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16/06/2020 | FRANCE | N°18VE00530

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 16 juin 2020, 18VE00530


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil :

1° d'annuler l'arrêté du 27 avril 2017 par lequel le ministre de l'économie et des finances l'a licencié pour insuffisance professionnelle ;

2° de condamner l'administration à lui verser une somme de 7 839,38 euros en réparation des préjudices subis, ainsi que les intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 1 000 euro

s par jour de retard ;

3° d'enjoindre à l'administration de le réintégrer dans ses foncti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil :

1° d'annuler l'arrêté du 27 avril 2017 par lequel le ministre de l'économie et des finances l'a licencié pour insuffisance professionnelle ;

2° de condamner l'administration à lui verser une somme de 7 839,38 euros en réparation des préjudices subis, ainsi que les intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3° d'enjoindre à l'administration de le réintégrer dans ses fonctions au sein de la division juridique avec versement de la même rémunération que précédemment et accès aux outils de travail, et de lui verser les rémunérations non perçues du fait de la décision de licenciement, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4° d'enjoindre à l'administration de communiquer la liste des membres de la commission administrative paritaire qui a été réunie les 9 mars et 4 avril 2017, le rapport mentionné par la chef des services fiscaux dans son compte rendu du 6 octobre 2011 ainsi que l'ensemble des éléments à caractère médical le concernant ;

5° d'ordonner l'exécution provisoire du jugement nonobstant les recours dont il pourrait faire l'objet ;

6° et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 7611 du code de justice administrative.

Par jugement n°1706513 du 15 décembre 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 9 février 2018 et le 30 décembre 2019, M. C..., représenté par Me Chanclair, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 avril 2017 ;

2° d'annuler cet arrêté ;

3° et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier pour contradiction de motifs, dénaturation de pièces du dossier, insuffisance de motivation et au motif que ses auteurs ont excédé leur office ;

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé en fait ;

- il n'a pas obtenu communication complète de son dossier ;

- il n'a pu le consulter que 5 jours avant la réunion de la commission administrative paritaire ;

- les faits ne sont pas établis ;

- l'arrêté a fait une inexacte qualification des faits retenus et lui a infligé une sanction disciplinaire déguisée en le licenciant ;

- l'administration ne pouvait le licencier sans tenir compte de circonstances telles que l'insuffisance de sa formation initiale et continue, et son état de santé ;

- son licenciement est tardif par rapport aux faits reprochés.

....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 ;

- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2010-986 du 26 août 2010 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... ;

- et les conclusions de Mme Méry, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., inspecteur des finances publiques en fonction au sein de la direction de contrôle fiscal Île-de-France Ouest, relève appel du jugement rendu le 15 décembre 2017 par le Tribunal administratif de Montreuil, en tant qu'il a rejeté son recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté du ministre de l'économie et des finances en date du 27 avril 2017, prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le moyen tiré de la dénaturation des faits dont serait entaché le jugement attaqué ne relève pas de l'office du juge d'appel, mais de celui du juge de cassation et, par suite, ne peut qu'être écarté;

3. M. C... reproche aux premiers juges d'avoir admis les manquements retenus par l'administration, relatifs notamment à l'insuffisante productivité de l'agent, et à ses mauvaises relations avec son entourage professionnel, sans rechercher si le premier manquement n'était pas imputable à l'insuffisance de son stage pratique, à la sortie de l'école nationale des impôts, et si le second ne résultait pas de l'attitude inappropriée de cet entourage. Cependant il ne s'ensuit pas que le jugement attaqué soit, de ce fait, entaché d'un défaut de motivation.

4. M. C... estime que les premiers juges ont relevé des motifs ne figurant pas dans la motivation de l'arrêté attaqué pour justifier ce dernier. Toutefois, il est loisible au juge de la fonction publique de rechercher dans les écritures des parties et des pièces du dossier les éléments propres à corroborer, ou au contraire à infirmer, les faits allégués par l'administration, la qualification qu'elle leur a donnée et la décision qu'elle a prise en conséquence. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en l'espèce les premiers juges auraient excédé leur office, doit être écarté.

