par la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Illouz, conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant algérien né le 29 juillet 1993, est entré en France, selon ses déclarations, le 20 août 2014 sous couvert d'un visa de court séjour. Il a été muni d'un certificat de résidence au titre des soins médicaux sur le fondement des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. L'intéressé a sollicité le 20 avril 2016 le renouvellement de ce titre de séjour. M. A...relève régulièrement appel du jugement du 3 avril 2018 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 novembre 2017 par lequel le préfet des Yvelines a rejeté cette demande de renouvellement de ce certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 7 du code de justice administrative : " Un membre de la juridiction, chargé des fonctions de rapporteur public, expose publiquement, et en toute indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu'elles appellent ". Le premier alinéa de l'article L. 10 de ce code dispose : " Les jugements sont publics. Ils mentionnent le nom des juges qui les ont rendus. ".
3. Il ressort de la minute du jugement attaqué que le nom du rapporteur public ayant siégé à l'audience au cours de laquelle l'affaire a été appelée devant le Tribunal administratif de Versailles n'y est pas mentionné. La lecture de ce jugement ne permet pas, de ce fait, de connaitre le nom du rapporteur public de l'affaire. Cette omission ne met pas la Cour à même d'apprécier la régularité de la formation de jugement à laquelle le rapporteur public appartient, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le jugement indique que le président l'a dispensé, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, conformément aux dispositions de l'article L. 732-1 du code de justice administrative. Dès lors, le jugement attaqué doit s'analyser comme ayant été rendu en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 7 et L. 10 du code de justice administrative et, partant, dans des conditions irrégulières. Ce jugement doit, par suite, être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Versailles.
Sur la légalité de l'arrêté du 17 novembre 2017 :
5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité (...) ". Le troisième alinéa de l'article L. 111-2 de ce code précise que " Ses dispositions s'appliquent sous réserve des conventions internationales. ".
6. L'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés. Il suit de là que le moyen tiré de l'erreur d'appréciation de la situation médicale de M. A...dont le préfet des Yvelines aurait entaché son arrêté ne saurait être examiné qu'à l'aune des seules stipulations de l'accord franco-algérien prévoyant la délivrance d'un certificat de résidence au titre des soins médicaux.
7. Aux termes de l'article 6 de cet accord : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".
8. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un accès effectif au traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
9. Pour refuser à M. A...le renouvellement d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations précitées, le préfet des Yvelines s'est notamment appuyé sur l'avis émis le 26 juillet 2017 par le collège des médecins de l'OFII, dont il s'est approprié les motifs. Il ressort des pièces du dossier que ces médecins ont estimé que, si l'état de santé du demandeur nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celui-ci peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
10. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à la suite d'un accident présentant un degré certain de gravité subi en 2014, M. A...a, dans un premier temps, été pris en charge dans des établissements hospitaliers algériens. Il ressort des mêmes pièces qu'à la suite de complications ayant notamment résulté de l'impossibilité de lui confectionner des prothèses adaptées et de l'apparition d'un syndrome infectieux, l'intéressé a alors été pris en charge en France et a d'ailleurs été muni d'un premier certificat de résidence délivré par l'autorité administrative au titre des soins médicaux. Cette autorité ne conteste ni la réalité de cet état de santé, ni que la nécessité de soins médicaux pour y remédier persistait à la date de l'arrêté attaqué, ni l'exceptionnelle gravité des conséquences susceptibles de résulter d'un éventuel défaut de prise en charge médicale, d'ailleurs attestées par de nombreux certificats médicaux émanant de plusieurs praticiens assurant le suivi médical de l'intéressé dans différents établissements franciliens. Il ressort, par ailleurs, de deux certificats médicaux rédigés par des chirurgiens hospitaliers exerçant en Algérie que les soins et le suivi
post-opératoire adaptés à la situation médicale de M. A...qui vient d'être décrite, ne peuvent lui être dispensés dans son pays d'origine, en l'absence des compétences, du matériel et de structures spécialisées pour le traitement de sa pathologie. Dans ces conditions, l'appelant justifie, à la date de l'arrêté en litige, d'un état de santé nécessitant une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité ainsi que de l'impossibilité d'un accès effectif aux soins nécessaires au traitement de sa pathologie dans son pays d'origine. Le préfet des Yvelines, ne pouvait, dès lors, rejeter sa demande de renouvellement d'un certificat de résidence présentée sur le fondement des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien sans entacher cette décision d'une erreur d'appréciation de sa situation médicale.
11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à demander l'annulation de la décision du 17 novembre 2017 par laquelle le préfet des Yvelines a rejeté sa demande de renouvellement d'un certificat de résidence, ainsi que, par voie de conséquence, de celles l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi concomitamment prises sur son fondement.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. L'exécution du présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet des Yvelines délivre à M. A...un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". En revanche, il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à cette autorité de réexaminer la demande de M. A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, durant la nouvelle instruction de cette demande, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1708681 du Tribunal administratif de Versailles du 3 avril 2018 et l'arrêté du préfet des Yvelines du 17 novembre 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Yvelines de procéder au réexamen de la demande de M A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, durant ce nouvel examen, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'État versera à M. A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
N° 18VE01360