Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme Générale de Robinetterie et de Système de Sûreté (GRISS) a demandé au Tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie dans les rôles de la commune d'Armentières (Nord) au titre des années 2011, 2012 et 2013.
Par une ordonnance du 25 février 2018, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, a transmis cette demande au Tribunal administratif de Montreuil.
Par un jugement n° 1745341 du 28 juin 2018, le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir réduit de 863 744 euros la valeur locative des immobilisations retenues pour la réévaluation de la valeur locative du site d'Armentières de la société GRISS, a déchargé cette dernière des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013, et correspondant à cette réduction de la base de réévaluation de la valeur locative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er octobre 2018 et le 20 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :
1° de réformer ce jugement ;
2° de rétablir la société GRISS aux rôles des cotisations foncières des entreprises de la commune d'Armentières pour les années 2011 à 2013, à raison de la réintégration, en base, d'une valeur locative d'immobilisations d'un montant de 820 858 euros.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, spécialement son article 8.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Pour les besoins de son activité de fabrication et commercialisation de vannes industrielles, la société anonyme Générale de Robinetterie et de Système de Sûreté (GRISS) exploite un établissement industriel situé à Armentières (Nord), prenant la forme d'un ensemble immobilier comprenant une construction à usage de bureaux jouxtant une vaste construction métallique à usage d'usine, organisée en zones délimitées par des marquages au sol et, le cas échéant, des cloisons à hauteur d'homme. En conséquence de la rectification de l'assiette des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties due à raison de cet établissement, l'administration fiscale a assigné à la société GRISS des suppléments de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2011, 2012 et 2013. Sa réclamation préalable partiellement acceptée, cette dernière a saisi le juge de l'impôt, à fin de décharge des sommes demeurant en litige. Par un jugement du 28 juin 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a réduit la valeur locative des immobilisations passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties d'un montant global de 863 744 euros, et prononcé les réductions de cotisation foncière des entreprises correspondantes. Le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS en relève partiellement appel, en demandant à la Cour de réintégrer à la base imposable une valeur locative d'immobilisations d'un montant de 820 858 euros, et de rétablir, à proportion, la société GRISS aux rôles des cotisations foncières des entreprises, pour les années 2011 à 2013.
Sur la recevabilité de la requête du ministre :
2. Le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS a présenté dans le délai de recours devant la cour administrative d'appel, un mémoire d'appel qui expose, outre une critique du jugement rendu par le tribunal administratif, les motifs justifiant, selon lui, le rétablissement d'une partie des impositions litigieuses. Cette motivation répond ainsi aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée par la société GRISS et tirée de l'irrecevabilité des conclusions d'appel du ministre, au motif que celles-ci ne seraient pas motivées, doit être écartée.
Sur le bien-fondé des impositions :
3. Aux termes du I de l'article 1447 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales (...) qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée (...) ". L'article 1467 du même code dispose que : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période (...) La valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe ". En vertu de l'article 1467 A de ce code, la période de référence retenue pour déterminer les bases de cotisation foncière des entreprises est l'avant-dernière année précédant celle de l'imposition ou le dernier exercice de 12 mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile.
4. Aux termes de l'article 1380 du code général des impôts : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code ". Aux termes de l'article 1381 dudit code : " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : / 1°) Les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d'usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation ; / 2°) Les ouvrages d'art et les voies de communication (...) ". Aux termes de l'article 1382 de ce code : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : / (...) 11° Les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels à l'exclusion de ceux visés aux 1° et 2° de l'article 1381 (...) ". Il résulte de ces dispositions, d'une part, que les bâtiments mentionnés au 1° de l'article 1381 cité ci-dessus comprennent également les aménagements faisant corps avec eux, et d'autre part, que les outillages, autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels mentionnés au 11° de l'article 1382 s'entendent de ceux qui participent directement à l'activité industrielle de l'établissement et sont dissociables des immeubles.
