Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le fonds SAN DIEGO CITY EMPLOYEES' RETIREMENT SYSTEM a demandé au Tribunal administratif de Montreuil :
1° à titre principal, de prononcer la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française, au titre des années 2006 à 2009, soit 116 905,31 euros, et de lui accorder le bénéfice du versement des intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;
2° à titre subsidiaire, de demander l'avis du Conseil d'Etat sur l'éventuelle contrariété de la retenue à la source prélevée sur les dividendes de source française au titre des années 2006 à 2009 avec l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne, et de surseoir à statuer jusqu'à ce que l'avis soit rendu ;
3° et, à titre plus subsidiaire, de saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne d'une question préjudicielle sur l'éventuelle contrariété de la retenue à la source prélevée sur les dividendes de source française au titre des années 2006 à 2009 à l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne, et de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'une décision soit rendue.
Par un jugement n° 1309040 du 14 octobre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil faisant partiellement droit à sa demande, a décidé de la restitution des retenues à la source prélevées au titre de l'année 2009, dans la limite du quantum demandé à l'appui de la réclamation préalable, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Première procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 12 décembre 2014, 30 septembre 2015 et 10 mai 2016, le fonds SAN DIEGO CITY EMPLOYEES' RETIREMENT SYSTEM, représenté par Me de Waal, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette pour irrecevabilité ses conclusions tendant à la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française au titre des années 2006, 2007 et 2008 ;
2° de prononcer la restitution des montants correspondant aux retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française au titre des années 2006, 2007 et 2008 ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif a admis la tardiveté de sa réclamation au titre des années 2006, 2007 et 2008, dont a fait état le rapporteur public, pour la première fois à l'audience et sans que l'administration fiscale n'en ait fait état dans ses écritures, violant ainsi le principe du contradictoire ; pour le même motif, il a également été privé de son droit à un procès équitable ;
- sa réclamation au titre des années 2006, 2007 et 2008 était recevable puisqu'elle a été introduite avant la date du 31 décembre 2011 qui correspond à l'expiration du délai nouveau ouvert par la décision Société Stichting Unilever Pensioenfonds Progress rendue par le Conseil d'État le 13 février 2009 sous le n° 298108, qui constitue un évènement de nature à motiver la réclamation au sens des dispositions de l'article de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et du c) de l'article R. 196-1 du même livre, dans leur rédaction applicable aux décisions de justice intervenues avant le 1er janvier 2013 ; les premiers juges ont estimé, à tort, que l'application de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ne pouvait pas se fonder sur la décision Stichting Unilever précitée, car il n'aurait pas constaté la non-conformité du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts au principe de libre circulation des capitaux ; au contraire, dans cette décision le Conseil d'État établit que la discrimination entre le fonds néerlandais et les organismes français méconnaît l'article 56 du traité instituant la communauté européenne et par là-même, méconnaît le principe de libre circulation des capitaux ;
- dans l'affaire Stichting Unilever, le Conseil d'État, qui, certes, était saisi en excès de pouvoir aux fins d'annuler les deux instructions des 28 février et 28 avril 2005, procède en deux temps : il relève, dans un premier temps, l'incompatibilité de la norme interne avec la norme communautaire et, ensuite, en déduit que l'administration fiscale aurait dû proposer, dans le cadre de l'instruction administrative litigieuse, un mécanisme de neutralisation ; si le Conseil d'État a fait droit à cette requête, c'est parce que ces instructions faisaient une application directe du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, et ainsi réitéraient un texte de loi incompatible avec le droit communautaire sans proposer ce mécanisme de neutralisation ; la censure trouve ainsi sa source, non pas dans une interprétation à caractère réglementaire contraire au droit communautaire comme dans la décision Société Rallye du 30 décembre 2013, mais au contraire dans l'absence d'une position à caractère réglementaire venant pallier les lacunes de la norme interne ; c'est d'ailleurs la même interprétation que retient l'administration fiscale dans son instruction administrative référencée 4-H-2-10 du 29 décembre 2009 ;
