Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association des musulmans de Mantes-Sud (AMMS) a demandé au Tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2014 par lequel le maire de la commune de Mantes-la-Ville a rejeté sa demande de permis de construire portant sur le changement de destination d'un bâtiment situé 10-12 rue des Merisiers sur une parcelle cadastrée AT 691, en vue d'y installer un lieu de culte musulman, ainsi que la décision du 16 février 2015 rejetant son recours gracieux, et, d'autre part, d'enjoindre au maire de la commune de Mantes-la-Ville de lui délivrer le permis de construire sollicité, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa demande et de prendre une nouvelle décision, dans le même délai et sous la même astreinte.
Par un jugement n° 1502832 du 16 décembre 2016, le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du maire de la commune de Mantes-la-Ville en date du 23 octobre 2014 et sa décision du 16 février 2015 susvisés et a enjoint au maire de cette commune de réexaminer la demande de permis de construire présentée par l'association des musulmans de Mantes-Sud (AMMS) dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 février 2017, la commune de Mantes-la-Ville, représentée par Me Vos, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter la demande présentée par l'AMMS devant le Tribunal administratif de Versailles ;
3° de mettre à la charge de l'AMMS le versement à la commune de Mantes-la-Ville de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Mantes-la-Ville soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a retenu comme fondé le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme ;
- c'est à tort que le tribunal a retenu comme fondé le moyen tiré du détournement de pouvoir ;
- c'est à tort que les premiers juges ont refusé de faire droit à la demande de substitution de motifs sollicitée par la commune.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 septembre 2017 et le 23 juillet 2018, l'AMMS, représentée par Me Suffern, avocat, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au maire de la commune de Mantes-la-Jolie de délivrer à l'association le permis de construire sollicité dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et à la mise à la charge de cette commune du versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la commune de Mantes-la-Ville ne sont pas fondés et que, par deux jugements n° 1703192-1703332 du 16 janvier 2018 et du 11 juillet 2018, le Tribunal administratif de Versailles a annulé un autre arrêté du 10 mars 2017 du maire de la commune de Mantes-la-Ville rejetant une demande de permis de construire portant sur le même projet et a enjoint au maire de cette commune de délivrer le permis de construire dans le délai d'un mois à compter de la notification de ce jugement sous astreinte de 150 euros par jour de retard.
Par ordonnance du président de la 2ème Chambre en date du 31 août 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 26 octobre 2018, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour l'association des musulmans de Mantes-Sud.
Considérant ce qui suit :
Sur les conclusions en annulation présentées par la commune de Mantes-la-Ville :
1. La commune de Mantes-la-Ville relève régulièrement appel du jugement n° 1502832 du 16 décembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Versailles, d'une part, a annulé l'arrêté du 23 octobre 2014 par lequel le maire de la commune de Mantes-la-Ville a rejeté la demande de permis de construire présentée par l'association des musulmans de Mantes-Sud (AMMS) en vue d'édifier un lieu de culte musulman sur un terrain situé 10-12 rue des Merisiers, ainsi que la décision du 16 février 2015 rejetant son recours gracieux, et, d'autre part, a enjoint au maire de la commune de Mantes-la-Ville de lui délivrer le permis de construire sollicité, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa demande et de prendre une nouvelle décision, dans le même délai et sous la même astreinte.
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ;/(...). ". Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 431-5 du même code : " La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R*423-1 pour déposer une demande de permis. ".
3. Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire peuvent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire selon laquelle il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 précité. Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, sont accordées sous réserve du droit des tiers et il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur. Toutefois, lorsque l'autorité saisie d'une telle déclaration ou d'une demande de permis de construire vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, d'aucun droit à la déposer, il lui revient de refuser la demande de permis pour ce motif.
4. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande de permis de construire présentée par l'AMMS, le maire de la commune de Mantes-la-Ville a retenu la caducité, intervenue le 15 mai 2014, des promesses de vente conclues le 18 décembre 2013 respectivement entre la communauté d'agglomération de Mantes-en-Yvelines (CAMY) et la commune de Mantes-la-Ville, d'une part, et entre celle-ci et l'AMMS, d'autre part. Toutefois, la caducité de ces promesses de vente ne permettait pas au maire de cette commune de retenir que l'association pétitionnaire ne disposait pas du droit, de ce seul fait, à déposer une demande de permis de construire sur le terrain appartenant à la CAMY. Par suite, le maire de la commune de Mantes-la-Ville ne pouvait légalement opposer ce motif pour refuser la délivrance du permis de construire sollicité.
