Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Les consorts H... ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner le centre hospitalier des Quatre Villes à les indemniser des préjudices subis à la suite de la prise en charge de Mme H... ayant conduit au décès de son enfant, en leur versant les sommes suivantes assorties des intérêts à compter de la date de la demande préalable et de la capitalisation des intérêts :
- à Mme M'D... épouse H... la somme totale de 30 102 euros correspondant aux frais d'obsèques, aux troubles dans les conditions d'existence et à son préjudice moral ;
- à M. H... la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- à Mme M'D... épouse I... la somme de 2 500 euros en réparation de son préjudice moral ;
- à M. M'D... la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- et à Mme G... épouse M'D... la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Par un jugement n° 1502163 du 1er décembre 2016, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 31 janvier 2017, Mme E... M'D... épouse H..., M. F... H..., Mme C... M'D... épouse J..., M. A... M'D..., et Mme B... G... épouse M'D..., représentés par Me K..., avocat, demandent à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de condamner le centre hospitalier des Quatre Villes à les indemniser des préjudices subis à la suite de la prise en charge de Mme H... ayant conduit au décès de son enfant, en leur versant les sommes suivantes assorties des intérêts à compter de la date de la demande préalable et de la capitalisation des intérêts :
- à Mme M'D... épouse H... la somme totale de 30 105 euros correspondant aux frais d'obsèques, aux troubles dans les conditions d'existence et à son préjudice moral ;
- à M. H... la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- à Mme M'D... épouse I... la somme de 2 500 euros en réparation de son préjudice moral ;
- à M. M'D... la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- et à Mme G... épouse M'D... la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
3° de condamner le centre hospitalier des Quatre Villes aux entiers dépens ;
4° de mettre à la charge du centre hospitalier des Quatre Villes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le centre hospitalier a commis plusieurs fautes, une erreur de diagnostic, une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service et un défaut d'information, de nature à engager sa responsabilité en application des dispositions de l'article L. 1142-1 I alinéa 1er du code de la santé publique ;
- ces fautes sont à l'origine des préjudices dont ils demandent réparation.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme M...,
- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,
- et les observations de Me K... pour les consorts H... et celles de Me L... pour le centre hospitalier des Quatre Villes.
Considérant ce qui suit :
1. Le 31 mars 2013, Mme H... s'est présentée à la maternité du centre hospitalier des Quatre Villes en raison de contractions utérines. Le monitoring du rythme cardiaque mis en place à 10h20 révélant des informations contradictoires, à savoir une bradycardie alternant avec des oscillations normales et des accélérations bien visibles, et les procédures destinées à éliminer l'hypothèse d'une acidose ayant échoué, l'équipe médicale décidera à 11h45 de pratiquer une césarienne. A 12h02, Mme H... accouchera d'un enfant mort-né que les tentatives des médecins ne parviendront pas à ranimer. Le 5 août 2013, Mme H... a saisi la commission régionale d'indemnisation et de conciliation qui, au terme d'un avis en date du 22 mai 2014, a rejeté sa demande d'indemnisation. Par courrier reçu le 17 décembre 2014, Mme H... a alors saisi le centre hospitalier des Quatre Villes d'une demande préalable indemnitaire à laquelle le centre hospitalier a répondu par une décision expresse de rejet en date du 28 janvier 2015. Mme H... a donc saisi le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'une demande indemnitaire rejetée par jugement n° 1502163 du 1er décembre 2016 dont les requérants relèvent appel.
Sur la responsabilité du centre hospitalier :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".