- sur le bien-fondé : les retenues à la source en litige, sont discriminatoires et violent le principe général de la libre circulation des capitaux entre les Etats membres de l'Union européenne et les pays tiers, posé par l'actuel article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ; elles doivent lui être restituées dès lors qu'il respecte les exigences de l'article 401(a) du code général des impôts américain et que sa situation est objectivement comparable à celle d'une caisse de retraite française dès lors qu'il est un plan de retraite qualifié au sens de la loi américaine " Employee Retirement Income Security Act " (ERISA) qui fixe des conditions de fonctionnement en terme de désintéressement, de gestion et de transparence ; en effet, sa gestion est désintéressée, il est géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation, les membres de l'organisme ou leurs ayants droit ne peuvent pas être déclarés attributaires d'une part quelconque de l'actif, sous réserve du droit de reprise des apports et il n'entretient pas de relation privilégiée avec des entreprises et pas davantage de relations de concurrence ; le Conseil d'Etat a posé le critère relatif à la gestion désintéressée avec sa décision du 30 décembre 2014, Versorgungswerk des Zahnärtzekammer aus Berlin sous le n° 361842 et en a précisé les contours avec la décision n° 369819 du 22 mai 2015 Wellcome Trust : il en ressort que le juge dispose d'une marge d'appréciation et ainsi, si un fonds ne répond pas stricto sensu aux critères définis par le code général des impôts mais que sa situation est objectivement comparable à celle d'un organisme sans but lucratif et que sa gestion doit être regardée comme revêtant un caractère désintéressé, alors l'exonération doit être accordée ; dans cette optique, le fonds doit établir que les rémunérations des dirigeants sont encadrées et qu'elles sont justifiées au regard des tâches qu'ils accomplissent ; or le fonds a versé des rémunérations pour 43 millions de dollars en 2006, 44 millions en 2007 et 38 millions en 2008, ce qui représente 0,4% de la valeur des actifs gérés par le fonds et de plus, ces sommes ont été versées à un trustee qui ne peut pas être regardé comme un dirigeant puisqu'il s'agit d'un prestataire externe au fonds, qui gère de façon externalisée ses intérêts ; un trustee est un prestataire externe au fonds et par suite, échappe à toute analyse au regard de la rémunération des dirigeants d'un fonds.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 23 avril 2015 et 20 avril 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le requérant a eu la possibilité de faire valoir ses arguments à l'encontre de la tardiveté soulevée par le rapporteur public à l'audience, dès lors qu'il a présenté une note en délibéré : le contradictoire a ainsi été respecté au sens de la jurisprudence du Conseil d'Etat du 19 avril 2013, n° 340093 CCI d'Angoulême ;
- la décision Stichting Unilever, qui annule pour excès de pouvoir les instructions fiscales référencées 4-J-1-05 du 25 février 2005 et 4-J-2-05 du 28 avril 2005, n'a pas constaté la non-conformité du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts au principe de libre circulation des capitaux ; en effet, la mise en oeuvre du recours en excès de pouvoir n'a ni pour objet ni pour effet, de conclure à l'incompatibilité d'une règle de droit et ce, depuis la loi des 7-14 octobre 1790 ; par ailleurs, l'appelant, fonds américain, n'est pas fondé à se prévaloir des termes de l'instruction administrative référencée 4-H-2-10 du 29 décembre 2009 qui ne concerne que les organismes à but non lucratif communautaires ou appartenant à l'Espace économique européen et ayant conclu une convention fiscale avec la France ;
- sur le bien-fondé, l'appelant, qui n'a produit aucune pièce justificative à cet égard ne justifie pas qu'il remplit les critères cumulatifs requis pour bénéficier de la neutralisation de la retenue à la source qu'il sollicite, lesquels exigent que sa gestion soit désintéressée, qu'il soit géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation et, enfin, qu'il n'entretienne pas de relation privilégiée avec des entreprises et pas davantage de relations de concurrence ; les rémunérations versées par le fonds, à hauteur de 18 millions de dollars en 2006, 19 millions en 2007 et 15 millions en 2008, excèdent notablement les seuils tolérés par la législation française et du fait que le trustee gestionnaire externe, n'assume aucune responsabilité personnelle de gestion, il n'existe aucun degré de proportionnalité entre la responsabilité assumée et le niveau de rémunération.
