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02/06/2020 | FRANCE | N°17VE01395

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 02 juin 2020, 17VE01395


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Conforama France a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler les décisions implicites de l'inspecteur du travail de la 6e section de l'unité territoriale de la Seine-Saint-Denis, née le 29 juin 2015, et du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, née le 5 décembre 2015, et la décision explicite du ministre du travail du 26 janvier 2016, lui ayant refusé l'autorisation de licencier M. A....

Par un jugement n° 1600990 du 7 ma

rs 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Conforama France a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler les décisions implicites de l'inspecteur du travail de la 6e section de l'unité territoriale de la Seine-Saint-Denis, née le 29 juin 2015, et du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, née le 5 décembre 2015, et la décision explicite du ministre du travail du 26 janvier 2016, lui ayant refusé l'autorisation de licencier M. A....

Par un jugement n° 1600990 du 7 mars 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 mai 2017, la société Conforama France, représentée par Me d'Aleman, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler les décisions implicites de l'inspecteur du travail de la 6e section de l'unité territoriale de la Seine-Saint-Denis, née le 29 juin 2015, et du ministre du travail, de la formation professionnelle et du dialogue social, née le 5 décembre 2015, et la décision explicite du ministre du travail du 26 janvier 2016, qui lui ont refusé l'autorisation de licencier M. A....

Elle soutient que :

- le motif économique à l'origine de la demande d'autorisation de licenciement est avéré ;

- elle a satisfait son obligation de reclassement du salarié ;

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public,

- les observations de Me B... pour la société Conforama France.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., salarié du centre Saveo de Noisy-le-Sec depuis le 20 juin 1990, y exerçait les fonctions de technicien brun, soit de technicien travaillant sur du matériel hifi, vidéo. Il détenait les mandats de membre suppléant du comité d'établissement du centre Saveo depuis le 27 février 2014 et était devenu membre titulaire à compter du 5 novembre 2014. Le 28 août 2014, M. A... a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Cet entretien a eu lieu le 5 septembre 2014. La société Conforama France a ensuite sollicité l'autorisation de licencier M. A... le 26 septembre 2014. Une première décision expresse de rejet de cette demande a été opposée par l'inspecteur du travail le 28 novembre 2014 en raison de l'insuffisance de l'offre de reclassement. La société a poursuivi ses recherches et une deuxième demande d'autorisation de licencier M. A... a été présentée le 24 avril 2015. Par une décision implicite née le 29 juin 2015, l'inspectrice du travail de la 6e section de l'unité territoriale de la Seine-Saint-Denis a refusé à la société Conforama France l'autorisation de licencier pour motif économique M. A.... Le ministre du travail a, par une décision explicite du 26 janvier 2016, confirmative de sa décision implicite née le 6 décembre 2015, rejeté le recours hiérarchique formé par cette société. Après avoir requalifié les conclusions de la demande comme devant être regardées comme dirigées contre la décision implicite de l'inspectrice du travail et contre la décision expresse du ministre, laquelle s'est substituée à sa décision implicite, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande d'annulation de ces décisions présentée par la société Conforama France. La société relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 1233-4 du code du travail dans sa version applicable au litige : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. ". En vertu de ces dispositions, les salariés investis de fonctions représentatives bénéficient d'une protection exceptionnelle.

Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement de l'intéressé en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise. En outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., salarié protégé et travailleur handicapé, exerçait les fonctions de technicien brun au centre Saveo de Noisy-le-Sec avec un taux d'invalidité de 50 % et une inaptitude à porter de lourdes charges constatée par la médecine du travail le 9 octobre 2015. Il détenait également une carte d'invalidité portant la mention " station débout pénible ". Dans le cadre de son obligation de reclassement, la société Conforama France a, par courrier en date du 2 février 2015, proposé à son salarié quatre postes : un poste d'Hôte SAV à temps complet, statut employé groupe 2, niveau 2 à Villeneuve-Saint-Georges, un poste de technicien atelier blanc-brun à temps complet statut employé groupe 4, niveau 3 à Compiègne, un poste de technicien atelier blanc-brun à temps complet statut employé groupe 4, niveau 3 à Fenouillet dans la Haute-Garonne et poste de technicien atelier blanc-brun à temps complet statut employé groupe 4, niveau 3 dans le Bas-Rhin. La précision de ces offres n'est pas discutée, non plus que le niveau de responsabilité ou de rémunération qui sont similaires à ceux de l'ancien poste occupé par M. A.... Toutefois, contrairement à ce que soutient la société Conforama France, il est constant que ces emplois imposaient le passage d'un poste de technicien brun à un poste de technicien blanc-brun, ce qui suppose de travailler sur du matériel électroménager (réfrigérateurs, machine à laver...) et donc la manipulation d'appareils de gros gabarit souvent lourds, tâche que le handicap de M. A... ne permet pas. Or les offres présentées à M. A... ne comportaient aucune réserve concernant leur adaptation au handicap du salarié. Si la société Conforama France soutient que, bien qu'ayant omis de le préciser dans ses offres de reclassement, elle respectera strictement en pratique les préconisations de la médecine du travail en n'imposant pas à son salarié des tâches qu'il ne saurait être en mesure de réaliser sans compromettre son état de santé, ces engagements sont sans incidence sur l'appréciation des offres proposées. Si la société soutient également que, dans son poste actuel, M. A... ne connaissait aucune adaptation de ses fonctions, cette circonstance, à la supposer établie, est également sans incidence dès lors qu'ainsi qu'il a été rappelé, avant le projet de licenciement, M. A... occupait un poste de technicien brun, non un poste technicien blanc-brun. Il résulte dès lors que ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la société Conforama France n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement du salarié.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la réalité du motif économique invoqué, que la société Conforama n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de l'inspectrice du travail lui refusant l'autorisation de licencier M. A... et de la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 26 janvier 2016 confirmant la décision de l'inspectrice du travail.

Sur les frais liés à l'instance :

5. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation. ".

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Conforama une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés par M. A... dans la présente instance et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Conforama France est rejetée.

Article 2 : La société Conforama France versera à M. A... une somme de 1 500 (mille cinq cent) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

N° 17VE01395 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01395
Date de la décision : 02/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Hélène LEPETIT-COLLIN
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : SELARL BRL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-02;17ve01395 ?
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