Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme N... L... veuve F..., M. H... O..., Mme J... G... épouse I..., M. M... A..., Mme E... P... épouse Q..., Mme S... épouse K... et la SCI Rif ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté de péril imminent pris par le maire de la commune de Saint-Denis le 1er décembre 2015 concernant l'immeuble situé 48, rue de la République dans cette même commune.
Par un jugement n° 1600767 du 29 septembre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés les 30 novembre et 18 décembre 2016, Mme N... L... veuve F... et autres, représentés par Me D..., demandent à la Cour :
1° d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté de péril imminent pris par le maire de la commune de Saint-Denis le 1er décembre 2015 concernant l'immeuble situé 48, rue de la République ;
2° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en ne relevant pas la méconnaissance du champ d'application de la loi ; il n'a pas pris acte du caractère essentiellement extérieur à l'immeuble de la cause de l'arrêté de péril imminent ; la cause principale de l'édiction de l'arrêté litigieux est l'assaut du 18 novembre 2015 ; l'arrêté aurait donc dû être adopté dans le cadre des pouvoirs de police générale du maire et non pas dans le cadre des pouvoirs de police des immeubles menaçant ruine ;
- le tribunal administratif a jugé à tort que les intérêts des occupants de l'immeuble avaient été pris en compte par le maire édictant l'arrêté de péril ;
- le tribunal administratif a jugé à tort que la mesure d'installation d'un système de télésurveillance, ordonnée par le maire dans son arrêté, n'excédait pas le périmètre des mesures provisoires susceptibles d'être prononcées dans le cadre de la procédure ;
- aucun danger ne frappait le bâtiment E lors de l'adoption de l'arrêté de péril imminent, ni ne frappait les commerces côté rue qui appartiennent à l'immeuble ; pourtant l'arrêté prend une mesure générale et frappe l'immeuble dans son ensemble.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme R...,
- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., substituant Me C..., pour la commune de Saint-Denis.
Considérant ce qui suit :
1. Le 18 novembre 2015, le bâtiment C de l'immeuble sis 48 rue de la République à Saint-Denis a fait l'objet d'un assaut des forces de l'ordre en raison de la présence en ses murs de personnes supposément impliquées dans les attentats de Paris et Saint-Denis le 13 novembre 2015. Le même jour, le maire a pris un arrêté portant évacuation de l'immeuble sur le fondement de ses pouvoirs de police générale dans l'attente de la nomination d'un expert. A la demande du maire de la commune de Saint-Denis, le juge des référés du Tribunal administratif de Montreuil a ensuite nommé, le 23 novembre 2015, sur le fondement de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, un expert aux fins d'examiner l'état de la copropriété en cause. L'expert désigné par le tribunal a conclu, le 26 novembre 2015, à l'existence d'un péril imminent sur cet ensemble immobilier. Le maire de Saint-Denis a donc pris, le 1er décembre 2015, un arrêté de péril imminent aux termes duquel il a ordonné au syndicat des copropriétaires de prendre, dès la notification de l'arrêté, les mesures portant interdiction de pénétrer et d'habiter à tous les occupants et d'utiliser tous les locaux commerciaux et, dans un délai de cinq jours à compter de la notification de l'arrêté, de prendre les mesures provisoires préconisées par l'expert consistant à poser une bâche sur l'ensemble de la toiture des bâtiments C et D, à poser des fermetures étanches sur toutes les ouvertures de la cage d'escalier du bâtiment D donnant sur la toiture du bâtiment E adjacent, à installer un système d'alarme périmétrique dans l'enceinte des bâtiments et volumétrique si besoin, relié à une société de télésurveillance, à protéger les façades du bâtiment C côté rue du Corbillon par la mise en oeuvre d'une aire close par une entreprise spécialisée compte tenu de l'instabilité du bâtiment, à mettre en sécurité les lieux par la fermeture du mur mitoyen au parking privé de la parcelle 46 sur une hauteur de deux mètres minimum et à condamner par tout moyen les accès aux bâtiments sur rue et sur la cour commune. Mme N... L... veuve F... et autres, propriétaires de locaux au sein de cet ensemble immobilier, ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil l'annulation de cet arrêté. Par jugement en date du 29 septembre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande. Mme N... L... veuve F... et autres relèvent appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes, d'une part, de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 5° le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux (...), de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours et, s'il y a lieu, de provoquer l'intervention de l'administration supérieure ". Aux termes de l'article L. 2212-4 du même code : " En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances (...) ".