Par un arrêt 14VE03439 du 19 juillet 2016, la Cour a annulé le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions présentées par le requérant aux fins de restitution des retenues à la source afférentes aux années 2006 à 2008, et rejeté sa demande aux fins de restitution des retenues à la source afférentes à ces mêmes années, ainsi que ses autres conclusions devant la Cour.
Procédure devant le Conseil d'Etat :
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 14 octobre 2016 et le 13 janvier 2017, le fonds SAN DIEGO CITY EMPLOYEES' RETIREMENT SYSTEM a demandé au Conseil d'État l'annulation de cet arrêt et le règlement au fond du litige.
Par un mémoire enregistré le 19 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics s'en remet à la sagesse du Conseil d'État.
Par une ordonnance n° 404463 du 29 août 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt du 19 juillet 2016 et renvoyé l'affaire devant la Cour, où elle a été réenregistrée sous le n° 18VE03037.
Procédure après renvoi :
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens.
Il fait valoir en outre que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le statut de fonds de pension qualifié le rendait comparable aux caisses de retraite française ;
- le fonds ne fournit ni les informations ni les justificatifs relatifs à la responsabilité de ses différents acteurs, à l'identité de ses dirigeants, à leur rémunération, à son propre fonctionnement et à son champ d'action, au caractère désintéressé de sa gestion et à l'absence de relations privilégiées avec des entreprises ;
- à supposer que le trustee n'assume pas la direction du fonds, ses frais sont injustifiés au regard des critères dégagés par la jurisprudence Wellcome Trust.
Par des mémoires, enregistrés le 20 février 2019, le fonds SAN DIEGO CITY EMPLOYEES' RETIREMENT SYSTEM conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens.
Il soutient en outre, que :
- la législation américaine (Internal revenu code) et l'ERISA encadrent le fonctionnement des fonds de pension et en particulier la rémunération de leurs dirigeants, et la déclaration de trust du 1er juillet 2007 leur est conforme ;
- ses dirigeants sont le comité de direction (Board) de ce trust d'après cette déclaration et remplissent les fonctions du trustee ;
- selon l'attestation du 16 janvier 2019 de M. A... B..., directeur général du fonds de pension, les membres de ce comité ne sont pas les salariés du fonds, mais des personnes exerçant les fonctions de direction du fonds à titre volontaire et exclusivement bénévole ;
- il ressort de ses rapports annuels globaux des exercices correspondant aux années en litige que ses frais d'administration et de gestion ne représentant que 0,3 des actifs gérés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité instituant la Communauté européenne ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Soyez, président-assesseur,
- et les conclusions de Mme Méry, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. Le fonds SAN DIEGO CITY EMPLOYEES' RETIREMENT SYSTEM (ci-après le SDCERS) relève appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil en date du 14 octobre 2014, en tant qu'il a rejeté ses conclusions en restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française au titre des années 2006 à 2008.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. S'agissant des décisions et avis rendus au contentieux, notamment, par le Conseil d'État, seuls ceux qui révèlent directement l'incompatibilité avec une règle de droit supérieure de la règle de droit dont il a été fait application pour fonder l'imposition en litige sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un événement au sens du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ainsi que de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre. Une décision ou un avis qui se borne à retenir une interprétation des dispositions du droit de l'Union ou du droit national dont il a été fait application pour fonder l'imposition contestée différente de celle jusqu'alors formellement admise par l'administration dans ses instructions, ne peut constituer le point de départ de ce délai et de cette période, dès lors que l'imposition ne saurait être fondée sur l'interprétation de la loi fiscale que l'administration exprime dans ses instructions. Il peut toutefois en aller autrement lorsque l'instruction fiscale, dont l'illégalité a été révélée par une décision du Conseil d'État statuant au contentieux sur un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une instruction ou le refus de l'abroger, n'ajoute pas à la loi fiscale mais se borne à réitérer les termes de cette loi dont il a été fait application pour fonder l'imposition dont la restitution est demandée et que cette décision révèle alors directement la non-conformité de cette loi à une règle de droit supérieur au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales.