Au fond

5. Il ressort des propres écritures de M. C... qu'il n'a sollicité le volet médical de son dossier que le 24 janvier 2018, soit après l'arrêté litigieux, aux fins de préparer " sa défense d'appel ". Ainsi, faute d'en avoir sollicité la consultation en temps utile de cette partie de son dossier, il ne saurait utilement se prévaloir de ce que l'administration ne lui a communiqué qu'un dossier incomplet au cours de la procédure préalable à son licenciement. En tout état de cause, l'administration rapporte la preuve qu'elle a transmis ce volet médical au médecin de prévention qui l'a adressé au requérant le 16 février 2018, à l'ancienne adresse de M. C..., puis lui a réexpédié à sa nouvelle adresse à Beauvais. Le moyen tiré de la communication incomplète de son dossier est dès lors en tout état de cause infondé.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. C... et deux de ses défenseurs ont consulté ce dossier et obtenu copie du rapport de saisine de la commission administrative paritaire le 7 mars 2017. Compte tenu du report au 4 avril 2017 de la séance de cette commission, le moyen tiré de ce qu'il n'a disposé que d'un délai insuffisant de cinq jours pour prendre connaissance de ce dossier, doit être écarté.

7. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

8. Pour estimer que le comportement de M. C... caractérisait une insuffisance professionnelle, l'arrêté en litige expose précisément les différents motifs sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée. Dans ces conditions et alors même qu'il ne mentionne pas les circonstances de fait qui les illustrent, ce qu'il n'était au demeurant pas tenu de faire, cet arrêté n'était pas insuffisamment motivé en fait, au sens des dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration.

9. Pour prononcer la décision en litige, l'autorité administrative s'est fondée sur l'incapacité de M. C... d'exercer les fonctions incombant à un agent de son grade et le refus de celui-ci d'accomplir certaines tâches, sur des absences injustifiées de l'intéressé ainsi que sur son comportement relationnel inadapté. Il est constant qu'au cours de l'année 2009, affecté dans une brigade de vérification au sein de la DIRCOFI Île-de-France Est, l'agent n'a atteint que la moitié de l'objectif qui lui avait été assigné, qu'au cours de l'année 2010, il a de nouveau éprouvé des difficultés à exécuter les tâches qui lui étaient confiées, n'a pu respecter les délais qui lui étaient impartis et qu'il s'est soustrait aux instructions qu'il avait reçues en omettant de remettre à son supérieur hiérarchique le planning des interventions qui lui avait été demandé. Compte tenu notamment de cette manière de servir et de sa mésentente avec sa hiérarchie, il a fait l'objet d'une mutation d'office prenant effet au 1er janvier 2012, à la division des affaires juridiques de la Dircofi Île-de-France Ouest. Dans ses nouvelles fonctions de rédacteur, dans lesquelles il était chargé en particulier du traitement du contentieux administratif et juridictionnel ainsi que des analyses de jugements, il n'a traité que 7 affaires en 2012, 11 en 2013 et 8 en 2014, alors que chaque rédacteur traite en moyenne quatre-vingt-dix dossiers par an. Au mois de février 2015, et malgré l'ancienneté croissante du requérant, son chef de la division juridique était de nouveau contraint de lui enjoindre de remettre des dossiers qui n'avaient pas été transmis dans le délai requis. Il apparaît dans plusieurs comptes rendus d'entretien professionnel versés aux débats par le requérant, relatifs à ces années, qu'en plus de son insuffisante productivité et de ses retards dans l'accomplissement de ses tâches, le rédacteur présentait des lacunes dans les connaissances indispensables à l'exercice de ses fonctions, qu'il n'a pas fait preuve d'implication professionnelle et de sens du service public et qu'il s'est absenté durant plusieurs semaines au cours du troisième trimestre de l'année 2011 sans justification. Les faits allégués par l'administration sont dès lors établis.

10. Comme a été dit au paragraphe 3, si certains manquements de M. C... tels que l'irrespect envers sa hiérarchie, la désobéissance et des absences injustifiées seraient susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire, cette circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à entacher la décision litigieuse d'illégalité, dès lors que l'administration se fonde sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent au regard des responsabilités attachées à son grade. A cet égard, les insuffisances constatées au paragraphe précédent en ce qui concerne le nombre d'affaires traitées, la manière dont elles étaient traitées et les retards de l'agent dans l'accomplissement de ses tâches, ainsi que son inaptitude à établir des relations de travail normales corroborent l'insuffisance professionnelle de M. C.... Par suite, le moyen tiré de l'erreur de qualification juridique des faits retenus ne peut qu'être écarté.