3. Aux termes, d'autre part, de l'article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales : " Le maire prescrit la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices menaçant ruine dans les conditions prévues aux articles L. 511-1 à L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation ". Aux termes de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. / Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. / Dans le cas où les mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d'office. En ce cas, le maire agit au lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais. / Si les mesures ont à la fois conjuré l'imminence du danger et mis fin durablement au péril, le maire, sur le rapport d'un homme de l'art, prend acte de leur réalisation et de leur date d'achèvement. / Si elles n'ont pas mis fin durablement au péril, le maire poursuit l'exécution de la procédure dans les conditions prévues à l'article L. 511-2. ".
4. Les pouvoirs de police générale reconnus au maire par les dispositions précitées des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, qui s'exercent dans l'hypothèse où le danger menaçant un immeuble résulte d'une cause qui lui est extérieure, sont distincts des pouvoirs qui lui sont conférés dans le cadre des procédures de péril ou de péril imminent régies par les articles L. 511-1 à L. 511-4 du code de la construction et de l'habitation, auxquels renvoie l'article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales, qui doivent être mis en oeuvre lorsque le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres.
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'ensemble immobilier situé 48 rue de la République à Saint-Denis faisait, au jour de l'arrêté attaqué, et de longue date, l'objet d'une attention constante des services de la préfecture de la Seine-Saint-Denis et des services en charge de l'habitat de la commune de Saint-Denis. En effet, entre 1983 et 2005, l'immeuble avait fait l'objet d'un arrêté préfectoral prescrivant des travaux et de sept arrêtés préfectoraux ayant prescrit des interdictions d'habitation. Par ailleurs, le 7 décembre 2001, une visite des services de la commune avait permis de constater, s'agissant de la partie de l'immeuble donnant sur la rue du Corbillon, dans le local commercial à gauche du porche d'entrée, une chute du faux-plafond laissant apparente la structure en bois très fortement dégradée du plancher, plusieurs solives menaçant de se désolidariser de la structure, le maire adjoint délégué à l'habitat ayant alors demandé à la copropriété de prendre les mesures nécessaires. En 2008, à l'occasion de nouvelles visites sur place, des fissures importantes dans les murs extérieurs et la chute de morceaux de ravalement étaient constatées par les services de l'hygiène et l'habitat de la commune justifiant deux nouveaux courriers du maire adjoint délégué à l'hygiène de l'habitat demandant la réfection des éléments défectueux sans lesquels un arrêté de péril serait édicté. Pour ces raisons, l'immeuble a été inclus dans une opération programmée de l'amélioration de l'habitat (OPAH) en 2011 et a fait depuis cette date l'objet d'une surveillance accrue des services de la commune ayant conduit à plusieurs visites contradictoires ainsi qu'en attestent, notamment, les rapports établis les 2 mars, 6 avril et 18 mai 2011 tout à fait explicites sur l'état de dégradation de l'immeuble (fissurations et décollement de la maçonnerie, accès à la cour de l'immeuble non sécurisé, risques d'effondrement de certains plafonds). Il ressort également du rapport de visite établi par les services de la commune de Saint-Denis le 20 novembre 2015, qu'avant même l'assaut du 18 novembre 2015, huit logements au sein de l'immeuble étaient frappés d'arrêtés préfectoraux d'insalubrité assortis d'interdiction à l'habitation. Ce rapport rappelle que l'ensemble immobilier était donc déjà fragilisé et étayé avant les évènements du 18 novembre 2015. L'immeuble était ainsi bien connu des services de la ville de Saint-Denis, cette