3. Par la décision déjà mentionnée " Société Stichting Unilever Pensionenfonds Progress et autres ", le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé le refus d'abroger les instructions fiscales 4 J - 1 - 05 du 25 février 2005 et 4 J - 2 - 05 du 28 avril 2005, qui se bornaient à tirer les conséquences de la suppression de l'avoir fiscal et à prescrire l'application du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, en tant qu'elles ne prévoyaient pas de neutraliser l'application de la retenue à la source prévue par les dispositions de cet article au paiement de dividendes de sociétés françaises à des organismes tels que des fonds de pension étrangers qui seraient en mesure d'apporter la preuve qu'ils pourraient bénéficier, s'ils étaient établis en France, de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévues au C du 5 de l'article 206 du même code, au motif que l'application de cette retenue à la source constitue une restriction à la liberté de circulation des capitaux prohibée par l'article 56 du traité instituant la communauté européenne. Ainsi, cette décision constitue le point de départ du délai et de la période mentionnée au paragraphe précédent. Par suite, ni au regard des dispositions de l'article R 196 -1 du livre des procédures fiscales ni au regard de celles de l'article L 190 du même livre, le délai de réclamation n'était expiré le 26 décembre 2011, date à laquelle le requérant a introduit sa réclamation contre les retenues à la source sur les dividendes perçus au cours des années 2006, 2007, 2008 et 2009. Par suite, en l'absence de décision expresse de l'administration sur cette réclamation dans les six mois, c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevables les conclusions de la demande du SDCERS, présentées le 28 août 2013, tendant à la restitution des retenues à la source au titre des années 2006, 2007 et 2008. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de régularité soulevé par le SDCERS, le jugement doit, dans cette mesure, être annulé.
4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande tendant à la restitution de retenues à la source au titre des années 2006, 2007 et 2008.
Au fond :
5. D'une part, aux termes du 1 de l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 63 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) Toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites ". Aux termes de l'article 58 du même traité, devenu l'article 65 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. L'article 56 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les Etats membres : a. d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis ; b. de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale (...) 3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l'article 56 ". Si ces stipulations n'imposent pas aux Etats membres qu'un organisme reconnu sans but lucratif dans son Etat d'origine bénéficie automatiquement de la même reconnaissance sur leur territoire, le pouvoir d'appréciation dont disposent les Etats membres doit s'exercer conformément au droit de l'Union européenne. En outre il appartient à chaque Etat membre d'organiser, dans le respect du droit de l'Union, son système d'imposition des bénéfices distribués. Lorsqu'une réglementation fiscale nationale établit un critère de distinction pour l'imposition des revenus de capitaux mobiliers, l'appréciation de la comparabilité des situations doit être effectuée en tenant compte dudit critère. La Cour de justice de l'Union européenne a précisé à cet égard dans l'arrêt du 10 mai 2012 " Santander Asset Management SGIIC et autres " (338/11 à 347/11) que seuls les critères de distinction pertinents établis par la réglementation en cause doivent être pris en compte aux fins d'apprécier si la différence de traitement résultant d'une telle réglementation reflète une différence de situation objective.
6. D'autre part, aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " 5. Sous réserve des exonérations prévues aux articles 1382 et 1394, les établissements publics, autres que les établissements scientifiques, d'enseignement et d'assistance, ainsi que les associations et collectivités non soumis à l'impôt sur les sociétés en vertu d'une autre disposition sont assujettis audit impôt en raison : (...) c. Des revenus de capitaux mobiliers dont ils disposent, à l'exception des dividendes des sociétés françaises, lorsque ces revenus n'entrent pas dans le champ d'application de la retenue à la source visée à l'article 119 bis ; ces revenus sont comptés dans le revenu imposable pour leur montant brut (...) ". Aux termes de l'article 207 du même code : " 1. Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés : (...) 5° bis. Les organismes sans but lucratif mentionnés au 1° du 7 de l'article 261, pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée ". Aux termes de l'article 261 du même code : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 7. 1° b) Les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des oeuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient. (...) d. Le caractère désintéressé de la gestion résulte de la réunion des conditions ci-après : L'organisme doit, en principe, être géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation. Toutefois, lorsqu'une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association (...), une fondation reconnue d'utilité publique ou une fondation d'entreprise décide que l'exercice des fonctions dévolues à ses dirigeants justifie le versement d'une rémunération, le caractère désintéressé de sa gestion n'est pas remis en cause si ses statuts et ses modalités de fonctionnement assurent sa transparence financière, l'élection régulière et périodique de ses dirigeants, le contrôle effectif de sa gestion par ses membres et l'adéquation de la rémunération aux sujétions effectivement imposées aux dirigeants concernés ; cette disposition s'applique dans les conditions suivantes : (...) un tel organisme peut rémunérer trois de ses dirigeants si le montant annuel de ses ressources, majorées de celles des organismes qui lui sont affiliés et qui remplissent les conditions leur permettant de bénéficier de la présente disposition, hors ressources issues des versements effectués par des personnes morales de droit public, est supérieur à 1 000 000 € en moyenne sur les trois exercices clos précédant celui pendant lequel la rémunération est versée ; un tel organisme peut verser des rémunérations dans le cadre de la présente disposition uniquement si ses statuts le prévoient explicitement et si une décision de son organe délibérant l'a expressément décidé à la majorité des deux tiers de ses membres ; (...) le montant de toutes les rémunérations versées à chaque dirigeant au titre de la présente disposition ne peut en aucun cas excéder trois fois le montant du plafond visé à l'article L 241-3 du Code de la sécurité sociale ".