11. La circonstance que certains des faits reprochés à M. C... seraient susceptibles d'être qualifiés de faute disciplinaire, n'est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à ce que ces manquements et d'autres, retenus par l'administration, soient regardés comme révélant l'inaptitude de l'agent au regard des exigences de capacité qu'elle est en droit d'attendre d'un fonctionnaire de son grade. En prenant l'arrêté litigieux, l'autorité administrative n'a prononcé une sanction disciplinaire déguisée en méconnaissance des garanties attachées à la procédure disciplinaire.

12. De même, après avoir admis la réalité des manquements sur lesquels repose l'arrêté attaqué, à savoir les refus d'accomplir les travaux confiés, les absences injustifiées, les relations conflictuelles de nature à perturber la bonne marche du service, l'irrespect à l'égard de sa hiérarchie, les premiers juges ont confirmé l'insuffisance professionnelle de l'agent. Pour les mêmes raisons que celles exposées aux paragraphes précédents, le moyen tiré de la contradiction entre les motifs du jugement tirés, d'une part, du caractère disciplinaire de certains des manquements reprochés à M. C..., d'autre part, de la qualification d'insuffisance professionnelle, ne peut qu'être écarté.

13. M. C... soutient que l'autorité administrative ne pouvait légalement prononcer son licenciement pour insuffisance professionnelle, dès lors que ses insuffisances et sa faible productivité avaient pour cause une insuffisance de formation professionnelle. Mais s'il fait valoir qu'à l'issue de sa scolarité, son stage pratique s'est déroulé sous le tutorat d'un autre inspecteur des finances publiques, dont il allègue qu'il ne disposait pas des compétences nécessaires, il apparaît que cette pratique de tutorat par un collègue est de règle dans le corps des inspecteurs des finances publiques. S'il se plaint de n'avoir bénéficié que d'une formation collective lors de son affectation dans un poste de rédacteur juridique, il n'établit pas que les formations individuelles sont organisées par ministère en pareil cas.

14. Enfin, M. C... met en avant son état dépressif qu'il impute à l'attitude hostile de ses hiérarchies successives et de son environnement professionnel. Toutefois, il ne conteste pas avoir décliné la proposition qui lui a été faite lors des entretiens des 24 janvier 2014 et du 2 juin 2015, de consulter le médecin de prévention. Il ressort également des pièces du dossier que, convoqué à l'examen du médecin de prévention le

31 juillet 2015, M. C... ne s'y est pas rendu, et que, lors de la consultation du

10 septembre 2015, le médecin de prévention a jugé son état de santé compatible avec les conditions de travail du poste occupé. De même, le refus de placer l'agent en congé de longue maladie pour ses arrêts de travail à partir du 12 mars 2013, a été pris conformément à l'avis du comité médical, réuni en séance du 8 octobre et du 3 décembre 2013. En se bornant à produire un certificat médical établi par son médecin traitant à sa demande, M. C... n'établit pas davantage son inaptitude physique à exercer ses fonctions. Par suite, le moyen tiré de ce que son inaptitude à exercer ses fonctions serait imputable à son état de santé et, à supposer qu'il soit soulevé, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait le licencier que sur le fondement d'inaptitude physique, doivent être écartés.

15. Il ressort des pièces du dossier que le requérant a été informé de la décision d'engager une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle par une lettre du 16 novembre 2016. Ainsi qu'il a été dit, le responsable hiérarchique de M. C... a été contraint à nouveau en 2015 de lui enjoindre de remettre des dossiers qui lui avaient été confiés. Il s'ensuit que les manquements dont la réitération et l'aggravation ont fait conclure l'autorité administrative à une insuffisance professionnelle de l'agent, ont été constants entre son stage pratique de 2008 et l'envoi de cette lettre déclenchant en 2016 la procédure de licenciement. Dès lors le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait intervenue trop longtemps après les manquements commis par le requérant, manque en fait.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté son recours pour excès de pouvoir contre la décision prononçant son licenciement. Par voie de conséquence, doivent être également être rejetées ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

2

N°18VE00530


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18VE00530
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-06-03 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement. Insuffisance professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. BEAUJARD
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: Mme MERY
Avocat(s) : MPC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-06-16;18ve00530 ?
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