En ce qui concerne les immobilisations regardées comme en dehors du champ d'application de la taxe foncière sur les propriétés bâties :
5. Il résulte de l'instruction, et notamment des factures produites, que la mise aux normes du réseau d'eaux pluviales, comptabilisée en 2010 et 2011 pour un prix de revient global de 235 807 euros, a consisté en des travaux de fourniture et pose de collecteurs, de canalisations de divers diamètres, de regards, et d'un séparateur d'hydrocarbures, ainsi que de reprises des voiries sous lesquelles ces biens ont été implantés. Ces aménagements sont indissociables du fonds auquel ils ont été incorporés, et sont, par suite, passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Le ministre est fondé à soutenir que la valeur locative de ces immobilisations doit être intégrée à la base de la cotisation foncière due au titre, respectivement, des années 2012 et 2013. Il est également fondé à soutenir que la valeur locative de 830 euros afférente à la mise en conformité des machines Carnac et Graffenstaden, comptabilisée en 2012, ne saurait être exclue de la base des impositions litigieuses, dès lors qu'en tout état de cause, elle ne pouvait être prise en compte que pour l'établissement de la cotisation foncière des entreprises due au titre de l'année 2014, qui n'est pas en litige, en application des dispositions de l'article 1467 A du code général des impôts rappelées au point 3.
En ce qui concerne les immobilisations regardées comme entrant dans les prévisions du 11° de l'article 1382 du code général des impôts :
S'agissant des réaménagements de la zone nucléaire :
6. Il résulte de l'instruction, et notamment du recoupement du plan, des photographies et de la présentation du site industriel de la société GRISS, que son département nucléaire comprend, outre des zones réservées aux diverses vannes produites par l'entreprise, une salle blanche destinée à leurs assemblage, test et conditionnement, ainsi qu'un bureau de type modulaire. Si, de par ses caractéristiques et sa destination, la salle blanche constitue un bien qui participe directement à l'activité industrielle et est dissociable de l'immeuble où il se situe, il ne résulte pas de l'instruction qu'il en aille de même du bureau. En l'absence d'éléments, et en particulier de factures que seule la société est en mesure de fournir, sur la nature et la consistance des " réaménagements de la zone nucléaire " d'un prix de revient de 51 024 euros, susceptibles de permettre l'identification du local sur lequel ils portaient, la valeur de ces immobilisations, inscrite au compte 213 " installations générales - agencements - aménagements des constructions ", doit être réintégrée à l'assiette passible de la taxe foncière sur les propriétés bâties.
S'agissant des travaux d'électricité :
7. Les libellés des immobilisations " éclairage lampes usines 250 SHP ", " alimentation électrique " et " fournitures électriques ", représentant la somme globale de 27 448,05 euros, ne sauraient suffire, à eux seuls, à établir que ces immobilisations se rapportent à des biens exonérés de taxe foncière en application du 11° de l'article 1382 du code général des impôts. De même, en l'absence de factures permettant de dissocier les travaux de courant fort de ceux de courant faible, les immobilisations " raccord fluide courant fort et faible ", " raccord fluide courant fort et faible montage ress ", " raccord fluide courant fort et faible montage " et " fournitures courant fort et faible ", d'un prix de revient total de 25 459,12 euros, ne peuvent être regardées comme entrant dans les prévisions de ces dispositions. Par ailleurs, et nonobstant la circonstance qu'il n'en a pas tenu compte dans les dégrèvements qu'il a ordonnés en exécution du jugement attaqué, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont prononcé la réduction des cotisations foncières des entreprises des années 2011 à 2013, à raison de l'exclusion de l'assiette de la valeur locative des travaux électriques pour l'alimentation de machines, portés en comptabilité au cours de l'exercice 2012, soit une somme globale de 17 685 euros, dès lors qu'en tout état de cause, celle-ci ne pouvait être prise en compte que pour l'établissement de la cotisation foncière des entreprises due au titre de l'année 2014, qui n'est pas en litige. Il résulte également de l'instruction que les premiers juges ne pouvaient, sans méconnaître les dispositions de l'article 1467 A du code général des impôts, prononcer la réduction des impositions litigieuses des années 2011 et 2012, en excluant de l'assiette la valeur locative des travaux de la zone Sofemball comptabilisés à la clôture de l'exercice 2011.