7. Il résulte de l'instruction que la ville de San Diego en Californie et certaines agences publiques gérant des équipements collectifs de cette ville ont créé, par une déclaration du 1er juillet 2007, sous forme de trust, le SDCERS pour la gestion de plans de retraites de leurs employés, plans qui sont abondés par ces employeurs et par les cotisations de leurs employés. L'administration ne conteste ni le caractère non lucratif de l'objet statutaire de ce trust ni son mode d'exploitation sans rapport avec celui d'une entreprise commerciale. En revanche, elle met en doute le caractère désintéressé de sa gestion. A cet effet, elle fait valoir que la circonstance que le trust soit " qualifié " au sens de la section 401 (a) de l'Internal Revenue Code, ne suffit pas à elle seule à établir sa gestion désintéressée au regard des dispositions précitées de la loi fiscale française. Elle relève que le SDCERS ne fournit pas d'informations claires et suffisantes permettant de déterminer, d'une part, la responsabilité de ses différents acteurs, l'identité de ses dirigeants, l'absence de rémunération de ces derniers, d'autre part, au cas où ils seraient rémunérés, l'adéquation de leurs rémunérations à leurs responsabilités, les conditions de leur désignation et d'exercice de leurs fonctions.
8. Aux termes de l'article 403 (a) de l'Employee Retirement Income Security Act (ERISA) : " Le plan prévoit expressément que le trust que le ou les trustees sont soumis à la direction d'un named fiduciary, qui n'est pas un trustee, auquel cas le ou les trustees sont soumis aux directives de ce named fiduciary qui sont données conformément aux modalités prévue s par le plan qui ne sont pas contraires à ce chapitre ". Toutefois, il résulte de l'instruction et il est établi par la section 1.18 de l'article 2 de la déclaration du trust du 1er juillet 2007 que, malgré ces dispositions légales, les fonctions du trustee sont en l'espèce exercées par un comité de direction, ci-après désigné le Board qui se compose d'employés de haut niveau de la ville de San Diego et des agences publiques déjà mentionnées, employés désignés pour diriger le fonds de pension.