3. Mme H... soutient que, devant le tableau médical présenté par son enfant, l'équipe du centre hospitalier des Quatre Villes aurait dû décider de procéder à une césarienne plus tôt, ce qui aurait permis de le sauver. Il résulte toutefois de l'instruction que Mme H... s'est présentée au centre hospitalier des Quatre Villes le dimanche 31 mars 2013, arrivée au terme théorique de quarante semaines et six jours d'une première grossesse non pathologique et alors qu'elle ressentait des contradictions associées à une diminution des mouvements actifs du bébé depuis sept heures du matin le même jour. Si une discussion a pu se nouer entre les parties sur l'heure exacte de l'arrivée de Mme H... à la maternité dans un contexte de changement d'horaire pour le passage à l'heure d'été, les documents médicaux font unanimement état d'une prise en charge de la patiente à 10h15 et non à partir de 9h15 ainsi que Mme H... a pu le soutenir au cours des opérations d'expertise. Dès 10h20, un monitoring du rythme foetal a ainsi été mis en place qui a retrouvé des éléments contradictoires associant une bradycardie inquiétante, avec un rythme de base aux alentours de 80-90 battements par minute, mais également des éléments rassurants soit une bonne variabilité du tracé, des accélérations et l'absence de décélération. En conséquence, devant ce tableau atypique, certainement installé antérieurement à l'arrivée de la patiente à la maternité ainsi que le relève le Docteur Chemla, dès 10h30 l'interne de garde a été appelé et informé de la situation. A 10h45, la pose d'une péridurale a été décidée, pose à l'occasion de laquelle la patiente a fait un malaise traité par l'équipe médicale. A 10h55, l'interne de garde présent sur place et constatant la persistance d'informations contradictoires retrouvées par le monitoring a décidé d'investigations complémentaires afin d'écarter l'hypothèse d'une souffrance foetale. Il a ainsi été décidé de pratiquer un pH et la pose d'un STAN, procédures qui se solderont toutes par un échec ainsi qu'en atteste le diagramme de l'accouchement produit par le centre hospitalier qui relève l'échec de ces procédures, tentées à plusieurs reprises à 11h20 puis 11h30. Face à ce tableau incertain, l'équipe médicale a donc pris la décision de pratiquer une césarienne à 11h40, a fait entrer la patiente au bloc à 11h45 pour extraire l'enfant à 12h02. Dès lors, dans ces circonstances, l'équipe médicale du centre hospitalier des Quatre Villes, confrontée à une incertitude diagnostique réelle qu'il convenait de tenter de lever avant toute décision chirurgicale ainsi que s'accordent pour le dire les experts, sans nouvelle dégradation du rythme cardiaque foetal pendant toute la durée de la surveillance de la patiente et dans un contexte d'absence d'antécédents médicaux de la mère de l'enfant et de grossesse non pathologique, a pu sans commettre d'erreur de diagnostic ou commettre d'erreur médicale, décider de réaliser une césarienne une heure et demie après l'arrivée de la patiente à la maternité du centre hospitalier.
4. Il résulte par ailleurs de l'instruction qu'après le décès de son enfant, Mme H... est restée hospitalisée jusqu'au 5 avril 2013. Elle a alors été vue tous les jours par le Dr Ibrahim, qui était de garde le jour de son accouchement, qui a évoqué avec elle une malformation cardiaque ou une infection avant les résultats de l'autopsie qui ne permettra pas d'expliciter clairement les causes du décès. Toutefois, après sa sortie de la maternité, Mme H... n'a pas été convoquée pour une consultation postnatale ni prise en charge par un accoucheur pour lui communiquer les résultats de l'autopsie, en analyser avec elle les conclusions et envisager la conduite à tenir lors d'une prochaine grossesse. Le centre hospitalier ne conteste d'ailleurs pas cette méconnaissance des usages dans ce domaine et donc l'existence d'une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier. Dans ces conditions, la requérante peut légitimement se prévaloir d'un sentiment d'angoisse tiré de l'incertitude dans laquelle elle a été laissée après le décès de son enfant, notamment pour envisager une future grossesse. Il sera ainsi fait une juste appréciation du préjudice moral de la requérante en l'évaluant à la somme de 800 euros.
5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme H... est fondée à demander la condamnation du centre hospitalier des Quatre Villes à lui verser la somme de 800 euros et la réformation du jugement du Tribunal administratif dans cette mesure.
Sur les dépens :
6. Aucun dépens n'ayant été exposé au cours de l'instance, les conclusions présentées par les requérants à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier des Quatre Villes le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par les consorts H... et non compris dans les dépens. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge des requérants, qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que le centre hospitalier des Quatre Villes demande au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : Le centre hospitalier des Quatre Villes est condamné à verser à Mme H... la somme de 800 (huit cents) euros.
Article 2 : Le centre hospitalier des Quatre Villes versera à Mme H... une somme de 1 000 (mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête des consorts H... est rejeté.
Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier des Quatre Villes présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le jugement n° 1502163 du 1er décembre 2016 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
N° 17VE00330 4