dernière ayant par ailleurs engagé à son encontre une procédure d'insalubrité globale irrémédiable. Dès lors, si, ainsi que le soutiennent les requérants, le 18 novembre 2015, l'immeuble a fait l'objet d'un assaut exceptionnel des forces de l'ordre ayant impliqué plus d'une centaine de policiers et ayant exigé de nombreux tirs et lancers de grenades offensives dont l'explosion a pu contribuer à la dégradation de l'immeuble décrite dans le rapport de l'expert diligenté par le juge du référé mesures utiles du Tribunal administratif de Montreuil, il ne résulte pas de l'instruction, nonobstant l'existence incontestable d'un impact sur l'état des bâtiments de l'assaut en raison, notamment des effets des explosifs, que le péril affectant l'immeuble et à l'origine de l'arrêté litigieux aurait été constitué dans le cas d'un assaut comparable mené sur un immeuble normalement entretenu de sorte que le danger doit être regardé comme trouvant son origine prépondérante dans une cause inhérente à l'immeuble. Le maire de la commune de Saint-Denis a donc pu, sans erreur de droit ni méconnaissance du champ d'application de la loi ainsi que l'ont jugé les premiers juges, édicter l'arrêté litigieux sur le fondement des dispositions du code de la construction et de l'habitation.
6. En deuxième lieu, si les requérants soutiennent que les intérêts des occupants de l'immeuble, notamment des commerçants, n'auraient pas été pris en compte par l'administration lors de l'édiction de l'arrêté de péril, ainsi que l'ont jugé les premiers juges, il ressort des pièces du dossier que toute personne entrant dans l'immeuble sis 48 rue de la République postérieurement à la date du 18 novembre 2015, aurait été exposée à un risque de danger immédiat. Pour ce seul motif, le maire pouvait édicter l'arrêté litigieux sans porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété ni à la liberté d'entreprendre des propriétaires et occupants des lieux. Le moyen doit donc être écarté.
7. En troisième lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la prescription tendant à l'installation d'un système de télésurveillance de l'immeuble n'excède pas le périmètre des mesures provisoires susceptibles d'être prononcées dans le cadre des dispositions de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation dès lors qu'une telle mesure est provisoire et a pour but de garantir la vacance de l'immeuble cause de danger.
8. En dernier lieu, les requérants se prévalent de la configuration des lieux et plus précisément de la circonstance que l'immeuble en litige est constitué de plusieurs bâtiments, pour soutenir que l'arrêté litigieux ne pouvait frapper l'immeuble dans son ensemble dès lors qu'en plusieurs parts, notamment en son bâtiment E, il ne présentait aucun danger. Toutefois, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'immeuble en cause est composé de cinq bâtiments dénommés A, B, C, D et E organisés autour d'une cour permettant d'accéder aux cages d'escalier desservant les logements, cour elle-même accessible par un unique porche d'entrée et situé 2 rue du Corbillon. Le rapport de l'expert a relevé l'état de péril de l'ensemble des bâtiments même si certains d'entre eux présentent un état de péril plus avancé que les autres sans que les requérants n'apportent d'éléments de nature à remettre en cause ces constatations. Par suite, le moyen tiré de ce que le périmètre de l'arrêté de péril excéderait le danger présenté par l'immeuble ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Denis la somme que les requérants demandent sur leur fondement. Il y a lieu en revanche de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge solidaire de Mme N... L... veuve F... et autres la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Saint-Denis et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme N... L... veuve F... et autres est rejetée.
Article 2 : Mme N... L... veuve F... et autres verseront solidairement à la commune de Saint-Denis une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
N° 16VE03443 2