9. En vertu des dispositions du B de l'article 1106 du Code US, reprises dans les stipulations de l'accord : " (B) Des transactions entre le plan et les personnes soumises à une obligation fiduciaire : / une personne soumise à une obligation fiduciaire ne doit pas / 1) utiliser les actifs du plan dans son propre intérêt ou pour son propre compte, / (2) intervenir à titre individuel ou à tout autre titre, à toute transaction impliquant le plan, pour le compte d'une partie dans les intérêts divers avec ceux du plan ceux de ses affiliés ou bénéficiaire, ou /(3) percevoir pour son propre compte, une quelconque rémunération émanant d'une personne agissant pour le plan et provenant d'une opération impliquant les actifs de ce plan. ". Si ces dispositions qui concernent, selon le titre de l'article, des " transactions prohibées ", ont pour objet d'interdire toute collusion entre les dirigeants du trust, et les opérateurs proposant des placements, elles n'interdisent pas, en tant que telles, comme le fait valoir l'administration, la rémunération de ces dirigeants en cette qualité. Pareillement, la déclaration du 1er juillet 2007 instituant le trust ne comporte aucune stipulation interdisant la rémunération des dirigeants du fonds de pension requérant. Or il ressort des rapports annuels globaux du fonds à destination du public et des bénéficiaires des pensions de retraite et plus précisément des états de dépenses administrative, que s'il expose des frais d'administration et de gestion importants - 18 millions de dollars en 2006, de 19 en 2007 et de 15 en 2008-, incluant des rémunérations, ces frais ne concernent en rien ses dirigeants. Il relève au surplus que les montants de ces frais, sans commune mesure avec les seuils autorisés par la loi française en cas de rémunération de dirigeants, ne représentent que 0,3% de la valeur des actifs qu'il gère, soit 5 milliards de dollars en 2006, 5,9 en 2007 et 5,6 en 2008. Il se prévaut de l'attestation du 16 janvier 2019 de M. A... B..., directeur général du fonds de pension, selon lequel les membres nommément désignés du comité de direction au cours des années en litige ne recevaient pas de rémunération au titre de leur participation à ce comité. Mais en l'absence de désignation nominative dans ces états de dépenses des bénéficiaires de rémunération, il est impossible de s'assurer que les membres du comité de direction, dont les noms figurent sur l'attestation déjà mentionnée, ne recevaient effectivement aucune rémunération du fonds. Enfin, comme le fait valoir l'administration, cette attestation n'exclut pas la possibilité d'une rémunération par la ville de San Diego et les agences publiques en question des dirigeants du trust au titre de leurs fonctions dans le comité de direction du fonds, ni le fait que leur salaire puisse rémunérer leur activité au service à la fois de la ville de San Diego et des agences publiques en question et du trust. Dès lors que ni les contrats de travail de ces employés de la ville de San Diego et de ces agences ni le montant de leurs rémunérations ne sont communiqués, il n'est pas possible d'apprécier l'objet de ces rémunérations, ni, s'il y a lieu, l'adéquation de ces rémunérations aux responsabilités des intéressés dans le trust. Le SDCERS qui n'expose pas non plus les règles et les critères de désignation de ses dirigeants, ni les conditions d'exercice de leurs fonctions, ne satisfait pas aux exigences de transparence et d'absence de relations avec les entreprises, qui découlent des dispositions précitées de l'article 261 du code général des impôts, en cas de rémunération des dirigeants. Dès lors, le moyen tiré du caractère désintéressé de la gestion du SDCERS doit être écarté.
10. Il suit de là que la situation du SDCERS n'est pas objectivement comparable à celle des organismes sans but lucratif français. Dans ces conditions, la différence de traitement, résultant de l'application de la retenue à la source sur les dividendes versés au SDCERS par des sociétés françaises, alors que des organismes sans but lucratif français placés dans la même situation en seraient exonérés, ne porte pas atteinte à l'exercice par le SDCERS de la liberté de circulation des capitaux, ni ne constitue une restriction à ladite liberté. Par suite, sans qu'il soit besoin de solliciter l'avis du Conseil d'Etat ou de saisir d'une question préjudicielle relativement à l'éventuelle contrariété des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française avec l'article 56 du Traité instituant la Communauté européenne, l'application au SDCERS des retenues à la source litigieuses ne méconnaît ni l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne ni l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le fonds SAN DIEGO CITY EMPLOYEES' RETIREMENT SYSTEM est seulement fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a déclaré irrecevables ses conclusions en restitution de retenues à la source des années 2006 à 2008. Par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions présentées par ce fonds, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil n°1309040 du 14 octobre 2014 est annulé en tant qu'il a rejeté comme irrecevables les conclusions du fonds SAN DIEGO CITY EMPLOYEES' RETIREMENT SYSTEM en restitution de retenues à la source des années 2006, 2007 et 2008.
Article 2 : La demande du fonds SAN DIEGO CITY EMPLOYEES' RETIREMENT SYSTEM tendant à la restitution des retenues à la source des années 2006, 2007 et 2008 et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
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18VE03037