5. En deuxième lieu, il ressort également des pièces du dossier que le maire de la commune de Mantes-la-Ville a publiquement manifesté à plusieurs reprises son opposition au projet d'installation d'un lieu de culte musulman sur le territoire de sa commune avant l'édiction de la décision de refus de permis de construire. Ainsi, il a déclaré dans un quotidien national daté du 23 avril 2014 " qu'il allait étudier toutes les possibilités juridiques et légales pour que le projet (de lieu de culte) n'aille pas à son terme ". Le magazine municipal de juillet - août 2014 mentionne le soutien des habitants de la commune aux actions et projets de l'équipe municipale en place, au premier rang desquelles " l'opposition au projet de mosquée de la rue des Merisiers ". Au journal télévisé de France 2 du 16 décembre 2014, le maire a fait état de sa vive opposition à l'installation d'un centre cultuel musulman à Mantes-la-Ville. Dès lors, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Versailles a retenu l'existence d'un détournement de pouvoir pour annuler l'arrêté du 23 octobre 2014 par lequel le maire de la commune de Mantes-la-Ville a rejeté la demande de permis de construire présentée par l'AMMS et la décision du 16 février 2015 rejetant le recours gracieux de cette association.
6. En troisième et dernier lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
7. La commune de Mantes-la-Ville soutient en appel comme elle le fit en première instance que l'arrêté du 23 octobre 2014 par lequel le maire de la commune de Mantes-la-Ville a rejeté la demande de permis de construire présentée par l'AMMS est légalement justifiée par les motifs tirés de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et de l'article UB 12 du règlement du plan local d'urbanisme communal.
8. Dans la mesure où c'est à bon droit, comme qu'il est dit au point 5, que les premiers juges ont retenu le moyen tiré du détournement de pouvoir pour annuler l'arrêté du 23 octobre 2014 du maire de la commune de Mantes-la-Ville, ils ont pu, par voie de conséquence et en tout état de cause, ne pas faire droit à la demande de substitution de motifs présentée par cette commune. Dans ces conditions, la demande de substitution de motifs réitérée devant la Cour par la commune de Mantes-la-Ville ne peut qu'être rejetée.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le moyen tiré de ce que c'est à tort que les premiers juges ont retenu l'existence d'un détournement de pouvoir, que la commune de Mantes-la-Ville n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 23 octobre 2014 par lequel le maire de la commune de Mantes-la-Ville a rejeté la demande de permis de construire présentée par l'AMMS et sa décision du 16 février 2015 rejetant le recours gracieux et a enjoint au maire de cette commune de réexaminer la demande de permis de construire présentée par cette association dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.
Sur les conclusions incidentes à fin d'injonction présentées par l'AMMS :
10. Dans la mesure où il résulte de l'instruction que l'association des musulmans de Mantes-Sud s'est vu accorder, par arrêté du 6 août 2018 du maire de la commune de Mantes-la-Ville, un permis de construire pour le même projet, l'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Ses conclusions en injonction de délivrance du permis de construire ne peuvent donc qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Par voie de conséquence du rejet de ses conclusions en annulation, les conclusions de la commune de Mantes-la-Ville tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette commune le versement à l'association des musulmans de Mantes-Sud de la somme de 2 000 euros sur le fondement de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Mantes-la-Ville est rejetée.
Article 2 : Les conclusions incidentes en injonction présentées par l'association des musulmans de Mantes-Sud sont rejetées.
Article 3 : La commune de Mantes-la-Ville versera à l'association des musulmans de Mantes-Sud une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Mantes-la-Ville et à l'association des musulmans de Mantes-Sud.
Copie en sera adressée au préfet des Yvelines.
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. C..., président de chambre,
M. A..., président assesseur,
Mme Colrat, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 septembre 2019.
Le rapporteur,
B. GUEVELLe président,
M. C...
Le greffier,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
Le greffier,
6
N° 17VE00538