8. En revanche, il résulte de l'instruction que, eu égard à la nature de l'activité de l'établissement, et aux besoins de puissance électrique qu'elle implique, les autres travaux d'électricité, ainsi que ceux d'agencement électrique de la zone Sofemball, d'alimentation des transformateurs électriques, d'installation d'un transformateur T5 et d'installation de courant fort de la zone d'arrivage visent à alimenter les machines nécessaires à la production, en particulier des postes de soudure ou de montage, des cabines de rodage ou de contrôle des pièces usinées. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que les transformateurs seraient fixés au sol de l'usine, l'un d'eux étant, à cet égard, posé sur une dalle légèrement surélevée. La distribution du courant s'effectue depuis les transformateurs au moyen de goulottes de câblages, acheminant les câbles en direction du plafond de l'usine, à partir duquel ils sont transportés par des canalisations de type Canalis vers les machines, l'ensemble de ces structures étant apparent et ne faisant pas corps avec le bâtiment. Par suite, les immobilisations correspondantes participent directement à l'activité industrielle de l'établissement et sont dissociables de l'usine où elles se situent, et doivent voir leur valeur locative exclue de l'assiette de la cotisation foncière des entreprises pour les trois années litigieuses, réserve faite de celle des travaux dans la zone Sofemball, comptabilisés en 2011 ainsi qu'il a été dit au point 7, et devant par suite être exclue de la base de la cotisation foncière des entreprises pour la seule année 2013.
9. Il résulte de ce qui précède que la valeur locative d'immobilisations en rapport avec les travaux d'électricité à réintégrer en base s'élève à la somme de 73 741,67 euros en 2011 et 2012, et à la somme de 70 592,17 euros en 2013.
S'agissant de l'installation d'un générateur d'air chaud :
10. Il est constant que les travaux de générateur de chaleur comptabilisés à l'exercice 1986 pour un prix de revient de 170 808 euros correspondent au remplacement du système de chauffage de l'atelier principal du département nucléaire, par des chauffages radiants et un système d'extraction d'air. En première instance, la société GRISS soutenait que ce nouveau système de chauffage était destiné à maintenir une température constante de 20°, laquelle serait exigée pour les pièces nucléaires présentes dans l'atelier principal. Elle fait valoir en appel que ces équipements, qui sont à proximité de la salle blanche, servent à alimenter celle-ci. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, et en particulier des photographies produites, que cette dernière circonstance serait établie alors que, par ailleurs, la salle blanche a fait l'objet de travaux spécifiques de climatisation, dont l'administration ne conteste pas, dans la présente instance, le caractère de biens d'équipement spécialisés. De même, les allégations de la société sur la participation directe du système de chauffage à son processus industriel ne sauraient être établies par ces seules photographies, lesquelles montrent des équipements pouvant être utilisés en cas d'affectation des locaux à d'autres activités. Dans ces conditions, le ministre est fondé à soutenir que la valeur locative de ces travaux doit être réintégrée à l'assiette passible de la taxe foncière des propriétés bâties.
11. Il résulte des points 5 à 10 ci-dessus que le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a exclu de la base de la cotisation foncière des entreprises due au titre des années 2011 et 2012 la valeur locative d'immobilisations d'un montant global de 532 210,67 euros et, au titre de l'année 2013, d'un montant global de 529 061,17 euros, et, par suite, a prononcé la réduction d'impositions supplémentaires en découlant.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. L'Etat n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, les conclusions présentées par la société GRISS au titre de ces dispositions doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les compléments de cotisation foncière des entreprises auxquels la société GRISS a été assujettie dans les rôles de la commune d'Armentières sont remis à sa charge, à raison de la réintégration, en base, d'un montant de valeur locative de 532 210,67 euros, au titre des années 2011 et 2012, et d'un montant de valeur locative de 529 061,17 euros, au titre de l'année 2013.
Article 2 : Le jugement n° 1745341 du 28 juin 2018 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société GRISS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 18VE03312